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23/05/2023 | FRANCE | N°22BX02871

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 23 mai 2023, 22BX02871


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 24 juillet 2022 par lesquels le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de cent-quatre-vingts jours, et d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an

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Par un jugement n° 2201844 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 24 juillet 2022 par lesquels le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de cent-quatre-vingts jours, et d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2201844 du 20 octobre 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 novembre 2022, M B..., représenté par Me Robiliard, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement n° 2201844 du 20 octobre 2022 du tribunal administratif de Poitiers ;

3°) d'annuler les arrêtés du 24 juillet 2022 par lesquels le préfet de la Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de cent-quatre-vingts jours ;

4°) d'enjoindre à titre principal au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou à lui-même en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée.

Il soutient que :

En ce qui concerne le moyen commun à l'ensemble des décisions attaquées :

- les arrêtés attaqués ont été pris par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la caractérisation d'une menace à l'ordre public au regard des dispositions de l'article L. 611-1 du code du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- il justifie de circonstances humanitaires faisant obstacle à l'édiction d'une telle interdiction à son encontre, au sens des dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet de la Vienne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par décision du 7 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mars 2023 à 12h00.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E... F....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien né le 13 novembre 1982 à Gulripshi, est entré en France le 3 novembre 2017. L'intéressé a formé en septembre 2018 une demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " auprès de la préfecture de la Vienne. Par un arrêté du 16 juin 2020, la préfète de la Vienne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans. Le recours formé par M. B... contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du 16 octobre 2020 du tribunal administratif de Poitiers. M. B... a fait l'objet d'un nouvel arrêté de la préfète de la Vienne pris le 5 janvier 2022 portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans. Le recours formé par M. B... contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du 17 janvier 2022 du tribunal administratif de Poitiers. Le 24 juillet 2022, le préfet de la Vienne a de nouveau pris à l'encontre de M. B... un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixation du pays de destination, et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Vienne a assigné M. B... à résidence pour une durée de cent-quatre-vingts jours. M. B... relève appel du jugement n° 2201844 du 20 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ces arrêtés du 24 juillet 2022.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 21 décembre 2022. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

3. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, Mme A... C..., signataire des arrêtés attaqués, sous-préfète, directrice du cabinet du préfet de la Vienne, bénéficiait d'une délégation de signature du 12 juillet 2022 régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des arrêtés contestés doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, les moyens tirés de ce que la décision contestée serait insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et méconnaîtrait les articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, faute d'avoir été mis à même de présenter des observations écrites préalablement à son édiction. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

6. Il ressort d'une part des pièces du dossier que M. B... a été incarcéré du 17 juin 2020 au 19 janvier 2022 au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne pour des faits de vol, récidive de vol facilité par l'état d'une personne vulnérable, récidive de conduite d'un véhicule sans permis et filouterie de carburant ou de lubrifiant. Il ressort d'autre part des pièces du dossier que M. B... est entré pour la dernière fois en France le 20 juillet 2022, malgré l'interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans fixée par l'arrêté du 5 janvier 2022 de la préfète de la Vienne. Enfin, M. B... a été interpellé et placé en garde à vue dès le 23 juillet 2022 pour des faits de violences volontaires sur son ex-conjointe. Ainsi, eu égard au caractère récent et récurrent de ces faits, ainsi qu'à leur gravité, le préfet de la Vienne a pu considérer, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, que la présence de M. B... en France représente une menace à l'ordre public. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En troisième lieu, selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si M. B... se prévaut de la présence en France de sa fille majeure Mme H... B..., née le 25 avril 2002, il ne démontre pas, par les seuls éléments qu'il produit, de l'intensité des liens qu'il entretient avec celle-ci. Par ailleurs, la présence en France de son père, de sa mère, de ses frère et sœurs, de ses nièces et de sa belle-sœur, ne confère pas à M. B... un droit au séjour. Enfin, M. B... ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale en Géorgie, son pays d'origine dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie. Par suite, le préfet de la Vienne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant refus de délai de départ volontaire :

9. M. B... reprend en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de l'erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée et de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire :

13. En premier lieu, M. B... reprend en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour (...) ".

15. M. B... se prévaut de sa présence en France depuis plus de cinq ans à la date de la décision attaquée, qu'il est parfaitement intégré en France, sa fille y étant scolarisée, et toute sa famille y résidant. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été exposé au point 6, qu'il est défavorablement connu des services de police et qu'il a été incarcéré entre le 17 juin 2020 et le 19 janvier 2022 au centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne pour une durée de vingt-six mois pour des faits de vol, récidive de vol facilité par l'état d'une personne vulnérable, de récidive de conduite d'un véhicule sans permis et filouterie de carburant ou de lubrifiant. Dans ces conditions, en fixant à deux années la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français infligée au requérant, le préfet de la Vienne n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

16. M. B... reprend en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée, du défaut d'examen particulier et de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023.

La rapporteure,

Pauline F... La présidente,

Evelyne Balzamo,

Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02871


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02871
Date de la décision : 23/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ROBILIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-23;22bx02871 ?
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