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01/06/2023 | FRANCE | N°21BX00982

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 01 juin 2023, 21BX00982


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... Gréaux, Mme B... Gréaux, M. A... Gréaux et Mme D... Gréaux, épouse C..., ont demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler d'une part l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement du chemin d'accès à la plage de l'Anse des Cayes

à Saint-Barthélemy, et d'autre part l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel il a déclaré cessible au profit de la collectivité d'outre-mer de

Saint-Barthélemy la parcelle cadastrée AH n° 1188 nécessaire à la réalisation de ce projet. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... Gréaux, Mme B... Gréaux, M. A... Gréaux et Mme D... Gréaux, épouse C..., ont demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler d'une part l'arrêté du 27 février 2020 par lequel le préfet de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement du chemin d'accès à la plage de l'Anse des Cayes

à Saint-Barthélemy, et d'autre part l'arrêté du 23 juin 2020 par lequel il a déclaré cessible au profit de la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélemy la parcelle cadastrée AH n° 1188 nécessaire à la réalisation de ce projet.

Par un jugement n° 2000009, 2000010 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif

de Saint-Barthélemy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 3 mars 2021, le 6 juillet 2022

et le 14 octobre 2022, les consorts Gréaux représentés par Me Malaval, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 janvier 2021 du tribunal administratif

de Saint-Barthélemy ;

2°) d'annuler les arrêtés du 27 février 2020 et du 23 juin 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la collectivité de Saint-Barthélemy la somme

de 5 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le mémoire en défense présenté par la collectivité de Saint-Barthélemy est irrecevable dès lors que la délégation accordée par le conseil territorial au président de cette collectivité n'implique pas la possibilité de recourir à un avocat ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la minute du jugement n'a pas été signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est insuffisamment motivé en ce qu'il n'a pas répondu à l'ensemble des arguments développés à l'appui du moyen tiré du défaut d'impartialité du commissaire enquêteur et de celui tiré du détournement de pouvoir pour satisfaire les intérêts de l'hôtel voisin ;

- le dossier de l'enquête publique ayant précédé l'arrêté déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement d'un chemin d'accès à la plage de l'Anse des Cayes méconnaît les exigences de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : c'est à tort que le tribunal a considéré que le dossier ne devait pas contenir de plan général de travaux dès lors que l'acquisition de terrains nécessaires à l'opération d'une part, et la réalisation de travaux d'autre part, pouvaient ne pas être réalisées simultanément ; l'article R. 112-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne dispense de cette formalité que lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles ou en vue de la réalisation d'un important projet d'aménagement ou d'urbanisme rendant nécessaire l'acquisition préalable d'immeubles, ce qui n'est pas le cas en l'espèce : le projet implique des travaux de démolition du mur existant, des travaux liés au déplacement des compteurs d'électricité, à l'installation d'une nouvelle clarinette pour l'eau, ainsi que des travaux de terrassement et de revêtement, comme l'a reconnu la collectivité devant le juge judiciaire ; l'appréciation sommaire des dépenses ne prend pas en compte les travaux nécessaires pour le déplacement des compteurs, l'installation d'une nouvelle clarinette, les travaux de terrassement et de revêtement puis la pose d'une clôture pour séparer leurs propriétés respectives du chemin d'accès à la plage et l'aménagement d'un accès au chemin depuis leurs propriétés respectives ;

- le dossier de l'enquête publique ayant précédé l'arrêté déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement d'un chemin d'accès à la plage de l'Anse des Cayes méconnaît les exigences de l'article R. 112-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : la notice explicative n'est pas objective ; l'avis du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS), pourtant central pour justifier un problème d'accès pour brancardage, et la promesse de cession à titre gratuit de la parcelle appartenant à la société SBMA ne figurent pas au dossier soumis à enquête publique ;

- le rapport du commissaire-enquêteur méconnaît les dispositions de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dès lors qu'il n'a répondu à aucune des observations qu'ils avaient présentées, alors qu'ils étaient les seuls à en avoir formulé, et que le commissaire-enquêteur n'a pas émis un avis personnel et motivé, tout en étant partial : le rapport du commissaire-enquêteur a été rédigé en des termes hostiles à leur encontre ; en outre, il semble que ce rapport ait été rédigé avant la fin de l'enquête publique et celui-ci a été soumis à la collectivité de Saint-Barthélemy et à la préfète déléguée de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin pour validation ;

- l'arrêté déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement d'un chemin d'accès à la plage de l'Anse des Cayes est illégal en raison de l'illégalité de la délibération du conseil territorial de la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy du 15 octobre 2018 : cette dernière n'a pas été précédée d'une information suffisante pour les conseillers territoriaux, en méconnaissance des articles LO 6221-20 et LO 6221-22 du code général des collectivités territoriales, et méconnaît le principe de sécurité juridique dès lors qu'elle a été prise avant l'expiration du délai d'un mois laissé par le président de la collectivité de Saint-Barthélemy pour envisager une cession amiable de leurs parcelles, vice qui les a privés d'une garantie et a eu une influence sur le sens de la décision de lancer la procédure d'expropriation ;

