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14/09/2023 | FRANCE | N°21BX02509

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 14 septembre 2023, 21BX02509


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion à lui verser

la somme de 80 000 euros en réparation de divers préjudices et, d'autre part, d'annuler

la décision du 27 décembre 2019 par laquelle le directeur général du CHU l'a placée

du 21 août au 19 décembre 2019 en congé de maladie non imputable au service, ainsi que la décision implicite par laquelle il a rejeté son recours gra

cieux reçu le 27 février 2020.

Par un jugement n° 1901318, 2000479 du 12 mars 2021, le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion, d'une part, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion à lui verser

la somme de 80 000 euros en réparation de divers préjudices et, d'autre part, d'annuler

la décision du 27 décembre 2019 par laquelle le directeur général du CHU l'a placée

du 21 août au 19 décembre 2019 en congé de maladie non imputable au service, ainsi que la décision implicite par laquelle il a rejeté son recours gracieux reçu le 27 février 2020.

Par un jugement n° 1901318, 2000479 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion, après avoir joint les deux demandes, a condamné le CHU de la Réunion à lui verser la somme de 9 000 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 juin 2021 et 10 mai 2023, Mme B..., représentée par Me Antelme, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 mars 2021 ;

2°) de condamner le CHU de La Réunion à lui verser une indemnité

de 80 000 euros ;

3°) d'annuler la décision du directeur général du CHU du 27 décembre 2019, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

4°) de mettre à la charge du CHU de la Réunion la somme de 2 712,50 euros sur

le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont joint deux demandes qui n'étaient pas connexes et qui avaient des fondements et des objets différents, la première étant un recours indemnitaire, la seconde un recours en excès de pouvoir ; il s'est en outre abstenu de répondre à plusieurs moyens et conclusions dans les deux procédures ;

- l'établissement a commis des fautes en la faisant travailler bien au-delà de la limite réglementaire, en ne cessant de la solliciter durant son arrêt de travail, en la convoquant à des expertises avec un médecin agréé qu'il a seul choisi et qu'il rémunère, et dont l'objectif

était de la licencier pour inaptitude ou la mettre à la retraite pour invalidité, en la plaçant à demi-traitement, en ne lui communiquant pas le deuxième rapport d'expertise, son dossier médical et le procès-verbal de la commission de réforme, en ne répondant pas aux sollicitations de son médecin traitant ou d'elle-même, en ne régularisant pas son dossier auprès de la caisse générale de sécurité sociale et en ne tenant pas compte de sa situation de travailleuse handicapée ; l'employeur s'est abstenu de lui proposer un poste adapté alors qu'il a mentionné le 22 août 2019 comme date de reprise et qu'il a refusé les deux projets de formation qu'elle lui a proposés ; les éléments médicaux qu'elle produit démontrent une absence d'amélioration de son état, et même une dégradation ;

- l'indemnisation allouée par le tribunal ne répare que l'incapacité permanente partielle qui lui a été reconnue au taux de 8 %, mais pas les autres postes de préjudice ; la dernière expertise comporte de nombreuses erreurs, et les pièces médicales qu'elle produit sont plus circonstanciées sur le lien direct entre ses lésions et l'accident de service, et remettent en cause tant la date de consolidation que la possibilité d'une reprise d'activité ; l'accident a réduit à néant ses perspectives de carrière et l'a atteinte moralement et physiquement, occasionnant un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ; la circonstance qu'elle ne remplirait pas les conditions de la rente viagère ou de l'allocation temporaire d'invalidité ne fait pas obstacle à la réparation des autres préjudices, dont l'évaluation ne saurait dépendre des seuls éléments avancés par l'employeur ; les certificats et attestations produits justifient la réalité de ses préjudices, qui ne résultent pas seulement d'une tendinite ;

- la décision du 27 décembre 2019 est entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle n'a pas eu accès à son dossier médical, pas plus que ne lui a été notifié l'avis de la commission de réforme ;

