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06/07/2023 | FRANCE | N°22BX02353

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 06 juillet 2023, 22BX02353


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 27 octobre 2021 par laquelle l'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Guadeloupe l'a suspendue de ses fonctions sans rémunération à compter du 5 novembre 2021, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19.

Par un jugement n° 2101616 du 31 mai 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 31 août 2022 et un mémoire enregistré le 23 février 2023, Mme B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 27 octobre 2021 par laquelle l'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Guadeloupe l'a suspendue de ses fonctions sans rémunération à compter du 5 novembre 2021, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19.

Par un jugement n° 2101616 du 31 mai 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2022 et un mémoire enregistré le 23 février 2023, Mme B..., représentée par la SELARL Roland Ezelin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'EPSM de la Guadeloupe une somme de 2 000 euros

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors qu'elle n'a eu connaissance de la décision de suspension que par une lettre

du 12 novembre 2021 qui y faisait référence, elle n'a pas pu en " vérifier la pertinence et la légalité " ;

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le non-respect de la procédure ne peut être sans incidence sur la légalité de l'acte ; alors que la suspension de fonctions s'apparente à une sanction, aucune mise en demeure ne lui a été adressée, ce qui entache la décision d'illégalité ;

- la suspension de fonctions, qui a des conséquences économiques graves pour elle-même et l'ensemble de sa famille, n'est pas justifiée par la protection générale de la santé publique, dès lors que plusieurs centres hospitaliers sont en train de rappeler le personnel suspendu dans le cadre du " plan blanc " qui est ou ne tardera pas à être en vigueur dans l'ensemble des structures hospitalières de la Guadeloupe ;

- c'est à tort que le tribunal lui reproche de s'être placée elle-même dans une situation qu'elle " ne pouvait pas ne pas connaître ", alors que la loi a rendu le dispositif inintelligible pour un profane ;

- la suspension est incompatible avec sa " situation de maladie ".

Par un mémoire en défense enregistré le 14 novembre 2022, l'EPSM de la Guadeloupe, représenté par Me Albina Collidor, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- plusieurs notes de service ont informé les personnels de la nécessité de fournir

les justificatifs exigés par la loi du 5 août 2021, et des risques de suspension auxquels

ils s'exposaient s'ils ne les produisaient pas ; en outre, un courrier personnel en date

du 5 octobre 2021 a été adressé à Mme B... ;

- Mme B... n'ayant pas produit les justificatifs sollicités, sa suspension devait être prononcée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 27 octobre 2021, Mme B..., monitrice éducatrice titulaire affectée à l'établissement public de santé mentale (EPSM) de la Guadeloupe, a été suspendue de ses fonctions à compter du 5 novembre 2021, jusqu'à la production d'un justificatif de vaccination ou de contre-indication à la vaccination contre la Covid-19. Elle relève appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande d'annulation de cette décision au motif que l'administration se trouvait en situation de compétence liée.

2. Aux termes de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " I. Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre

la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...). " Aux termes de l'article 13 de la même loi : " I. -Les personnes mentionnées au I de l'article 12 établissent : / 1° Satisfaire à l'obligation de vaccination en présentant le certificat de statut vaccinal prévu au second alinéa du II du même article 12. / Par dérogation au premier alinéa du présent 1°, peut être présenté, pour sa durée de validité, le certificat de rétablissement prévu au second alinéa du II de

l'article 12. (...) / (...) / 2° Ne pas être soumises à cette obligation en présentant un certificat médical de contre-indication. Ce certificat peut, le cas échéant, comprendre une date de validité. / (...). " Aux termes de l'article 14 de cette loi : " I. / (...) / B. - A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l'article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n'ont pas présenté les documents mentionnés au I de l'article 13 ou, à défaut, le justificatif de l'administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l'article 12. / (...) / III. - Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. / La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. / Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit. / (...). "

3. En premier lieu, les dispositions de la loi du 5 août 2021, qui imposent une obligation vaccinale pour l'ensemble des personnes exerçant leur activité dans les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, ont pour objet, dans un contexte de progression rapide de l'épidémie de Covid-19 accompagné de l'émergence de nouveaux variants et compte tenu d'un niveau encore incomplet de la couverture vaccinale de certains professionnels de santé, de garantir le bon fonctionnement des services hospitaliers publics grâce à la protection offerte par les vaccins disponibles et de protéger, par l'effet de la moindre transmission du virus par les personnes vaccinées, la santé des malades hospitalisés. Par suite, Mme B... n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que la suspension d'un agent ne satisfaisant pas à l'obligation vaccinale ne serait pas justifiée par un objectif de protection de la santé publique, ni que cette mesure aurait le caractère d'une sanction.

4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient Mme B... l'intelligibilité des dispositions citées au point 2 ne pose pas de difficulté. La requérante n'est d'ailleurs pas fondée à se prévaloir de sa qualité de " profane " pour prétendre qu'elle ne pouvait les comprendre

dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'EPSM de la Guadeloupe a diffusé dès

le 16 août 2021 une note à l'ensemble de son personnel, explicitant l'obligation vaccinale imposée par la loi ainsi que la suspension de fonctions sans rémunération à laquelle s'exposeraient les agents qui ne respecteraient pas cette obligation, et indiquant les documents à produire selon les différentes situations, ce qui a été rappelé par des notes d'information ou

de service des 3 septembre, 17 septembre, 8 octobre et 21 octobre 2021.

5. En troisième lieu, les dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021 citées au point 2 imposent à l'employeur d'informer sans délai l'agent qui ne peut plus exercer son activité faute de respecter l'obligation vaccinale des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi, ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Dès lors que Mme B... admet expressément avoir reçu le courrier du 5 octobre 2021 par lequel le directeur de l'EPSM lui a délivré l'information requise par la loi, le moyen tiré d'une irrégularité de la procédure ne peut qu'être écarté.

6. En quatrième lieu, si Mme B... n'a eu connaissance de l'existence de la décision du 27 octobre 2021, envoyée par erreur à un homonyme retraité, que par une lettre

du 12 novembre 2021 l'invitant à un entretien en vue d'examiner les possibilités de régulariser sa situation, elle ne se prévaut de l'existence d'aucune incidence de la notification tardive de la suspension sur la date à laquelle elle pouvait prendre effet.

7. En cinquième lieu, pour contester la légalité de sa suspension qui a pris effet

le 5 novembre 2021, Mme B... ne peut utilement se prévaloir d'avis d'arrêt de travail prescrits par son médecin à compter du 20 juin 2022.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

9. Mme B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par l'EPSM de la Guadeloupe à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'EPSM de la Guadeloupe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'établissement public

de santé mentale de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLa greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

22BX02353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02353
Date de la décision : 06/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : ALBINA-COLLIDOR

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-06;22bx02353 ?
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