- l'opération litigieuse est dépourvue d'utilité publique : l'élargissement du chemin d'accès à la plage n'est pas nécessaire à l'intervention des secours, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) n'indiquant pas dans son avis du 2 octobre 2018, dont l'émission est postérieure au lancement de la procédure, que l'intervention des secours serait à l'heure actuelle impossible ; en outre, les opérations de ramassage de sargasses qui justifiaient le projet ont été suspendues pour des raisons financières et en raison de leur manque d'efficacité, d'autres procédés existant pour éviter le dépôt de ces algues sur les plages ; enfin d'autres accès à la plage existent, notamment l'accès à la partie Nord et le passage au sud par le lotissement Ledée, qui permettent le ramassage de la sargasse et le passage des engins de secours ; il n'a pas été tenu compte des difficultés que pourrait occasionner la réduction de superficie de leurs terrains pour le stationnement des véhicules et l'éventuelle extension de leurs constructions au regard des règles d'urbanisme, ni des frais occasionnés par les déplacements des compteurs et la création de clôtures ;

- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors qu'il a été pris en vue de la satisfaction de l'intérêt de l'hôtel Manapany : l'élargissement d'un chemin d'accès public à la plage n'a été rendu nécessaire que pour répondre aux enjeux de sécurité liés directement à la construction du spa en lieu et place d'un tennis ;

- l'arrêté de cessibilité a été pris en méconnaissance de l'article R. 131-14 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : l'enquête parcellaire ne pouvait se dérouler en même temps que l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique dès lors, d'une part, que des doutes peuvent être exprimés sur la délimitation des parcelles à exproprier et, de fait, sur leur détermination, et d'autre part, que la détermination des parcelles à exproprier est liée à la promesse de la société SMBA de céder 1 mètre de son terrain, cette promesse étant illégale en raison de son lien avec la demande de permis de construire une extension de l'hôtel ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article R. 131-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique dès lors que le commissaire-enquêteur n'a pas tenu compte de leurs observations, dont il ne fait aucune synthèse, et n'a pas émis un avis motivé et personnel ; le commissaire enquêteur a manqué à son devoir d'impartialité ;

- l'arrêté de cessibilité est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement de l'accès à la plage de l'Anse des Cayes ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur sur la désignation des parcelles : le plan parcellaire a mal positionné la limite parcellaire originelle entre d'un côté les propriétés des consorts Gréaux et de l'autre l'hôtel Manapany, caractérisée par l'ancien mur de pierres sèches, et l'arrêté ne vise pas la parcelle appartenant à l'hôtel Manapany ;

- il est entaché d'un détournement de pouvoir et de procédure, car la collectivité ne pouvait faire trancher un litige de propriété via une procédure d'expropriation, et le tribunal administratif était de même incompétent pour se prononcer sur la limite de propriété ;

- certains vices ne sont pas régularisables et un délai particulièrement long pour reprendre la procédure irait à l'encontre d'une bonne administration de la justice.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 15 mars et 29 septembre 2022, la collectivité de Saint-Barthélemy conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer pendant un délai de 9 mois afin de permettre une régularisation de l'arrêté portant déclaration d'utilité publique, et demande à la cour de mettre à la charge solidaire des consorts Gréaux la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le président de la collectivité de Saint-Barthélemy a qualité pour représenter

la collectivité en justice dès lors que la délibération autorisant le président à agir en justice n'a pas à préciser les modalités de cette représentation ; au demeurant, la délibération a été renouvelée le 30 juin 2022 ;

- la minute du jugement a été signée ;

- le jugement est suffisamment motivé : d'une part, le moyen tiré du défaut d'impartialité du commissaire enquêteur n'était ni distinct ni intelligible, et c'est à bon droit que le tribunal n'a répondu qu'à l'argumentation initiale de la requête, le reste de l'argumentation étant faiblement motivé et incohérent avec les termes de la requête ; d'autre part, la jurisprudence admet que la réponse au moyen tiré du détournement de pouvoir soit traitée par une motivation simple ;