- elle est également irrégulière en ce que la commission de réforme n'a pas à être saisie lorsque l'imputabilité au service d'un accident est reconnue par l'administration ; en outre, c'est au fonctionnaire de transmettre un certificat médical de consolidation, ainsi que le prévoit l'article 37-16 du décret du 30 juillet 1987 ; au vu des erreurs contenues dans l'expertise, l'hôpital aurait dû saisir un autre expert, et non pas la commission de réforme, ou engager une médiation ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation au vu des éléments médicaux circonstanciés de son dossier qui démontrent l'absence de consolidation de son état de santé et l'impossibilité d'une reprise du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2023, le CHU de la Réunion, représenté par Me Paraveman, conclut au rejet de la requête et demande, par la voie

de l'appel incident, de réformer le jugement en tant qu'il a alloué une indemnisation

à Mme B..., en diminuant son montant.

Il fait valoir que :

- les règles de procédure ont été respectées ; la commission de réforme devait être obligatoirement consultée pour la détermination de l'incapacité permanente et la constatation officielle de la consolidation de la blessure ; au vu des arrêts de travail transmis

par Mme B... après la date de consolidation de son état de santé et la fixation de sa date de reprise, l'établissement pouvait légalement consulter un médecin expert afin de se prononcer sur le caractère imputable ou non de ses arrêts ;

- l'établissement n'a fait qu'appliquer les textes et il ne saurait lui être reproché d'avoir manifesté une animosité particulière ou d'avoir refusé une solution alternative ;

- l'expertise médicale a conclu que les lésions de Mme B..., postérieures à la date de consolidation, ne pouvaient être imputées, de manière certaine, à son accident de service, évoquant la possibilité d'une hyper laxité ; c'est la raison pour laquelle ses arrêts de travail postérieurs à cette date n'ont pas été reconnus imputables au service, sans qu'il y ait de remise en cause de son état de santé, ni de contradiction avec la proposition de reprise du travail ;

- aucune faute ne peut être reprochée, durant la période de congé maladie, à l'établissement qui a seulement vérifié son aptitude à une reprise et recherché un poste adapté ; Mme B... a eu une contre-visite du médecin agréé, plus d'un an après la reconnaissance de l'imputabilité au service de son accident, qui a conclu à la possibilité d'une reprise du travail ; elle a donc été vue par la médecine du travail, puis par ses supérieurs hiérarchiques ; en raison de la prolongation de ses arrêts de travail, elle a rencontré à nouveau le médecin agréé les 30 janvier et 11 mars 2019, et la commission de réforme a confirmé la possibilité d'une reprise sous restrictions ; l'intéressée a eu communication des décisions successives reconnaissant l'imputabilité au service de tous ses arrêts de travail, des convocations aux expertises et des conclusions des experts ; elle a été maintenue, au besoin après régularisation, à plein traitement durant la totalité de son congé maladie ; en vue de préparer un éventuel reclassement, l'avis des experts médicaux concernant l'aptitude de l'agent était nécessaire ; bénéficiaire de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, Mme B... dispose d'une protection renforcée, ce que l'établissement n'a pas ignoré ;

- l'accident n'est pas davantage dû à des fautes de l'établissement, le temps de travail de l'agent ayant été conforme à la réglementation ;

- l'hôpital n'a eu comme objectif que d'envisager la réintégration de l'intéressée sur un poste adapté à son état de santé, mais son propre comportement a ralenti les démarches, dès lors qu'elle n'a pas répondu à certaines sollicitations en considérant qu'elle avait le droit d'aller au terme des trois ans d'arrêt pour accident de service envisageables au regard de la réglementation ;

- la responsabilité sans faute de l'établissement n'est pas davantage engagée ; ne remplissant pas les conditions d'une radiation des cadres ou d'une allocation temporaire d'invalidité, Mme B... ne peut obtenir réparation d'une perte de revenus ou d'une incidence professionnelle ; ses demandes de réparation de préjudices postérieurs à la date de consolidation de son état de santé ne peuvent qu'être rejetées, en l'absence de lien direct avec le service de sa lésion ;

