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02/11/2023 | FRANCE | N°21BX01896

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 novembre 2023, 21BX01896


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la délibération du jury d'examen du diplôme de master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit " en tant qu'elle l'a déclarée ajournée au titre de l'année universitaire 2017-2018, ainsi que le rejet du recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1901236 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mai 2021 et le 28 juin 2022, Mme B.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la délibération du jury d'examen du diplôme de master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit " en tant qu'elle l'a déclarée ajournée au titre de l'année universitaire 2017-2018, ainsi que le rejet du recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement n° 1901236 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mai 2021 et le 28 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Houda, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 12 mars 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du jury d'examen du diplôme de master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit " en tant qu'elle l'a déclaré ajournée au titre de l'année universitaire 2017-2018, ainsi que le rejet du recours gracieux formé contre cette décision ;

3°) d'enjoindre à l'université des Antilles et à l'université de Bretagne occidentale de faire réexaminer sa situation par le jury dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre à l'université des Antilles et à l'université de Bretagne occidentale de lui délivrer le diplôme de master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre à l'université des Antilles et à l'université de Bretagne occidentale de lui délivrer les relevés de notes conformes, la copie de l'intégralité de ses copies d'examen, les feuilles d'émargement des examens et les procès-verbaux des délibérations du jury pour les deux sessions d'examen dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

6°) de condamner solidairement l'université des Antilles et l'université de Bretagne occidentale à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation des préjudices nés de l'illégalité de la délibération du jury ;

7°) de mettre à la charge de l'université des Antilles et de l'université de Bretagne occidentale une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération du jury, ainsi que les irrégularités figurant sur les notes d'examen et les bulletins ne sont pas motivés ; le défaut de motivation est également révélé par l'impossibilité de consulter la totalité de ses copies d'examen et d'avoir accès au barème de notation ainsi qu'aux délibérés du jury ;

- la décision implicite de rejet de son recours gracieux, dont elle a demandé les motifs à l'université, est également entachée d'un défaut de motivation ;

- elle n'a été mise en mesure de consulter que onze de ses vingt copies d'examen et n'a pas été autorisée à en faire de copie ; en particulier elle n'a pu consulter sa copie pour la matière " Valeur " pour laquelle lui a été attribué la note de zéro ni dans la matière " contrôle de gestion sociale " ;

- il appartient à l'université des Antilles et à l'université de Bretagne occidentale de lui communiquer l'intégralité de ses copies d'examen, les fiches d'émargement correspondantes et les procès-verbaux des délibérations du jury pour chacune des deux sessions d'examen ;

- les feuilles d'appréciation n'étaient pas rattachées aux copies d'examen contrairement aux prescriptions des dispositions réglementaires applicables ;

- le barème de correction était inexistant sur la plupart des copies et sujets d'examen ;

- la comptabilisation des points est incohérente, en particulier s'agissant de sa soutenance pour laquelle elle a bénéficié d'appréciations orales positives, et entachée d'erreurs, les copies pour les matières " entreprise et administration fiscale " et " consolidation " faisant apparaître des notes inférieures à celles portées dans le relevé de notes ; la circonstance que ces erreurs lui auraient été favorables est sans incidence sur l'illégalité des décisions en cause ;

- les relevés de notes comportent plusieurs erreurs matérielles sur ses nom, prénom, date de naissance et numéro d'étudiante ; elle a en outre été destinataire de deux relevés de notes faisant état de notes différentes mais mentionnant un même résultat total et du relevé de note d'un autre étudiant avec lequel une confusion des notes a pu être opérée par l'université ;

- s'agissant de la note obtenue dans la matière " Valeur " à la seconde session, la scolarité lui a indiqué avoir procédé à une moyenne des notes obtenues en première et seconde session, méthode qui n'est pas réglementaire ; il s'en déduit qu'elle a obtenu la note de 13 en seconde session, ce qui porte son résultat total pour le semestre 9 à 11,403 ;

- au vu de ses résultats corrigés, elle obtient un total de 10,871 pour l'année et la délibération la déclarant ajournée est illégale ;

- les dysfonctionnements survenus dans le déroulement des examens de la seconde session ont entrainé une rupture d'égalité dans le traitement des étudiants ; la durée et le déroulement de la seconde session étaient moins favorables que pour la première ; une méthode différente de calcul a été appliquée pour l'établissement des moyennes des unités d'enseignement, des semestres et de l'année ; les modalités de contrôle des connaissances et les coefficients établis par la commission de la formation et de la vie universitaire de l'université de Bretagne occidentale ne sont pas respectées par l'université des Antilles ; certains étudiants ont été autorisés à rattraper leur notes de soutenance par la remise de la version papier du mémoire ;