- le dossier soumis à enquête publique n'avait pas à contenir de plan général de travaux dès lors que l'acquisition d'immeubles et les travaux d'aménagements, dont le montant s'élève seulement à 1 345 euros, n'ont pas à être réalisés simultanément si les travaux d'aménagements sont accessoires ; le projet ne prévoit pas de travaux de terrassement ni la mise en place d'un revêtement ; en outre, aucun principe ni aucune règle n'imposait d'inclure l'avis du SDIS dans le dossier d'enquête publique ; par ailleurs, aucun revêtement n'étant requis pour le projet, le montant de travaux de revêtement n'avait pas à figurer dans l'estimation sommaire des dépenses, et il n'y a pas eu de sous-évaluation manifeste des dépenses ; le dossier de l'enquête parcellaire comportait un plan et un état parcellaires, et la circonstance que l'expropriante n'aurait pas eu la certitude d'obtenir le complément de terrain utile est sans incidence ; les requérants ne démontrent pas qu'ils auraient été privés d'une quelconque surface ou d'un droit qu'ils ne pourraient faire valoir devant le juge de l'expropriation ;

- le commissaire-enquêteur a suffisamment exposé les raisons justifiant un avis favorable et n'a pas manqué à son devoir d'impartialité ; la circonstance que le commissaire enquêteur ait sollicité l'avis de l'expropriante n'emporte pas manquement au devoir d'impartialité ; au demeurant, le rapport du commissaire-enquêteur n'a pas évolué après la clôture de l'enquête publique ;

- le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la délibération du 15 octobre 2018 du conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy est inopérant dès lors que les vices invoqués concernent seulement les conditions d'adoption de la délibération ; au demeurant, les conseillers territoriaux ont été suffisamment informés du périmètre de l'expropriation et de la problématique, et la délibération n'a pas méconnu le principe de sécurité juridique ;

- le moyen tiré du détournement de pouvoir n'est pas fondé ;

- le projet d'aménagement présente une utilité dès lors qu'il permet l'accès de la plage aux secours, le SDIS indiquant dans son avis qu'il ne pourra pas intervenir dans les situations les plus défavorables, et que les solutions alternatives ne présentent pas les mêmes avantages ; en outre, les atteintes à la propriété privée sont limitées ;

- les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la délimitation par l'arrêté

de cessibilité des parcelles à exproprier ne serait pas fiable ;

- le commissaire-enquêteur a analysé les éléments produits dans le cadre de l'enquête parcellaire et les observations formulées par les requérants ;

- le moyen tiré du détournement de pouvoir n'est pas fondé ;

- à titre subsidiaire, les vices éventuels dont serait entachée la déclaration d'utilité publique peuvent être régularisés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Catherine Girault,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Crottet, représentant les consorts Gréaux et de Me Vaysse, représentant la collectivité de Saint-Barthélemy.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... Gréaux et ses enfants Mme B... Gréaux, M. A... Gréaux

et Mme D... Gréaux épouse C..., propriétaires des parcelles cadastrées AH 614, 615, 713 et 714 à Saint-Barthélemy, y ont fait construire leurs maisons. En limite de ces parcelles et de la parcelle voisine, section AI 1 appartenant à la société SBMA, qui a obtenu en juillet 2017 un permis de construire pour une extension de l'hôtel Manapany, passe un chemin de sable permettant l'accès piéton du public à la partie Sud de la plage de l'Anse des Cayes. Par une délibération du 15 octobre 2018, le conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy, estimant que la mise en place en décembre 2017 par les consorts Gréaux d'une clôture grillagée, limitant la largeur du chemin à 1,30 mètre au maximum, ne permettait pas d'assurer la sécurité et la salubrité publiques, a approuvé d'une part l'acquisition d'une bande de terrain d'une largeur de 3 mètres et d'une longueur de 24 mètres afin de pouvoir rétablir un accès public à la partie Sud de la plage de l'Anse des Cayes, et d'autre part le projet d'expropriation d'une portion de terrain appartenant aux consorts Gréaux. La société SBMA ayant consenti en 2018 une promesse de cession amiable à titre gratuit d'une bande de terrain d'environ un mètre de large pour permettre l'aménagement du chemin, l'enquête publique et l'enquête parcellaire ont été menées conjointement du 6 mai au 7 juin 2019 en vue d'obtenir les deux mètres de largeur restants. Par un arrêté du 27 février 2020, le préfet de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement du chemin d'accès à la plage de l'Anse des Cayes et par un arrêté du 23 juin 2020, il a déclaré cessible au profit de la collectivité la parcelle détachée, nouvellement cadastrée AH n° 1188, nécessaire à la réalisation de ce projet. Les consorts Gréaux ont demandé au tribunal administratif de Saint-Barthélemy d'annuler ces arrêtés. Par un jugement n° 2000009, 2000010 du 21 janvier 2021, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy a rejeté leurs demandes. Les consorts Gréaux relèvent appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la défense de la collectivité de Saint-Barthélemy :

2. Contrairement à ce que soutiennent les consorts Gréaux, le président de la collectivité

a été régulièrement habilité à la représenter en défense, en dernier lieu par une délibération

du 30 juin 2022. Il n'y a donc pas lieu d'écarter les écritures produites en défense.

Sur la régularité du jugement :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le jugement attaqué a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative.

