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07/11/2023 | FRANCE | N°21BX03393

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 07 novembre 2023, 21BX03393


Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 août 2021 et des mémoires enregistrés les 17 mars 2022, 20 mars 2023 et 7 septembre 2023 (ce dernier non communiqué), la société par actions simplifiée CPENR Les Plans, représentée par Me Carpentier, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Cou

rcôme et La Faye ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et d'ordonner q...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 10 août 2021 et des mémoires enregistrés les 17 mars 2022, 20 mars 2023 et 7 septembre 2023 (ce dernier non communiqué), la société par actions simplifiée CPENR Les Plans, représentée par Me Carpentier, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de trois éoliennes et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Courcôme et La Faye ;

2°) de lui délivrer l'autorisation sollicitée et d'ordonner que cette autorisation soit publiée selon les modalités de l'article R. 181-50 du code de l'environnement ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé la préfète, le projet ne contribuera pas du fait de sa présence cumulée avec celle d'autres parcs éoliens en fonctionnement ou autorisés, à un effet d'encerclement ou de saturation sur les lieux de vie environnants ;

- le motif tiré de l'opposition de certains habitants, qui doit d'ailleurs être fortement relativisée, est sans lien avec les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement et n'est donc pas de nature à justifier un refus d'autorisation ; la seule opposition de riverains ne démontre pas non plus, à elle seule, la réalité d'un impact fort sur le paysage ou d'un effet de saturation visuelle ;

- la préfète ne peut pas davantage opposer une insuffisante prise en compte des parcs éoliens du secteur ; si elle estimait le dossier incomplet, il lui appartenait d'inviter le demandeur à le compléter, conformément à l'article R. 181-16 du code de l'environnement ; de plus, l'article R. 122-5 du code de l'environnement n'imposait pas la prise en compte du parc éolien des Galacées qui n'avait pas donné lieu à avis de l'autorité environnementale à la date de dépôt de la demande, et en tout état de cause, le projet ne présente pas d'effets cumulés avec le projet des Galacées, qui a d'ailleurs fait l'objet d'un refus ;

- la préfète ne pouvait davantage, pour les mêmes motifs, lui opposer l'absence d'information du public sur la présentation concomitante de deux projets ;

- contrairement à ce qu'a estimé la préfète par un grief formulé de façon très générale, le projet n'est pas de nature à porter atteinte à l'avifaune ; l'étude d'impact propose d'ailleurs des mesures de nature à réduire l'impact ;

- la préfète ne pouvait non plus se fonder sur l'insuffisance des mesures proposées ; si elle estimait les mesures proposées insuffisantes, il lui appartenait d'en prescrire d'autres ; au surplus, les mesures proposées étaient parfaitement adaptées pour prévenir les dangers et inconvénients du projet ;

- le refus ne pouvait être non plus fondé sur l'insuffisante prise en compte des travaux nécessaires pour l'aménagement des accès, en l'absence de demande de complément d'étude ; en tout état de cause, ces travaux ont été pris en compte et ne génèrent aucun danger ou inconvénient qui justifierait un refus ;

- en l'absence de motifs de nature à justifier un refus, l'autorisation doit lui être délivrée ; le projet sera, en tout état de cause, soumis aux prescriptions de l'arrêté ministériel du 26 août 2011.

Par un mémoire, enregistré le 30 juin 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public,

- et les observations de Me Carpentier, représentant la société CPENR Les Plans.

Considérant ce qui suit :

1. Par une demande du 7 février 2019 complétée le 4 décembre 2019, la société CPENR Les Plans a sollicité une autorisation environnementale pour l'installation et l'exploitation d'un parc éolien composé de trois éoliennes d'une hauteur de 180 mètres pour deux d'entre elles et de 200 mètres pour la troisième, et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Courcôme et La Faye. Par un arrêté du 12 avril 2021, la préfète de la Charente a rejeté cette demande. La société CPENR Les Plans demande l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 12 avril 2021 :

2. Aux termes de l'article R. 181-16 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable : " Le préfet désigné à l'article R. 181-2 délivre un accusé de réception dès le dépôt de la demande d'autorisation lorsque le dossier comprend les pièces exigées par la sous-section 2 de la section 2 du présent chapitre pour l'autorisation qu'il sollicite. / Lorsque l'instruction fait apparaître que le dossier n'est pas complet ou régulier, ou ne comporte pas les éléments suffisants pour en poursuivre l'examen, le préfet invite le demandeur à compléter ou régulariser le dossier dans un délai qu'il fixe. / Le délai d'examen du dossier peut être suspendu à compter de l'envoi de la demande de complément ou de régularisation jusqu'à la réception de la totalité des éléments nécessaires. Cette demande le mentionne alors expressément (...) ".

