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07/11/2023 | FRANCE | N°21BX03391

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 07 novembre 2023, 21BX03391


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 août 2021 et des mémoires enregistrés les 17 mars 2022, 27 février 2023 et 27 avril 2023, la société par actions simplifiée CPENR Les Galacées, représentée par Me Carpentier, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Courcôme ;

2°) d

e lui délivrer l'autorisation sollicitée et d'ordonner que cette autorisation soit publiée ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 août 2021 et des mémoires enregistrés les 17 mars 2022, 27 février 2023 et 27 avril 2023, la société par actions simplifiée CPENR Les Galacées, représentée par Me Carpentier, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Courcôme ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et d'ordonner que cette autorisation soit publiée selon les modalités de l'article R. 181-50 du code de l'environnement ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé la préfète, le projet ne contribuera pas du fait de sa présence cumulée avec celle d'autres parcs éoliens en fonctionnement ou autorisés, à un effet d'encerclement ou de saturation sur les lieux de vie environnants ;

- le motif tiré de l'opposition de certains habitants, qui doit d'ailleurs être fortement relativisée, est sans lien avec les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et n'est donc pas de nature à justifier un refus d'autorisation ; la seule opposition de riverains ne démontre pas non plus, à elle seule, la réalité d'un impact fort sur le paysage ou d'un effet de saturation visuelle ;

- la préfète ne peut pas davantage opposer une insuffisante prise en compte des parcs éoliens du secteur ; si elle estimait le dossier incomplet, il lui appartenait d'inviter le demandeur à le compléter, conformément à l'article R. 181-16 du code de l'environnement ; de plus, l'article R. 122-5 du code de l'environnement n'imposait pas la prise en compte du parc éolien des Plans qui n'avait pas donné lieu à avis de l'autorité environnementale à la date de dépôt de la demande, et en tout état de cause, le projet ne présente pas d'effets cumulés avec le projet des Plans, qui a d'ailleurs fait l'objet d'un refus ;

- la préfète ne pouvait davantage, pour les mêmes motifs, lui opposer l'absence d'information du public sur la présentation concomitante de deux projets ;

- contrairement à ce qu'a estimé la préfète par un grief formulé de façon très générale, le projet n'est pas de nature à porter atteinte à l'avifaune ; l'étude d'impact conclut à un impact résiduel nul à faible ;

- la préfète ne pouvait non plus se fonder sur l'insuffisance des mesures proposées ; si elle estimait les mesures proposées insuffisantes, il lui appartenait d'en prescrire d'autres ; au surplus, les mesures proposées étaient parfaitement adaptées pour prévenir les dangers et inconvénients du projet ;

- la préfète ne pouvait pas légalement lui opposer l'absence de démonstration que la taille des éoliennes permettait d'avoir l'impact le plus réduit possible sur l'environnement, aucun texte ne lui imposant une telle démonstration ; il n'est pas établi que les éoliennes prévues, par leur taille, porteraient une atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- en l'absence de motifs de nature à justifier un refus, l'autorisation doit lui être délivrée ; le projet sera, en tout état de cause, soumis aux prescriptions de l'arrêté ministériel du 26 août 2011.

Par un mémoire, enregistré le 6 mars 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mai 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Carpentier représentant la société CPENR Les Galacées.

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande du 13 décembre 2018 complétée le 13 décembre 2019, la société CPENR Les Galacées a sollicité une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de trois éoliennes d'une hauteur de 180 mètres et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Courcôme. Par un arrêté du 12 avril 2021, la préfète de la Charente a rejeté cette demande. La société CPENR Les Galacées demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 avril 2021 :

2. Aux termes de l'article R. 181-16 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " Le préfet désigné à l'article R. 181-2 délivre un accusé de réception dès le dépôt de la demande d'autorisation lorsque le dossier comprend les pièces exigées par la sous-section 2 de la section 2 du présent chapitre pour l'autorisation qu'il sollicite. / Lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe. / Le délai d'examen du dossier peut être suspendu à compter de l'envoi de la demande de complément ou de régularisation jusqu'à la réception de la totalité des éléments nécessaires. Cette demande le mentionne alors expressément (...) ".