5. Il ressort des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif

de Saint-Barthélemy, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens tirés de la partialité du commissaire enquêteur dans le rapport d'enquête publique et du détournement de pouvoir. Par suite, les consorts Gréaux ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'arrêté du 27 février 2020 portant déclaration d'utilité publique :

S'agissant de la composition du dossier d'enquête :

6. Aux termes de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages, l'expropriant adresse au préfet du département où l'opération doit être réalisée, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins : / 1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le plan général des travaux ; / 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; / 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; / 6° Pour les travaux et ouvrages mentionnés à l'article R. 122-8, les études mentionnées à l'article R. 122-9 et, le cas échéant, à l'article R. 122-10 ; / 7° Le cas échéant, l'avis mentionné à l'article R. 122-11. ". Aux termes de l'article R. 112-5 du même code : " Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de l'acquisition d'immeubles, ou lorsqu'elle est demandée en vue de la réalisation d'une opération d'aménagement ou d'urbanisme importante et qu'il est nécessaire de procéder à l'acquisition des immeubles avant que le projet n'ait pu être établi, l'expropriant adresse au préfet du département où sont situés les immeubles, pour qu'il soit soumis à l'enquête, un dossier comprenant au moins :1° Une notice explicative ; / 2° Le plan de situation ; / 3° Le périmètre délimitant les immeubles à exproprier ; / 4° L'estimation sommaire du coût des acquisitions à réaliser. ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances du dossier soumis aux consultations et à l'enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de ces consultations que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du dossier soumis à enquête publique, que le projet portait principalement sur l'acquisition d'une portion de terrain permettant d'élargir le chemin d'accès à la partie Sud de l'Anse des Cayes, sans que soient prévus des travaux de terrassement ou de revêtement. Si cet aménagement nécessitait la démolition d'un mur de 1, 20 mètre de hauteur pour 4 mètres de long, un déplacement des compteurs d'eau et d'électricité existant dans ce mur et la réfection d'une nouvelle " clarinette " pour la distribution de l'eau aux riverains, de tels éléments accessoires, au demeurant mentionnés dans l'estimation sommaire des dépenses, ne nécessitaient pas la réalisation d'un " plan général des travaux ". La circonstance que le dossier d'enquête publique ne contienne pas un tel document est dès lors sans incidence sur la régularité de la procédure. Il en va de même de l'absence de jonction au dossier de l'avis du SDIS du 2 octobre 2018 mentionné dans la notice d'impact, aucune disposition n'exigeant qu'un tel avis, non obligatoire, soit joint au dossier de l'enquête. Il ne ressort d'ailleurs pas des observations déposées sur le registre que les consorts Gréaux aient demandé en vain la communication de cet avis.

8. En second lieu, le dossier soumis à enquête publique comporte une estimation sommaire des dépenses à réaliser. Cette estimation comprend l'évaluation sommaire du coût d'acquisition du terrain nécessaire au projet, estimé à 118 370 euros, et prend en compte le coût prévisionnel de l'abattement d'un mur, estimé à 1 345 euros. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet comporterait des travaux de terrassement et de revêtement, la pose d'une clôture pour séparer leurs propriétés respectives du chemin d'accès à la plage et l'aménagement d'un accès au chemin depuis leurs propriétés respectives. S'il ne comprend pas le coût du déplacement des compteurs d'eau et d'électricité existants dans le mur et le coût de la réfection d'une nouvelle clarinette pour l'eau, il n'en résulte pas une sous-évaluation manifeste des dépenses qu'implique le projet, eu égard à la faible ampleur de tels travaux. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier soumis à enquête publique méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 112-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.

9. Aux termes de l'article R. 112-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " La notice explicative prévue aux articles R. 112-4 et R. 112-5 indique l'objet de l'opération et les raisons pour lesquelles, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l'enquête a été retenu, notamment du point de vue de son insertion dans l'environnement. ". Aux termes de l'article R. 112-7 du même code : " Tous documents, plans et maquettes établis par l'expropriant peuvent, en outre, venir préciser l'opération en vue de laquelle l'enquête publique est demandée. ".