- le préjudice allégué, qu'elle n'identifie pas précisément, n'est, au vu du taux d'incapacité permanente partielle retenu à hauteur de 8 %, et du fait qu'elle ne conserve qu'une tendinopathie, ni avéré, ni justifié dans son montant.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., aide-soignante au centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion depuis septembre 2010, a été victime, le 25 novembre 2016, d'un accident, reconnu imputable au service, qui lui a occasionné un traumatisme de l'épaule droite. Par un courrier du 20 juin 2019, elle a demandé à son employeur de l'indemniser des agissements ou inactions dans la gestion de ses droits à congés, lui ayant occasionné des préjudices qu'elle évalue à 80 000 euros. Par une décision du 18 juillet 2019, le CHU a rejeté cette demande pour absence de faute. Par une décision du 27 décembre 2019, le CHU, après nouvelle expertise de son agent par le médecin agréé et avis de la commission de réforme

du 27 juin 2019, a fixé la date de consolidation de la pathologie de Mme B...

au 11 mars 2019, a reconnu comme imputables au service les arrêts de travail

jusqu'au 20 août 2019, et a placé Mme B... à compter de cette date en congé de maladie ordinaire non imputable au service, à plein traitement pendant trois mois, puis à demi-traitement.

2. Mme B... a saisi le tribunal administratif de la Réunion de deux demandes, la première tendant à la condamnation du CHU à lui verser une indemnité

de 80 000 euros en réparation des préjudices subis lors du traitement de ses arrêts de travail imputables au service, la seconde tendant à l'annulation de la décision du 27 décembre 2019 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux. Après avoir joint ces deux demandes, le tribunal a condamné le CHU à lui verser une indemnité de 9 000 euros au titre des souffrances physiques et morales endurées et des troubles dans les conditions d'existence du fait de l'accident de service, et a rejeté le surplus des conclusions. Mme B... relève appel de ce jugement, tandis que le CHU de la Réunion demande, par la voie de l'appel incident, de le réformer afin de rejeter la demande d'indemnisation ou, à tout le moins, de réduire le montant des sommes allouées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. La circonstance que les premiers juges ont joint les deux demandes présentées par Mme B..., la première tendant à la condamnation du CHU à réparer son préjudice, la seconde tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'une de ses décisions, n'est pas de nature, alors même qu'elles auraient un objet différent et n'auraient pas été connexes, à entacher leur jugement d'irrégularité.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute du CHU :

4. Mme B... entend engager la responsabilité du CHU pour faute,

en raison, d'une part, de ses conditions de travail ayant conduit à l'accident de service

du 25 novembre 2016 et, d'autre part, des agissements de l'établissement lors de ses congés maladie ultérieurs.

5. Mme B... n'établit pas, par la seule production du planning de service du mois de novembre 2016, avoir effectué une durée de travail non conforme à la réglementation, qui aurait favorisé la survenue de l'accident de service.

6. Il résulte de l'instruction que l'imputabilité au service de l'accident survenu le 25 novembre 2016, ainsi que des arrêts de travail jusqu'au 24 janvier 2017, a été reconnue par le CHU par décision du 30 janvier 2017. Par des décisions des 29 juin 2018

et 7 mars 2019, l'établissement a également admis l'imputabilité au service des prolongations d'arrêt de travail jusqu'au 5 mars 2019. Si Mme B... estime avoir été trop souvent sollicitée par le CHU durant ses congés maladie, ces sollicitations se justifiaient par la nécessité pour l'administration de se prononcer sur l'imputabilité au service de ses arrêts pendant une durée totale de plus de deux ans, et la première contre-visite n'a été effectuée qu'un an après la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident. Il appartenait également à l'administration de se prononcer sur la possibilité et les conditions d'une éventuelle reprise du travail, d'autant que le médecin du travail l'avait estimée, dans une fiche d'aptitude du 30 mai 2018, apte à la reprise du travail avec restrictions et aménagement du poste. L'établissement n'a pas davantage commis de faute en confiant le soin de réaliser une expertise de l'état de santé de Mme B..., à deux reprises, les 7 février 2018

et 30 janvier 2019, au même médecin spécialiste agréé, choisi dans le respect des dispositions du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière. Si la première de ces expertises comporte des erreurs factuelles sur la situation de l'agent, celles-ci n'ont pas fait obstacle à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident et des arrêts de travail ultérieurs.