3. La préfète s'est fondée, pour rejeter la demande de la société CPENR Les Galacées, sur le dépôt, par le groupe Abo Wind, de deux demandes distinctes, d'une part, le 13 décembre 2018, pour le projet en litige dans la présente instance, porté par la société CPENR Les Galacées, et, d'autre part, le 7 février 2019, pour un autre projet de trois éoliennes et un poste de livraison, situé à environ 2,5 km au nord du premier, porté par la société CPENR les Plans, sans produire une appréciation d'ensemble des impacts cumulés des deux projets, ce qui a nui à l'information du public et à l'appréciation des services consultés. Toutefois, en l'absence d'invitation préalable faite au pétitionnaire de compléter son dossier par un tel document, la préfète ne pouvait légalement se fonder sur son absence au dossier pour rejeter la demande d'autorisation.

4. Aux termes de l'article L. 110-1 du code de l'environnement : " " I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. (...) / II. - Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu'ils fournissent sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants : / (...) 2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable (...) ". En application de l'article R. 122-5 du même code, l'étude d'impact que doit fournir le pétitionnaire comporte notamment " Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ".

5. L'étude d'impact relative au projet consacre plusieurs pages aux enjeux généraux de l'éolien, notamment au regard du changement climatique et une dizaine de pages à la justification du projet et à l'exposé des variantes envisagées. Elle précise en particulier les raisons pour lesquelles le site retenu a été estimé pertinent, avec des sensibilités paysagères et environnementales peu marquées et une absence de servitudes défavorables à l'éolien et détaille les avantages de l'implantation choisie à proximité d'autres parcs, qui favorise une densification des installations éoliennes et évite le mitage. Elle précise également que la hauteur des éoliennes de 180 mètres en bout de pales permet de collecter des vents plus puissants. Elle expose, enfin, les trois variantes d'implantation envisagées et les raisons pour lesquelles la variante C a été retenue, au regard notamment des intérêts paysagers et humains et de la préservation de la biodiversité. L'étude d'impact justifie ainsi les principales raisons du choix effectué. Ni les principes de précaution et d'action préventive, ni les dispositions précitées de l'article R. 122-5 du code de l'environnement n'imposaient à la pétitionnaire d'exposer des solutions qu'elle n'a pas examinées, consistant en l'installation d'éoliennes d'une hauteur inférieure à celles envisagées, afin de démontrer que le choix opéré est celui permettant d'avoir l'impact le plus réduit possible sur l'environnement. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu de la production d'énergie renouvelable que permet le dimensionnement de l'installation, des éoliennes de moindre hauteur auraient conduit à un moindre impact global sur l'environnement. Ainsi, l'absence de justification dont fait état la préfète dans l'arrêté contesté n'est pas de nature à fonder légalement le refus opposé.

6. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". L'article L. 511-1 du même code dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages , soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.

7. Pour refuser l'autorisation demandée, la préfète de la Charente s'est fondée sur l'impact cumulé du parc en projet avec celui résultant des parcs existants ou en projet dans le secteur concerné, en termes d'encerclement et de saturation pour quatre lieux de vie voisins, les hameaux des Marchis, des Ouillères, des Martres et de la Touche.