10. La notice explicative indique l'objet de l'opération projetée, qui consiste en un agrandissement du seul chemin d'accès public à la partie Sud de la plage de l'Anse des Cayes à Saint-Barthélemy. Elle indique que le passage actuel, d'une largeur de 1 mètre à 1 mètre 30, ne permet pas la circulation des engins en charge du ramassage des sargasses dès lors que ces engins mesurent 2,40 mètres de large minimum. Elle renvoie également à l'avis du SDIS, indiquant que la largeur du chemin actuel n'est pas adaptée pour une intervention des sapeurs-pompiers et qu'il faudrait raisonnablement une largeur de 2 mètres pour permettre ce passage. Elle en conclut qu'un passage de 3 mètres serait nécessaire. Elle mentionne en outre que les propriétaires de la parcelle AI 1, appartenant à la société SBMA, se sont engagés à céder à titre gratuit celle-ci et que les négociations pour une cession amiable des parcelles des consorts Gréaux n'ont pas abouti. Elle explique également les raisons pour lesquelles ce passage par la partie Sud de la plage a été retenu, précisant qu'il s'agit du passage le plus direct, le plus court et traversant le moins de propriétés privées, et qu'un accès par la plage Nord n'est possible qu'à pied. Il ne ressort pas de cette notice qu'elle n'ait pas été objective. Les circonstances que l'avis du SDIS et la promesse de cession de la parcelle AI 1 n'étaient pas joints et que la notice explicative ne mentionne pas les conditions dans lesquelles a été rendu l'avis du SDIS sont ainsi sans incidence. Dès lors, le moyen tiré de ce que la notice explicative ne répondrait pas aux exigences de l'article R. 112-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.

S'agissant du rapport du commissaire-enquêteur :

11. Aux termes de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête examine les observations recueillies et entend toute personne qu'il lui paraît utile de consulter ainsi que l'expropriant, s'il en fait la demande. Pour ces auditions, le président peut déléguer l'un des membres de la commission. / Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête rédige un rapport énonçant ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération projetée. / Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête transmet le dossier et les registres assortis du rapport énonçant ses conclusions soit au préfet qui a pris l'arrêté prévu à l'article R. 112-12, soit au préfet chargé de centraliser les résultats de l'enquête désigné conformément à l'article R. 112-3. ".

12. En premier lieu, il ressort du rapport établi par le commissaire-enquêteur

le 7 juin 2019 que ce dernier s'est rendu sur place pour constater les accès à la plage et la configuration des parcelles bâties, a recommandé à la collectivité d'apposer une signalisation en amont de la voie en impasse pour limiter la circulation aux riverains, a examiné les observations orales et écrites formulées au cours de l'enquête publique par les consorts Gréaux, dont il énumère la teneur, la présentation et les annexes, a souligné que le dossier mis à l'enquête apporte les réponses utiles aux interrogations suscitées par les consorts Gréaux et indiqué n' avoir pas trouvé dans le document qu'ils ont soumis " une solution alternative conséquente face à l'initiative engagée par la collectivité ". Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le commissaire-enquêteur a envisagé les alternatives au projet, en indiquant sur l'accès par la partie Nord : " il est impossible au regard de la configuration du site et du développement de l'urbanisation. De plus, les dégâts occasionnés par le cyclone Irma sur le réseau routier ont contraint la collectivité à sécuriser ce réseau dans ce secteur " et sur l'accès par la voie privée du lotissement Ledée : " il n'est pas envisageable d'emprunter cette voie longue d'environ un kilomètre et traversant de nombreuses propriétés privées ". Son avis motivé conclut que la demande est indispensable au bon fonctionnement de l'accès à la plage, à l'hôtel Manapany et aux constructions implantées sur les parcelles des consorts Gréaux, que la zone est " relativement précise ", et enfin que le projet n'a pas d'impact sur l'environnement et " ne pose pas de difficultés techniques particulières dans sa mise en œuvre ". Le caractère succinct de cette motivation, pour regrettable qu'il soit, n'est pas de nature à entacher la régularité de la procédure, dès lors que le commissaire-enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations et que son rapport permet de comprendre les motifs retenus pour donner un avis favorable.

13. En second lieu, la circonstance que l'auteur du rapport rédigé le 7 juin 2019 évoque un refus catégorique des appelants d'une solution à l'amiable et un blocage de leur part n'est pas, en elle-même, de nature à révéler une quelconque animosité à leur égard, dès lors que le commissaire-enquêteur s'est limité à constater le refus des intéressés de céder le passage souhaité par la collectivité, refus dont ceux-ci ne contestent pas la réalité, quand bien même la procédure aurait été lancée avant l'expiration du délai offert pour accepter l'offre de la collectivité. Par ailleurs, si le commissaire-enquêteur a envoyé, le 3 octobre 2019, son rapport d'enquête publique à la préfecture de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin et à la collectivité de Saint-Barthélemy pour avis avant sa transmission définitive par courrier, il ressort des pièces du dossier que le rapport concluait à un avis favorable au projet et n'a pas été modifié à la suite de sa transmission à la préfecture et à la collectivité de Saint-Barthélemy. Par conséquent, cette transmission n'a pas eu d'incidence sur l'avis formulé par le commissaire-enquêteur. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 112-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.

S'agissant de la légalité de la délibération du 15 octobre 2018 demandant au préfet de lancer la procédure d'expropriation :

14. Contrairement à ce que soutient la collectivité de Saint-Barthélemy, les requérants sont recevables à contester par voie d'exception la légalité de la délibération demandant le lancement de la procédure d'expropriation, laquelle fait partie, avec les actes prononçant l'utilité publique de l'opération et la cessibilité de la parcelle, d'une même opération complexe. Dès lors que ni la délibération en cause ni la déclaration d'utilité publique ne présentent un caractère règlementaire, des moyens tenant à des vices de forme ou de procédure peuvent utilement être invoqués.

