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10/10/2023 | FRANCE | N°23BX00649

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 10 octobre 2023, 23BX00649


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°2202389 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Masson, dema

nde à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 février 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n°2202389 du 16 février 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 mars 2023, Mme B..., représentée par Me Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, le tout dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Masson en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté litigieux n'était pas compétent pour le signer ;

- la décision lui refusant le séjour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- l'arrêté litigieux a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est privée de base légale par l'illégalité de la décision lui refusant le séjour ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a en outre méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays e renvoi est insuffisamment motivée.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023.

Par ordonnance du 26 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 juin 2023 à 12h00.

Un mémoire du préfet de la Vienne a été enregistré le 14 septembre 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante turque née le 26 juin 1986, est entrée en Allemagne le 14 janvier 2019. Elle était munie d'un visa de court séjour délivré par les autorités allemandes et accompagnée de sa fille née en novembre 2006. Elle a ensuite rejoint à Poitiers son époux, ressortissant turc bénéficiant d'une carte de résident valable jusqu'en 2023. Elle a fait l'objet le 30 juin 2020 d'une première mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée. Le 16 février 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Toutefois, par un arrêté en date du 24 août 2022, le préfet de la Vienne a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 16 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant l'annulation de cet arrêté

2. Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoient que : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Pour l'application de ces dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité, l'intensité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. L'autorité administrative peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure litigieuse, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a épousé M. B... en Turquie le 12 janvier 2018 et que l'appelante l'a rejoint en France en janvier 2019 en compagnie de sa fille, née d'une précédente union, qui a été immédiatement scolarisée. M. B..., présent sur le territoire national depuis 2013, est titulaire d'une carte de résident, dispose d'attaches familiales en France et travaille à temps complet depuis, au plus tard le 8 novembre 2021. Par ailleurs, le couple justifie d'une vie commune depuis 2019 et a donné naissance à un enfant le 23 février 2020. Dès lors que l'époux de Mme B... a vocation à demeurer sur le territoire national où il a, notamment, le centre de ses intérêts économiques, et que l'arrêté litigieux implique une séparation au moins temporaire de la cellule familiale dans l'attente d'un éventuel regroupement familial et, en particulier, une séparation entre l'un des époux et leur enfant commun, lequel présente des troubles significatifs du développement et du comportement, la requérante est fondée à soutenir que cet arrêté a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'il poursuit, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du 24 août 2022. Par suite, elle est également fondée à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de cet arrêté.

5. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Vienne de délivrer à Mme B... une carte temporaire de séjour portant la mention vie privée et familiale dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Enfin, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat et au profit de Me Masson, avocate de Mme B..., une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers n°2202389 du 16 février 2023 est annulé.

Article 2 : L'arrêté préfectoral du 24 août 2022 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de délivrer à Mme B... une carte temporaire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Masson une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et Me Masson. Copie en sera adressée et au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 octobre 2023.

.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Laurent PougetLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00649 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00649
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-10;23bx00649 ?
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