7. Mme B... ne peut sérieusement soutenir que l'établissement aurait méconnu sa qualité de travailleuse handicapée, qui lui a été reconnue le 19 juin 2018, et commis une faute en ne lui proposant pas de poste adapté à son état de santé, dès lors que durant toute cette période courant jusqu'au 20 août 2019, et malgré les conclusions du médecin agréé du 7 février 2018 favorables à une reprise, elle a été placée en congé de maladie imputable au service et n'a pas repris le travail. Son état de santé a également justifié le refus de ses deux demandes de formation pour devenir infirmière diplômée d'Etat ou " permanencière ".

8. Si elle a perçu un demi-traitement pour le mois de juin 2018, cette erreur de liquidation a fait l'objet d'une régularisation, et Mme B... n'établit pas avoir subi un quelconque préjudice de ce fait.

9. La circonstance que le médecin agréé n'a pas communiqué son rapport d'expertise du 30 janvier 2019, malgré une demande de Mme B... par l'intermédiaire de son médecin traitant le 2 mars 2019, n'est pas de nature à caractériser une faute de l'établissement, dès lors que ce document n'est pas adressé à l'employeur, qui n'est destinataire que des conclusions de la commission de réforme. L'employeur ne dispose pas davantage du dossier médical de l'intéressée.

10. Enfin, si Mme B... s'est vu réclamer, en mars 2019, par la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, un indu de prestations pour un montant

de 438,97 euros, pour des actes médicaux réalisés en décembre 2016 et mai 2017, au motif

de leur absence de justification par un accident de service, cette erreur n'est pas imputable

au CHU, dès lors qu'il ressort d'un courrier de cette même caisse qu'elle disposait, à la date du 7 septembre 2018, des documents relatifs à l'accident de service du 25 novembre 2016.

11. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le CHU aurait commis des fautes dans la gestion de son temps de travail et de ses congés de maladie.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute du CHU :

12. Du fait de l'accident de service dont elle a été victime le 25 novembre 2016 dont elle conserve une incapacité permanente partielle évaluée à 8 %, Mme B... a subi des souffrances, tant physiques que morales, les documents médicaux produits au dossier attestant de l'existence, depuis lors, d'une dépression sévère. La circonstance que le médecin agréé n'ait pu affirmer de manière certaine que les souffrances postérieures à la consolidation, qu'il a fixée au mois de mars 2019, seraient en lien avec l'accident ne permet pas de douter d'un tel lien au regard de l'ensemble des pièces médicales produites au dossier. L'instabilité de son épaule droite empêche également Mme B... d'exercer les activités de bricolage, de pêche et d'équitation auxquelles elle s'adonnait auparavant, ainsi qu'en témoignent ses proches. Dans ces conditions, le préjudice personnel, suffisamment établi, dont elle est fondée à demander réparation, peut être évalué dans sa globalité à la somme

de 14 000 euros.

13. Il résulte de ce qui précède que la somme que le CHU de la Réunion a été condamné à verser à Mme B... par le tribunal doit être portée de 9 000 euros

à 14 000 euros.

Sur la légalité de la décision du 27 décembre 2019 :

14. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. (...) ".

15. Aux termes de l'article 16 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction alors applicable : " La commission départementale de réforme des agents des collectivités locales est obligatoirement consultée si la maladie provient de l'une des causes prévues au deuxième alinéa du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. / Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. (...) ". Aux termes de l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, dans sa rédaction alors applicable : " Une commission de réforme est constituée dans chaque département pour apprécier la réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. / (...) / L'avis de la commission de réforme est communiqué au fonctionnaire sur sa demande. (...) ". Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. "

16. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que l'administration est tenue de saisir la commission de réforme pour apprécier l'imputabilité au service des infirmités de l'agent, les conséquences et le taux d'invalidité qu'elles entraînent et l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions. Si Mme B... se prévaut des dispositions du dernier alinéa de l'article 16 de ce décret, selon lesquelles " La commission de réforme n'est pas consultée lorsque l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident est reconnue par l'administration ", ces dispositions ne font pas obstacle à la saisine de la commission lorsque l'administration envisage de refuser de reconnaître imputables au service les prolongations d'un arrêt de travail consécutif à un accident de service, comme en l'espèce.