15. Aux termes de l'article LO 6221-20 du code général des collectivités

territoriales : " Tout membre du conseil territorial a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la collectivité qui font l'objet d'une délibération. ". Aux termes de l'article LO 6221-22 du même code : " Douze jours francs au moins avant la réunion du conseil territorial, le président adresse aux conseillers territoriaux et aux membres du Conseil économique, social, culturel et environnemental les projets de délibération tels qu'arrêtés par le conseil exécutif ainsi qu'un rapport, sous quelque forme que ce soit, sur chacune des affaires qui leur sont soumises. (...) "

16. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, préalablement à la séance du conseil territorial de Saint-Barthélemy du 15 octobre 2018 au cours de laquelle la délibération litigieuse a été adoptée, les conseillers territoriaux ont reçu, conformément aux dispositions de l'article LO 6221-22 du code général des collectivités territoriales, un rapport explicitant le projet d'aménagement du chemin d'accès à la plage de l'Anse des Cayes et un projet de délibération approuvant l'acquisition d'une bande de terrain d'une largeur de 3 mètres et d'une longueur de 24 mètres pour réaliser ce projet, engageant une procédure d'expropriation à cette fin et autorisant le président du Conseil territorial à solliciter auprès de la préfète déléguée de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin l'ouverture d'une enquête publique et d'une enquête parcellaire. Au rapport transmis aux conseillers territoriaux étaient joints des photographies des lieux, un plan des différentes parcelles concernées par le projet, qui précise que leur délimitation est indicative et qu'elle devra faire l'objet d'un bornage contradictoire, et un avis

de France Domaine sur la valeur vénale d'une parcelle de 72 m² sur les parcelles AH 614, 615, 713 et 714 et AI 1 du 14 septembre 2018. Par ailleurs, si le rapport adressé aux conseillers territoriaux ne mentionne pas que le président du Conseil territorial avait, dans son courrier

du 24 septembre 2018 adressé à M. A... Gréaux, laissé aux consorts Gréaux un délai d'un mois pour accepter l'offre d'achat d'une partie de leurs parcelles, le projet de délibération conditionne toutefois l'engagement de la procédure d'expropriation à l'échec des négociations amiables. Ainsi, les éléments transmis préalablement aux conseillers territoriaux leur permettaient d'être suffisamment informés pour pouvoir se prononcer sur le projet d'aménagement du chemin d'accès à la plage de l'Anse des Cayes qui était soumis à leur vote, et la circonstance qu'un acte de propriété ait circulé pendant les débats, qui ont d'ailleurs eu lieu en présence d'une partie des requérants, est à cet égard sans incidence sur la suffisance de l'information fournie aux conseillers territoriaux.

17. En second lieu, comme l'a relevé le tribunal, s'il ressort des pièces du dossier que la délibération du 15 octobre 2018 a été adoptée avant l'expiration du délai d'un mois accordé aux consorts Gréaux pour répondre à la proposition d'acquisition amiable qui leur a été faite par un courrier du 24 septembre 2018 du président du conseil territorial, l'article 2 de cette délibération subordonne expressément l'engagement de la procédure d'expropriation à l'échec des négociations amiables engagées auprès des requérants, celles-ci étant privilégiées. Dans ces conditions, et alors qu'il était loisible aux consorts Gréaux d'accepter ou de négocier l'offre même après le vote de cette délibération, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la délibération du 15 octobre 2018 du conseil territorial de Saint-Barthélemy doit être écarté.

S'agissant de l'utilité publique de l'opération :

18. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. Il lui appartient également, s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique.

19. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'opération litigieuse tend à l'aménagement du seul chemin d'accès public à la partie Sud de la plage de l'Anse des Cayes, en créant un passage de 3 mètres de large et de 24 mètres de longueur, afin de faciliter l'accès aux usagers, de permettre aux services de lutte contre l'incendie et de secours d'y accéder munis d'un brancard et de permettre le passage des engins de ramassage des sargasses. Il résulte de la notice explicative du projet, d'une part, qu'un passage de 2 mètres est nécessaire pour un brancardage par 4 agents sur une trentaine de mètres de sable, ce qui est confirmé par l'avis du SDIS

du 2 octobre 2018, et, d'autre part, que la partie Sud de la plage de l'Anse des Cayes est particulièrement affectée par l'échouage de sargasses et que l'engin destiné au ramassage de ces algues mesure au minimum 2, 40 mètres de large. Le ramassage des algues doit être effectué dans un délai de trois jours pour éviter le dégagement par fermentation de gaz nauséabonds (hydrogène sulfuré), voire toxiques à haute dose. Le passage des engins par l'hôtel, qui au demeurant est fermé une partie de l'année, n'est pas durablement envisageable compte tenu des conséquences sur sa clientèle. L'opération répond ainsi à des objectifs de sécurité et de salubrité publiques, et la circonstance que d'autres plages de l'île ne bénéficient pas d'accès facilement praticables est sans incidence.