3. La préfète s'est fondée, pour rejeter la demande de la société CPENR Les Plans, sur le dépôt, par le groupe Abo Wind, de deux demandes distinctes, d'une part, le 13 décembre 2018, pour un projet porté par la société CPENR Les Galacées de trois éoliennes et un poste de livraison, et, d'autre part, le 7 février 2019, pour le projet en litige, situé à environ 2,5 km au nord du premier, porté par la société CPENR les Plans, sans produire une appréciation d'ensemble des impacts cumulés des deux projets, ce qui a nui à l'information du public et à l'appréciation des services consultés. Toutefois, en l'absence d'invitation préalable faite au pétitionnaire de compléter son dossier par un tel document, la préfète ne pouvait légalement se fonder sur son absence au dossier pour rejeter la demande d'autorisation.

4. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". L'article L. 511-1 du même code dispose que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...) les installations exploitées ou détenues par toute personne (...) qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages , soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.

5. Pour refuser l'autorisation demandée, la préfète de la Charente s'est fondée sur l'impact cumulé du parc en projet avec celui résultant des parcs existants ou en projet dans le secteur concerné, en termes d'encerclement et de saturation pour quatre lieux de vie voisins, les hameaux des Plans, de Villegats et des Marchis et la commune de Ruffec.

6. Il résulte de l'instruction qu'à la date de l'arrêté contesté, l'aire d'étude rapprochée du projet comportait 27 éoliennes. Il résulte également de l'instruction, et notamment de l'étude complémentaire de saturation que la société CPENR Les Plans a jointe à son recours gracieux adressé à la préfète, que certains des indices théoriques pour ces quatre lieux de vie sont situés, avant le projet, au-delà des seuils indicatifs d'alerte. Ainsi, l'indice d'occupation de l'horizon dans un rayon de 5 km est de 149° aux Marchis et 138° à Villegats, alors que le seuil d'alerte généralement admis est de 120°. L'indice de densité est quant à lui, respectivement, de 0,17, 0,24, 0,22 et 0,20 à Ruffec, les Plans, les Marchis et Villegats et excède ainsi le seuil indicatif de 0,1. Et l'indice de respiration est réduit à 134° aux Marchis alors qu'il est en général admis qu'un indice minimal de respiration de 160° est nécessaire. Selon le tableau des indices fourni par la société, le projet aura pour effet d'aggraver l'indice de densité à Ruffec, porté à 0,22. S'agissant des Plans, le projet aura pour effet de faire passer l'indice d'occupation de l'horizon au-dessus du seuil d'alerte, à 159°, augmentera légèrement l'indice de densité à 0,25 et réduira l'espace de respiration en-deçà du seuil d'alerte, à 74°. Pour ce qui concerne les Marchis, l'indice d'occupation de l'horizon, porté à 161°, sera aggravé, ainsi que l'indice de respiration, réduit à 80°. Enfin, pour ce qui concerne Villegats, l'occupation de l'horizon sera porté à 166° et l'indice de densité sera de 0,21. Il résulte toutefois de l'instruction que seul l'indice de densité, qui n'est pas, à lui seul, significatif d'une situation d'encerclement et de saturation, est aggravé pour la commune de Ruffec dont les autres indices ne se situent pas à des niveaux d'alerte. Il résulte par ailleurs de l'instruction et notamment des photomontages produits par la société dans l'étude d'impact et à l'appui de ses écritures, que compte tenu des masques visuels constitués par la végétation ou par le bâti, très peu de co-visibilités du projet avec d'autres parcs éoliens sont identifiables à partir des villages concernés, alors même que certains éléments de végétation seraient moins présents en hiver. Ainsi, du hameau des Plans, il résulte des éléments produits au dossier que seul le projet des Plans est nettement visible, les autres parcs étant masqués par des écrans végétaux, des éléments bâtis ou la topographie des lieux ou trop lointains pour contribuer à un effet d'encerclement. Il en va de même du hameau des Marchis et du village de Villegats, la société requérante faisant valoir en outre sans être contredite, s'agissant de Villegats, que le seul photomontage faisant apparaître un effet d'encerclement, portant le n° 25, a été réalisé depuis une voie de circulation située au sud du village et non d'un lieu de vie. Aucun effet d'encerclement ou de saturation ne résulte davantage de l'instruction pour ce qui concerne la commune de Ruffec, le bâti faisant obstacle à ce qu'un tel effet soit perçu depuis la partie agglomérée de la commune et les co-visibilités à partir de voies de circulation n'apparaissant pas susceptibles, au vu des éléments produits au dossier, de créer un risque pour la commodité des habitants de la commune. Dans ces circonstances, et bien que comme l'a indiqué la préfète dans l'arrêté attaqué, certains riverains ont exprimé leur opposition au projet du fait d'un impact fort sur le paysage et d'un effet de saturation visuelle, il ne peut être considéré que le projet en litige de la société CPENR Les Plans serait de nature, par le cumul de ses impacts avec les autres parcs existants ou en projet à la date de dépôt de la demande, à aggraver un effet d'encerclement et de saturation visuelle pour ces lieux de vie.

