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26/10/2023 | FRANCE | N°20BX03509

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 26 octobre 2023, 20BX03509


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2018 par lequel la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 1902703 du 27 août 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Par un arrêt du 16 février 2023, la cour a, avant dire droit, ordonné une expertise sur les infirmités nouvelles de gonarthrose et coxarthrose dont M. B... dit être atteint du côté dr

oit, et a rejeté les conclusions relatives aux autres infirmités et à la majoration de pens...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2018 par lequel la ministre des armées a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 1902703 du 27 août 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Par un arrêt du 16 février 2023, la cour a, avant dire droit, ordonné une expertise sur les infirmités nouvelles de gonarthrose et coxarthrose dont M. B... dit être atteint du côté droit, et a rejeté les conclusions relatives aux autres infirmités et à la majoration de pension pour l'assistance par une tierce personne.

Le rapport d'expertise a été déposé le 26 avril 2023.

Procédure devant la cour après l'arrêt du 16 février 2023 :

Par des mémoires, enregistrés les 28 avril, 15 mai, 2 juin et 13 juin 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- ainsi que cela ressort de l'expertise, les coxarthrose et gonarthrose du côté droit sont sans lien avec la blessure reçue au genou gauche, à l'origine des infirmités pensionnées ; elles relèvent d'une maladie, caractérisée par le dépôt de cristaux de pyrophosphate de calcium ; étant non imputables au service, elles ne peuvent ouvrir droit à pension ;

- le principe du contradictoire n'a pas été méconnu lors de la réalisation de l'expertise : le requérant n'apporte aucune précision sur les pièces qu'il aurait transmises à l'expert, il a participé à l'expertise avec son conseil et reçu communication du rapport ; le ministère n'a communiqué aucune pièce médicale directement à l'expert.

Par des mémoires, enregistrés les 20 mai et 8 juin 2023, M. B..., représenté par Me Lelong, demande à la cour :

1°) d'ordonner une nouvelle expertise ;

2°) de faire droit à ses conclusions précédentes tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 27 août 2020 et de la décision du ministre des armées du 13 juillet 2018 et à ce qu'il soit enjoint au ministre des armées de réviser sa pension ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de

l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'expertise est irrégulière, dès lors que le rapport ne mentionne pas les écritures et pièces qu'il a adressées à l'expert, ni les observations qui ont eu lieu au cours de la réunion, en méconnaissance de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, et que ce rapport est fondé sur des documents qui ont été transmis par le ministre sans qu'il en ait eu connaissance, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- le rapport est entaché de contradiction lorsque l'expert affirme l'absence de signe évident de chondrocalcinose de la hanche droite, tout en ne pouvant expliquer les douleurs de la hanche droite et du fessier droit et en considérant que les atteintes du membre inférieur droit ne sont pas la conséquence des infirmités du membre inférieur gauche ;

- en n'apportant pas de réponse aux causes des douleurs ressenties, l'expert n'a pas répondu intégralement à sa mission.

Par une ordonnance du 5 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 19 juin 2023.

Des observations ont été produites pour M. B... le 5 juillet 2023 et par le ministre le 7 juillet 2023.

Par lettre du 24 août 2023, des pièces ont été demandées, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, à M. B... qui les a communiquées le

31 août 2023.

Le ministre des armées a produit des observations en réponse à la communication de ces pièces le 5 septembre 2023.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 4 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- et les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1953, a servi dans l'armée de terre du 5 décembre 1973 au 1er décembre 1974, date à laquelle il a été rayé des contrôles. Par arrêté du 11 décembre 2006, une pension militaire d'invalidité lui a été concédée à compter du 5 juin 2006, au taux global de 75 %, pour trois infirmités : séquelles de traumatisme du genou gauche au taux de 35 %, séquelles d'entorse grave de la tibio-tarsienne gauche traitée chirurgicalement au taux de 30 % + 5, et coxarthrose gauche avec raideur articulaire au taux de 20 % + 10. Le 29 septembre 2015, il a sollicité une révision de sa pension au regard, d'une part, de l'aggravation des infirmités déjà reconnues, d'autre part, de la prise en compte de nouvelles infirmités et, enfin, de la nécessité de recourir de manière constante aux soins d'une tierce personne. Cette demande a été rejetée par décision de la ministre des armées du 13 juillet 2018. M. B... a saisi le tribunal des pensions militaires de Poitiers, qui a transmis la requête au tribunal administratif de Poitiers, lequel a, par jugement du 27 août 2020, rejeté sa demande d'annulation de la décision ministérielle et d'octroi d'une pension au taux majoré pour aide d'une tierce personne. M. B... ayant fait appel, la cour, par un arrêt du 16 février 2023, a, d'une part, ordonné avant dire droit une expertise afin de dire, en se plaçant à la date du 29 septembre 2015, si les coxarthrose et gonarthrose dont souffre M. B... du côté droit résultent, et le cas échéant dans quelle proportion, d'une compensation des infirmités du côté gauche, et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions relatives aux autres infirmités et à la majoration de pension pour l'assistance par une tierce personne. L'expert a déposé son rapport le 26 avril 2023.

