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11/07/2023 | FRANCE | N°23BX00465

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 juillet 2023, 23BX00465


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105174 du 23 décembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête enregistrée le 16 février 2023, M. B..., représenté par Me Foucard, demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2105174 du 23 décembre 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2023, M. B..., représenté par Me Foucard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 23 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 septembre 2021 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la formation collégiale était seule compétente pour statuer sur sa demande ; le refus de renouvellement de son titre de séjour étranger malade n'est pas concomitant au rejet de sa demande d'asile ; le délai de saisine de la juridiction étant de trente jours, l'affaire relevait d'une formation de jugement collégiale ;

- le refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il établit, par les pièces qu'il produit, que le traitement médicamenteux à sa prise en charge médicale n'est pas disponible en Arménie ; il établit également qu'une interruption, même d'une semaine, de ses séances hebdomadaires de dialyse engagerait son pronostic vital ; il est en attente d'une greffe rénale en France, et ne peut bénéficier d'une telle prise en charge dans son pays d'origine ;

- l'obligation de quitter le territoire français contestée est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête de M. B....

Elle s'en remet expressément à ses écritures de première instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant de nationalité arménienne né le 13 août 1976, a déclaré être entré en France le 8 juin 2019. Sa demande d'asile a été rejetée définitivement le 9 novembre 2020 par la Cour nationale du droit d'asile. Il s'est vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé valable du 25 mars 2020 au 24 mars 2021, dont il a sollicité le renouvellement le 20 janvier 2021. Par arrêté du 10 septembre 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 23 décembre 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) /La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".

3. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Pour refuser de renouveler le titre de séjour sollicité par M. B..., la préfète de la Gironde s'est fondée sur l'avis du 31 août 2021 du collège de médecins de l'OFII indiquant que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.

6. Il ressort des éléments médicaux du dossier que M. B... présente une insuffisance rénale en phase terminale et des complications en lien avec cette insuffisance rénale, notamment une hypertension artérielle et des troubles de la prostate. Son état de santé nécessite un traitement médicamenteux et trois séances d'hémodialyse par semaine, et l'intéressé est inscrit sur la liste d'attente d'une greffe rénale en France. Il ressort du certificat établi le 18 novembre 2021 par un médecin néphrologue, certes postérieur à l'arrêté contesté mais révélant une situation antérieure à celui-ci, que le traitement médicamenteux prescrit au requérant, non substituable, n'est pas disponible en Arménie. Il ressort également d'un courrier du 25 octobre 2021 émanant du ministère de la santé de la République d'Arménie du 25 octobre 2021 que certains des médicaments prescrits à M. B... pour sa prise en charge " ne sont pas importés en République d'Arménie et ne sont disponibles à la vente dans aucune pharmacie ". Le préfet ne contredit pas sérieusement cette indisponibilité en se bornant à se prévaloir de l'existence des bases de données à disposition des membres du collège de médecins de l'OFII. Il ressort par ailleurs des certificats médicaux établis le 22 septembre 2021 par un médecin néphrologue et le 27 septembre 2021 par un médecin généralise que toute interruption, même d'une semaine, du traitement médical suivi par M. B... engagerait à très court terme son pronostic vital. Il ressort enfin de la fiche pays élaborée par l'OMS que la transplantation rénale ne fait pas partie des soins disponibles en Arménie. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde, en estimant que M. B... pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et en refusant, en conséquence, de lui renouveler sa carte de séjour en qualité d'étranger malade, a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Le refus de séjour contesté est entaché d'illégalité. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français, dont le refus de titre de séjour constitue la base légale, est également entachée d'illégalité et doit être annulée.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ce jugement doit, dès lors, être annulé, ainsi que l'arrêté litigieux du 10 septembre 2021.

9. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé. Il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre à au préfet de la Gironde de délivrer une carte temporaire de séjour à M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

10. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Foucard, de la somme de 1 200 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 23 décembre 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux et l'arrêté du 10 septembre 2021 de la préfète de la Gironde sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à l'avocat de M. B... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Foucard renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023.

La rapporteure,

Agnès BOURJOLLa présidente,

Marie Pierre BEUVE DUPUY

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00465


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00465
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : FOUCARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-11;23bx00465 ?
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