17. Avant de se prononcer sur l'imputabilité au service des prolongations d'arrêt de travail présentées par Mme B... et de saisir la commission de réforme, le CHU de La Réunion a consulté, ainsi qu'il lui était loisible de le faire en application de l'article 16

du décret du 19 avril 1988 précité, un médecin expert agréé qui a rendu un rapport d'expertise le 12 mars 2019. Si Mme B... a critiqué, dans un courrier adressé au CHU

le 20 juin 2019, l'expertise de ce médecin agréé qui l'avait déjà vue à deux reprises

les 7 février 2018 et 30 janvier 2019, aucune disposition n'imposait à l'administration, avant de solliciter la commission de réforme, d'obtenir l'avis d'un autre médecin expert agréé. Par ailleurs, la circonstance que le CHU n'ait pas donné suite à la proposition de médiation de Mme B... est sans incidence sur la régularité de la procédure.

18. Il ressort des mentions de l'avis de la commission de réforme du 27 juin 2019 que Mme B... a été invitée à prendre connaissance de son dossier et a comparu devant la commission. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'intéressée a transmis à la commission de réforme trois pièces, un courrier d'un praticien hospitalier en chirurgie orthopédique et traumatologique du 13 juin 2019, un compte-rendu de consultation au centre de rééducation de Sainte-Clotilde du 28 mai 2019 et la reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé en date du 19 juin 2018. Si Mme B... soutient qu'elle n'a pas eu accès à son dossier médical, elle n'apporte aucun élément qui démontrerait qu'il n'aurait pas été fait droit à une demande préalable à l'édiction de la décision en litige. Par ailleurs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que Mme B... aurait sollicité, ainsi que le lui permet l'article 31 du décret du 26 décembre 2003 précité, la communication de l'avis de la commission de réforme avant l'édiction de la décision contestée.

19. Il s'ensuit que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que cette décision aurait été prise au terme d'une procédure irrégulière.

20. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que l'accident de service dont a été victime Mme B... lui a occasionné une instabilité de l'épaule droite, avec une subluxation postérieure de la tête humérale, mais sans lésion de la coiffe des rotateurs. Le médecin spécialiste agréé qui l'a examinée le 12 mars 2019 à la demande du CHU a estimé que l'écoulement du temps depuis l'accident, la stabilité des lésions et l'absence de soins autres que chirurgical qui seraient de nature à conduire à une amélioration justifiaient que son état de santé soit regardé comme consolidé à la date de l'expertise, et qu'une reprise du travail était possible à mi-temps thérapeutique, sur un poste adapté pour tenir compte des séquelles afin d'éviter le port de charges lourdes et le travail en hauteur au-dessus de l'horizontale. Les certificats du médecin traitant de l'intéressée, d'un praticien hospitalier en chirurgie orthopédique et traumatologique du CHU et d'un médecin de médecine physique et de réadaptation du centre de rééducation de Saint-Clotilde, qui font état de la nécessité de poursuivre les séances de kinésithérapie, ainsi qu'une psychothérapie et un traitement médicamenteux pour traiter sa dépression, n'apportent pas de précisions sur les possibilités d'évolution de l'état de santé de l'intéressée. Par suite, ils ne sont pas de nature à remettre en cause la date de consolidation retenue par l'administration, pas plus que la possibilité de reprendre le travail sur un poste adapté à son état de santé et à sa qualité de travailleur handicapé, ainsi que l'a d'ailleurs reconnu la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées par décision du 19 juin 2018.

21. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision du 27 décembre 2019 serait entachée d'illégalités.

22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est seulement fondée

à demander que la somme que le CHU de La Réunion a été condamné à lui verser soit portée de 9 000 euros à 14 000 euros.

Sur les frais liés au litige :

23. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CHU de La Réunion une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le CHU de La Réunion a été condamné à verser

à Mme B... est portée de 9 000 euros à 14 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le CHU versera à Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier universitaire de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 septembre 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX02509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02509
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : SCP CANALE GAUTHIER ANTELME

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-09-14;21bx02509 ?
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