8. Il résulte de l'instruction qu'à la date de l'arrêté contesté, l'aire d'étude rapprochée du projet comportait 27 éoliennes. Il résulte également de l'instruction, et notamment de l'étude complémentaire de saturation que la société CPENR Les Galacées a jointe à son recours gracieux adressé à la préfète, que les indices théoriques pour ces quatre lieux de vie sont situés, avant le projet, au-delà des seuils indicatifs d'alerte. Ainsi, l'indice d'occupation de l'horizon dans un rayon de 5 km est de 156° aux Marchis, 185° aux Ouillères, 213° aux Martres et 165° à la Touche, alors que le seuil d'alerte généralement admis est de 120°. L'indice de densité est quant à lui, respectivement, de 0,22, 0,15, 0,15 et 0,17 et excède le seuil indicatif de 0,1. Et l'indice de respiration est réduit à, respectivement, à 80°, 102°, 71° et 115° alors qu'il est en général admis qu'un indice minimal de respiration de 160° est nécessaire. Selon le tableau des indices fourni par la société, le projet aura pour effet d'aggraver l'indice théorique d'occupation de l'horizon et l'indice de densité pour les Marchis, et l'indice d'occupation de l'horizon pour les Ouillères et pour la Touche. Il résulte toutefois de l'instruction que seul l'indice de densité, qui n'est pas, à lui seul, significatif d'une situation d'encerclement et de saturation, est aggravé pour le hameau des Martres. Il résulte par ailleurs de l'instruction et notamment des photomontages produits par la société dans l'étude d'impact et à l'appui de ses écritures, que compte tenu des masques visuels constitués par la végétation, très peu de co-visibilités du projet avec d'autres parcs éoliens sont identifiables à partir des villages concernés. Ainsi, du hameau des Marchis, il résulte des éléments produits au dossier que seul le projet des Galacées est nettement visible, les autres parcs étant quant à eux soit masqués par des écrans végétaux, soit trop lointains pour contribuer à un effet d'encerclement. Et s'agissant des hameaux des Ouillères et de la Touche, la société CPENR Les Galacées affirme sans être contredite qu'aucune co-visibilité n'a pu être constatée à partir d'une habitation de ces villages, les photomontages ayant été réalisés à l'extérieur du hameau proprement dit. Dans ces circonstances, et bien que comme l'a indiqué la préfète dans l'arrêté attaqué, certains riverains ont exprimé leur opposition au projet du fait d'un impact fort sur le paysage et d'un effet de saturation visuelle, il ne peut être considéré que le projet en litige de la société CPENR Les Galacées serait de nature, par le cumul de ses impacts avec les autres parcs existants ou en projet à la date de dépôt de la demande, à aggraver un effet d'encerclement et de saturation visuelle pour ces lieux de vie.

9. En admettant même que, comme le soutient l'administration, le groupe Abo Wind aurait été dans l'obligation de présenter une étude d'ensemble pour le parc éolien des Galacées et pour celui des Plans, comportant également trois éoliennes, situé à environ 2,5 km du nord et ayant fait l'objet d'une demande distincte déposée le 7 février 2019, il ne résulte pas de l'instruction que ces deux parcs éoliens seraient susceptibles, ensemble, de contribuer à une situation d'encerclement et de saturation pour les hameaux cités ci-dessus, le parc des Plans n'étant, au vu des éléments non contredits que produit la société requérante, pas perceptible depuis le hameau des Marchis et celui des Ouillères, étant peu perceptible depuis le hameau des Martres, en grande partie masqué par un écran visuel, et n'étant pas en co-visibilité avec le projet des Galacées depuis le hameau de la Touche, et situé dans le même cône de vision. Ainsi, et en tout état de cause, la prise en compte du projet de la société CPENR Les Plans ne traduit pas un impact en terme d'encerclement et de saturation visuelle justifiant le rejet de la demande d'autorisation pour le projet en litige.