- l'illégalité de la délibération l'ayant ajournée lui a fait perdre une chance de trouver un emploi et a été à l'origine de troubles dans ses conditions d'examen qui seront indemnisés à hauteur de 15 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 mai 2022, l'université des Antilles, représentée par Me Sylvestre, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du 9 avril 1997 relatif au diplôme d'études universitaires générales, à la licence et à la maîtrise,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kolia Gallier,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été ajournée au terme des deux sessions d'épreuves organisées au titre de l'année universitaire 2017-2018 pour l'obtention du master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit ", formation dans laquelle elle était inscrite à l'université des Antilles. Elle a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe l'annulation de la délibération du jury en tant qu'elle l'a déclaré ajournée, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cette délibération. Mme B... relève appel du jugement du 12 mars 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la légalité de la délibération du jury et le rejet du recours gracieux :

2. Aux termes de l'article 20 de l'arrêté du 9 avril 1997 relatif au diplôme d'études universitaires générales, à la licence et à la maîtrise : " Après la proclamation des résultats, le jury est tenu de communiquer les notes. De plus, les étudiants ont droit, sur leur demande, et dans un délai raisonnable, à la communication de leurs copies et à un entretien. "

3. Mme B... soutient n'avoir été mise en mesure de consulter que onze des vingt copies qu'elle a composées pour les épreuves du master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit " organisées au titre de l'année universitaire 2017-2018. En défense devant les premiers juges, l'université des Antilles s'est bornée à produire quelques-unes des copies de l'intéressée, ne la mettant pas en mesure de vérifier l'absence d'erreur matérielle lors du comptage des points ou de la retranscription des notes portées sur les copies sur le relevé de notes. En outre, les allégations sérieuses de la requérante quant à l'impossibilité de consulter l'intégralité de ses copies ne sont pas sérieusement contestées par l'université qui s'est limitée, devant le tribunal, à faire valoir que Mme B... ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle avançait. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que l'exactitude du relevé de notes sur lequel repose la délibération du jury n'est pas établie.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la délibération du jury d'examen du diplôme de master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit " en tant qu'elle l'a déclaré ajournée au titre de l'année universitaire 2017-2018, ainsi que celles dirigées contre le rejet du recours gracieux formé contre cette décision. Il y a lieu, par suite, d'annuler ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. D'une part, le présent arrêt implique seulement que Mme B... soit mise en mesure de consulter l'intégralité des copies conservées par l'université pour les épreuves présentées au titre de l'année universitaire 2017-2018 et non que lui soient délivrés ses relevés de notes, la copie de l'intégralité de ses copies, les feuilles d'émargement des examens et les procès-verbaux des délibérations du jury pour les deux sessions d'examen.

6. D'autre part, eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, le présent arrêt n'implique pas nécessairement qu'il soit enjoint à l'université des Antilles et à l'université de Bretagne occidentale de délivrer à Mme B... le diplôme de master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit ". Il y a seulement lieu d'enjoindre à ces universités de faire procéder au réexamen de la situation de l'intéressée par le jury d'examen de ce diplôme dans un délai de deux mois et de l'autoriser, le cas échéant, à repasser les épreuves pour lesquelles elle n'aura pas été mise en mesure de consulter sa copie. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

7. Mme B... soutient que l'illégalité de la délibération du jury d'examen du diplôme de master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit " en tant qu'elle prononce son ajournement caractérise une faute de l'université des Antilles et de l'université de Bretagne occidentale à l'origine d'une perte de chance de trouver un emploi et de troubles dans ses conditions d'examen. Toutefois, les éléments au dossier sont insuffisants pour retenir que Mme B... aurait eu une chance sérieuse d'obtenir le diplôme préparé au terme de l'année universitaire 2017-2018 et la perte de chance alléguée ne saurait être regardée comme caractérisée. Par ailleurs, la réalité d'un préjudice de " troubles dans les conditions d'examen " ne résulte pas de l'instruction.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de l'université des Antilles et de l'université Bretagne occidentale la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La délibération du jury d'examen du master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit " en tant qu'elle a ajourné Mme B... au titre de l'année universitaire 2017-2018 et la décision de rejet de son recours gracieux sont annulées, ainsi que le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de ces décisions.

Article 2 : Il est enjoint à l'université des Antilles et à l'université de Bretagne occidentale de faire procéder au réexamen de la situation de Mme B... par le jury d'examen du diplôme du master 2 " droit, économie, gestion " spécialité " comptabilité, contrôle, audit " dans un délai de deux mois et de l'autoriser, le cas échéant, à repasser les épreuves pour lesquelles elle n'aura pas été mise en mesure de consulter sa copie.

Article 3 : L'université des Antilles et l'université de Bretagne occidentale verseront solidairement à Mme B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par l'université des Antilles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copies en seront adressées au président de l'université des Antilles et au président de l'université de Bretagne occidentale.

Délibéré après l'audience du 2 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 novembre 2023.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX01896 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01896
Date de la décision : 02/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : HOUDA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-02;21bx01896 ?
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