20. En deuxième lieu, il résulte du rapport d'enquête publique que les alternatives d'accès à la partie Sud de la plage de l'Anse des Cayes sont inenvisageables. D'une part, l'accès par la partie Nord est impossible au regard de la configuration du site et du développement de l'urbanisation, les dégâts occasionnés par le cyclone Irma ayant, en outre, contraint la collectivité à sécuriser le réseau routier dans ce secteur en construisant un mur de soutènement dans le virage surplombant la plage, au demeurant rocheuse et difficilement accessible à cet endroit que la marée peut entièrement recouvrir. D'autre part, l'accès par la voie privée du lotissement Ledée, qui se situe à l'extrémité sud de la plage alors que le chemin en litige est plus central, serait allongé en temps, cette voie sinueuse étant longue d'environ un kilomètre, ce qui pourrait retarder des secours d'urgence à des personnes en difficulté. Dans ces conditions, les solutions alternatives proposées par les requérants ne permettraient pas d'atteindre les objectifs poursuivis dans de bonnes conditions.

21. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le coût de l'opération représenterait environ 119 715 euros, sur la base de la valeur indiquée par le service des domaines pour un terrain en zone constructible. L'expropriation est limitée à une parcelle représentant une largeur de 2 mètres sur une longueur de 24 mètres, ce qui n'aboutirait pas à la dépossession des consorts Gréaux de l'intégralité de leurs propriétés respectives mais seulement d'une faible partie. Ainsi, quand bien même il resterait à aménager une forme de clôture des terrains ainsi que des accès pour les véhicules, dont le coût peut être discuté devant le juge de l'expropriation, et que la largeur du chemin ferait obstacle à l'érection par les requérants d'une dalle pare-houles dont l'utilité n'est pas démontrée dans cette zone inondable en cas de cyclone, les atteintes portées à la propriété privée et le coût financier de l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet porterait atteinte à d'autres intérêts publics. Par suite, le moyen tiré de ce que l'opération projetée serait dépourvue d'utilité publique doit être écarté.

S'agissant du détournement de pouvoir :

22. Si les appelants soutiennent que l'opération litigieuse n'a été envisagée que pour satisfaire l'intérêt de la société SBMA détenant l'hôtel Manapany, et pour mettre fin à un litige de bornage, ce qui n'est pas l'objet d'une déclaration d'utilité publique, il résulte de ce qui a été dit aux points 17 à 19 que cette opération poursuit un intérêt général et est d'utilité publique. Il n'appartient qu'à la juridiction judiciaire de se prononcer sur les limites de la parcelle expropriée par rapport à celle de l'hôtel Manapany et de fixer par voie de conséquence l'étendue de l'indemnisation. Par suite, les moyens tirés d'un détournement de pouvoir ou d'un détournement de procédure doivent être écartés.

23. Il résulte de ce qui précède que les consorts Gréaux ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté déclarant d'utilité publique le projet d'aménagement du chemin d'accès à la plage de l'Anse des Cayes.

En ce qui concerne l'arrêté de cessibilité du 23 juin 2020 :

24. Aux termes de l'article R. 131-14 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Lorsque l'expropriant est en mesure, avant la déclaration d'utilité publique, de déterminer les parcelles à exproprier et de dresser le plan parcellaire ainsi que la liste des propriétaires, l'enquête parcellaire peut être faite en même temps que l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique ".

25. Il résulte du dossier soumis à enquêtes publique et parcellaire que la collectivité de Saint-Barthélemy était en possession de cartes et d'extraits du plan cadastral qui permettent de localiser le terrain concerné par le projet. Les extraits du plan cadastral mentionnent les parcelles entourant le chemin d'accès à la partie Sud de la plage de l'Anse des Cayes. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la collectivité de Saint-Barthélemy a fait établir le 28 août 2018 un plan de géomètre déterminant les limites de propriété des parcelles appartenant aux consorts Gréaux et à la société SBMA. Ainsi, la collectivité était à même, compte tenu notamment

de cet élément et de la promesse de cession d'une parcelle détachée de la parcelle AI 1 par la société SBMA, de déterminer avant la déclaration d'utilité publique la partie des parcelles à exproprier et de dresser le plan parcellaire ainsi que la liste des propriétaires, qui ne comporte que les noms des consorts Gréaux. La circonstance que les consorts Gréaux n'ont pas donné leur accord sur la limite proposée, au demeurant sans préciser quelle surface ils revendiqueraient leur appartenir en sus de celle ainsi reconnue, est sans incidence sur l'application des dispositions