Sur la régularité de l'expertise :

2. Aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : " L'expert garantit le caractère contradictoire des opérations d'expertise. / (...) / Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport. / L'expert recueille et consigne les observations des parties sur les constatations auxquelles il procède et les conclusions qu'il envisage d'en tirer. (...) ". Aux termes de l'article R. 621-7-1 suivant : " Les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission. (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment de la réponse de l'expert à la demande de précisions que lui a adressée la cour, que celui-ci a disposé d'un bilan radiologique du 14 mars 2023 apporté par M. B..., ainsi que des pièces échangées dans le cadre de la présente instance, notamment les conclusions de la commission consultative médicale du 10 août 2017. Si M. B... soutient qu'il n'a pas eu communication des pièces transmises par le ministère, il en a eu connaissance non seulement au cours de la réunion d'expertise qui s'est tenue le 29 mars 2023, mais également dans le cadre des instances devant le tribunal et la cour. En outre, les conclusions de la commission consultative médicale ont seulement servi à l'expert pour rappeler les faits et n'ont pas eu d'influence sur sa réponse.

4. En deuxième lieu, si M. B... soutient, sans autre précision de date ou de contenu, que l'expert n'a pas mentionné, dans son rapport, les écritures et pièces qu'il lui avait transmises, il ne résulte pas de l'instruction que lesdites écritures auraient été présentées au cours des opérations d'expertise. Par ailleurs, M. B... a été mis en mesure de présenter ses observations sur le rapport, une fois celui-ci déposé, en application de l'article R. 621-9 du code de justice administrative.

5. En dernier lieu, le rapport d'expertise ne comporte pas, ainsi que le soutient M. B..., les observations orales qui ont été présentées au cours de la réunion d'expertise du 29 mars 2023. Par suite, l'expertise, qui méconnaît les dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative, est irrégulière.

6. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier.

Sur les infirmités en litige :

7. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. (...) ".

8. Il résulte de l'instruction, et notamment des deux comptes-rendus d'imagerie par résonance magnétique (IRM) des 6 janvier 2017 et 14 mars 2023, que M. B... est atteint au genou droit d'une chondrocalcinose étendue, affection résultant d'une accumulation de microcristaux de pyrophosphate de calcium, qui est due au vieillissement. Par ailleurs, l'expert a constaté, lors de l'examen clinique, qu'il n'existait pas de trouble statique, tenant à un raccourcissement ou un allongement du membre inférieur gauche, qui pourrait avoir un retentissement sur le membre inférieur droit, que le bassin était équilibré et qu'il n'avait pas mesuré d'inégalité de longueur entre les deux membres inférieurs. Ces constatations factuelles ne sont pas contestées par M. B.... Dans ces conditions, il n'est pas établi que les pathologies dénommées gonarthrose et coxarthrose dont M. B... dit souffrir du côté droit seraient en lien avec les infirmités déjà pensionnées dont il est atteint du côté gauche, et il n'est pas utile de prescrire une nouvelle expertise pour rechercher par ailleurs les causes de ses douleurs.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité.

Sur les frais liés au litige :

10. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 24 de la loi du

10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les dépenses qui incomberaient au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle s'il n'avait pas cette aide sont à la charge de l'Etat ". Aux termes de l'article 40 de la même loi " L'aide juridictionnelle concerne tous les frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie. / (...) / Les frais occasionnés par les mesures d'instruction sont avancés par l'Etat". Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, lorsque la partie perdante bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, et hors le cas où le juge décide de faire usage de la faculté que lui ouvre l'article R. 761-1 du code de justice administrative, en présence de circonstances particulières, de mettre les dépens à la charge d'une autre partie, les frais d'expertise incombent à l'Etat.

11. M. B... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 750 euros par ordonnance du président de la cour du 27 avril 2023, doivent être mis à la charge définitive de l'Etat.

12. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les frais et honoraires d'expertise sont mis à la charge définitive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre des armées. Copie en sera adressée au docteur D... A..., expert.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 octobre 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX03509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03509
Date de la décision : 26/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : LELONG DUCLOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-26;20bx03509 ?
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