10. Pour refuser l'autorisation sollicitée, la préfète s'est également fondée sur l'importance des impacts cumulés du projet et des autres parcs du secteur sur l'avifaune migratrice, le projet, orienté nord-sud, ayant pour effet de fermer le couloir existant entre les parcs préexistants. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des éléments non contestés de l'étude d'impact, que si des espèces migratrices patrimoniales ont été recensées dans la zone d'implantation potentielle, cette zone est située dans un secteur où la migration est diffuse. L'étude d'impact précise également, sans que ces éléments ne soient contredits, que la présence du milan noir, de la bondrée apivore, du busard cendré, du busard Saint-Martin et de la pie-grièche écorcheur est très faible dans la zone, de sorte que l'impact sur ces espèces a été qualifié de non significatif. S'agissant de l'œdicnème criard, l'étude d'impact fait état de sa faible sensibilité à l'éolien en phase de fonctionnement des éoliennes, sans qu'aucun élément de l'instruction ne permette de mettre en doute cette affirmation. Si un impact est possible s'agissant de l'alouette des champs, l'étude d'impact fait état de ce que l'espèce est très commune dans le secteur. Si une augmentation de la mortalité de certaines de ces espèces, notamment le milan noir, le busard Saint-Martin et le busard cendré, en période de travaux agricoles, est possible, la société pétitionnaire a prévu une mesure de bridage en période de fauche et de moissons. Elle a également prévu une mesure de bridage en période de migration des grues cendrées. Eu égard aux faibles effectifs recensés, aucun élément versé au dossier ne permet de douter de l'efficacité de ces mesures dans les circonstances de l'espèce, alors même que le projet n'est séparé du parc voisin de Villegats que de 900 mètres quand la Ligue pour la protection des oiseaux de Champagne-Ardennes recommande des trouées de 1 000 voire 1250 mètres pour le passage des migrateurs.

11. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les atteintes aux intérêts de la commodité du voisinage et de l'environnement sur lesquelles la préfète s'est fondée pour refuser l'autorisation sollicitée ne sont pas avérées en tenant compte, s'agissant de la protection de la biodiversité, des mesures de bridage prévues par la société pétitionnaire. L'insuffisance de ces mesures ne pouvait donc justifier le refus, alors surtout qu'il appartient au préfet ou, le cas échéant, au juge, de compléter si nécessaire les mesures d'évitement, de réduction ou de compensation prévues par l'opérateur pour le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

12. Enfin, à supposer que la préfète ait entendu se fonder sur un motif spécifique tiré de l'opposition de certains riverains, cette opposition, qui ne traduit pas, en tant que telle, une atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ne saurait justifier légalement un refus d'autorisation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société CPENR Les Galacées est fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 avril 2021 lui refusant l'autorisation environnementale relative à son projet de parc éolien.

Sur les conséquences de l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021 :

14. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions. Dans le cas où le juge administratif fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour autoriser le fonctionnement d'une installation classée, la décision d'autorisation ainsi rendue présente le caractère d'une décision juridictionnelle et se trouve en conséquence revêtue de l'autorité de chose jugée.

15. En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'un motif autre que ceux opposés par la préfète et analysés ci-dessus pourrait légalement justifier le refus d'autorisation environnementale du projet de la CPENR Les Galacées. Dans ces conditions, il y a lieu de délivrer à la société requérante l'autorisation qu'elle sollicite et de la renvoyer devant la préfète de la Charente pour qu'elle fixe les prescriptions qui, le cas échéant, doivent assortir l'autorisation environnementale.

16. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : /1° Par les pétitionnaires ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision leur a été notifiée ; / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l'affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d'affichage de la décision. (...) ". Il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Charente de mettre en œuvre les mesures de publicité de l'autorisation environnementale délivrée prévues aux articles R. 181-44 et R. 181-50 du code de l'environnement.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société CPENR Les Galacées d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Charente du 12 avril 2021 est annulé.

Article 2 : Il est délivré à la société CPENR Les Galacées l'autorisation environnementale sollicitée pour son projet. La société CPENR Les Galacées est renvoyée devant la préfète de la Charente pour la fixation des prescriptions qui devront, le cas échéant, assortir ladite autorisation.

Article 3 : Il est prescrit à la préfète de la Charente de mettre en œuvre les mesures de publicité de l'autorisation environnementale délivrée par le présent arrêt, prévues aux articles R. 181-44 et R. 181-50 du code de l'environnement.

Article 4 : L'Etat versera à la société CPENR Les Galacées une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société CPENR Les Galacées, à la préfète de la Charente et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le premier assesseur,

Sébastien Ellie La présidente-rapporteure,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03391
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : FIDAL EURALILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;21bx03391 ?
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