de l'article R. 131-14, et pourrait seulement être discutée devant le juge judiciaire lors de la fixation de l'indemnité. La circonstance que les documents d'enquête publique aient pu reprendre un plan de géomètre initialement commandité par la société SBMA, ce qui au demeurant ne démontre pas qu'il serait erroné, ne peut davantage mettre en cause la légalité des décisions attaquées. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal administratif n'a pas tranché le litige de propriété. Les requérants ne peuvent davantage se prévaloir ni de la prétendue illégalité de la promesse de cession d'une partie du terrain appartenant à

la société SBMA, dont le caractère lié à la délivrance d'un permis de construire n'est pas établi,

ni de l'incertitude relative au caractère conditionnel de cette promesse, cette condition se trouvant réalisée par l'expropriation objet du litige, pour soutenir qu'une incertitude sur la surface des parcelles à exproprier aurait fait obstacle à ce que les deux enquêtes soient faites en même temps.

26. Aux termes de l'article R. 131-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " (...) Le commissaire enquêteur ou le président de la commission d'enquête donne son avis sur l'emprise des ouvrages projetés, dans le délai prévu par le même arrêté, et dresse

le procès-verbal de l'opération après avoir entendu toutes les personnes susceptibles

de l'éclairer. (...). "

27. D'une part, comme l'a relevé le tribunal, il résulte du rapport d'enquête que le commissaire enquêteur a examiné le document de 96 pages et ses annexes que lui ont remis les consorts Gréaux lors des enquêtes conjointes préalable à la déclaration d'utilité publique et parcellaire. En indiquant que " la zone d'intervention du projet d'aménagement entre les riverains, l'hôtel Manapany et les consorts Gréaux est relativement précise et permet de visualiser l'organisation spatiale projetée ", le commissaire enquêteur doit être regardé comme ayant donné un avis personnel favorable sur le périmètre des parcelles à exproprier.

28. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 13 que le commissaire enquêteur n'a pas manqué à son devoir d'impartialité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 131-9 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.

29. Il résulte de ce qui précède que la déclaration d'utilité publique n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir, par la voie de l'exception, d'une telle illégalité à l'appui de leurs conclusions dirigées contre l'arrêté de cessibilité.

30. Aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l'expropriation est nécessaire à la réalisation de l'opération d'utilité publique. Elle en établit la liste, si celle-ci ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique. ". Aux termes

de l'article R. 132-2 du même code : " Les propriétés déclarées cessibles sont désignées conformément aux prescriptions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. L'identité des propriétaires est précisée conformément

aux prescriptions du premier alinéa de l'article 5 ou du premier alinéa de l'article 6 de

ce décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret n° 55-1350

du 14 octobre 1955 pris pour l'application du décret du 4 janvier 1955. ".

31. Les appelants font grief à l'arrêté de cessibilité de ne pas retenir comme limite entre leurs propriétés et celle de la société SBMA un ancien mur de pierres sèches qui a été démoli. Toutefois, il ressort du plan soumis à enquête que la limite indiquée entre les parcelles appartenant aux consorts Gréaux et celle de l'hôtel Manapany est la plus favorable aux consorts Gréaux, reprenant celle retenue par leur propre expert-géomètre, et incluant en leur faveur la quasi-totalité de l'assiette de ce mur, qui aurait pourtant été indiquée dans un acte de vente antérieur comme privatif de la parcelle cédée aux ayants-cause de la société SBMA. Dans ces conditions, la contestation portant sur une erreur de désignation de la parcelle à exproprier, dont les limites exactes pourront être fixées en cas de besoin par l'autorité judiciaire, ne peut qu'être écartée.

32. En dernier lieu, le détournement de pouvoir ou de procédure allégué par les appelants n'est pas établi.

33. Il résulte de ce qui précède que les consorts Gréaux ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Barthélemy

a rejeté leurs demandes.

Sur les frais d'instance :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité de Saint-Barthélemy, qui n'est pas,

dans la présente instance la partie perdante, la somme que les consorts Gréaux demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des consorts Gréaux la somme que demande la collectivité

de Saint-Barthélemy au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des consorts Gréaux est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la collectivité de Saint-Barthélemy au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... Gréaux, représentante unique pour l'ensemble des requérants, à la collectivité de Saint-Barthélemy et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Copie en sera adressée au préfet de Saint-Barthélemy et Saint-Martin.

Délibéré après l'audience du 9 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er juin 2023.

La présidente-assesseure,

Anne MeyerLa présidente,rapporteure

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique

et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice

à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées,

de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX00982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00982
Date de la décision : 01/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Catherine GIRAULT
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SELARL CLOIX et MENDES-GIL

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-01;21bx00982 ?
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