7. En admettant même que, comme le soutient l'administration, le groupe Abo Wind aurait été dans l'obligation de présenter une étude d'ensemble pour le parc éolien des Plans et pour celui des Galacées, comportant également trois éoliennes, situé à environ 2,5 km au sud et ayant fait l'objet d'une demande distincte déposée le 13 décembre 2018, il ne résulte pas de l'instruction que ces deux parcs éoliens seraient susceptibles, ensemble, de contribuer à une situation d'encerclement et de saturation pour les hameaux cités ci-dessus, le parc des Galacées n'étant, au vu des éléments non contredits que produit la société requérante, que très peu perceptible depuis le hameau des Plans, n'étant perceptible du village de Villegats et de Ruffec que depuis des voies de circulation et n'étant pas visible du hameau des Marchis. Ainsi, et en tout état de cause, la prise en compte du projet de la société CPENR Les Galacées ne traduit pas un impact en terme d'encerclement et de saturation visuelle justifiant le rejet de la demande d'autorisation pour le projet en litige.

8. Dans ses écritures en défense, le ministre fait également état d'une incidence paysagère forte s'agissant du hameau des Plans, d'un effet de surplomb s'agissant du village de Villegats et d'une possible atteinte à l'église Saint-André de Ruffec. Il peut être regardé comme demandant une substitution de ces motifs, qui n'étaient pas mentionnés dans l'arrêté, à ceux qui motivent l'arrêté. Pour ce qui est de l'atteinte au paysage dans le hameau des Plans, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas de la seule référence de l'administration à une mention de l'étude d'impact faisant état d'une " incidence paysagère forte ", que le paysage de ce secteur présenterait une qualité particulière à laquelle le projet de parc éolien serait susceptible de porter atteinte. S'agissant de l'effet de surplomb à Villegats mentionné dans l'étude d'impact, il ne résulte pas de l'instruction que cet effet serait susceptible, eu égard à la configuration des lieux et notamment des habitations de ce village situé à 1,6 km de la plus proche éolienne du projet, serait de nature à créer un risque pour la commodité des riverains. Pour ce qui est, enfin, d'une possible atteinte à l'église Saint-André de Ruffec, la seule référence à un photomontage laissant apparaître la visibilité du sommet d'une pale d'une des éoliennes du projet à partir de l'intersection des routes départementales 911 et 736 au centre de Ruffec, à supposer même qu'elle permettrait d'identifier une visibilité du projet, situé à près de 2 km du centre de la commune, à partir de cette église qui est classée au titre des monuments historiques, ne traduit pas une atteinte à ce monument. Une telle atteinte, qui ne résulte d'aucun autre élément de l'instruction ne peut, par suite, être retenue. Ainsi, les motifs nouvellement invoqués par l'administration ne sont pas de nature à justifier la décision de refus prise vis-à-vis de la société CPENR Les Plans.

9. Pour refuser l'autorisation sollicitée, la préfète s'est également fondée sur l'importance des impacts cumulés du projet et des autres parcs du secteur sur l'avifaune migratrice, le projet ayant pour effet de fermer le couloir existant entre les parcs préexistants. Il résulte toutefois de l'instruction et notamment des éléments non contestés de l'étude d'impact, que si des espèces migratrices patrimoniales ont été recensées dans la zone d'implantation potentielle, cette zone est située dans un secteur où la migration est diffuse. L'étude d'impact précise également, sans que ces éléments ne soient contredits, que la présence du milan noir, de la bondrée apivore, du busard cendré, du busard Saint-Martin et de la pie-grièche écorcheur est très faible dans la zone, de sorte que l'impact résiduel sur ces espèces a été qualifié de faible, très faible ou négligeable. Il en va de même pour la huppe fasciée et le traquet motteux pour lesquels le risque résiduel est qualifié de négligeable par l'étude d'impact. S'agissant de l'œdicnème criard, l'étude d'impact fait état de sa faible sensibilité à l'éolien en phase de fonctionnement des éoliennes, sans qu'aucun élément de l'instruction ne permette de mettre en doute cette affirmation. Si un impact est possible s'agissant de l'alouette des champs, l'étude d'impact fait état de ce que l'espèce est très commune dans le secteur. Si une augmentation de la mortalité de certaines de ces espèces, notamment le milan noir, le busard Saint-Martin et le busard cendré, en période de travaux agricoles, est possible, la société pétitionnaire a prévu une mesure de bridage en période de fauche et de moissons. Elle a également prévu une mesure de bridage en période de migration des grues cendrées. Eu égard aux faibles effectifs recensés, aucun élément versé au dossier ne permet de douter de l'efficacité de ces mesures dans les circonstances de l'espèce, alors qu'il ne résulte d'ailleurs pas de l'instruction que la recommandation de la Ligue pour la protection des oiseaux de Champagne-Ardennes concernant des trouées minimales de 1 000 voire 1250 mètres pour le passage des migrateurs soit en l'espèce méconnue.

10. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les atteintes aux intérêts de la commodité du voisinage et de l'environnement sur lesquelles la préfète s'est fondée pour refuser l'autorisation sollicitée ne sont pas avérées en tenant compte, s'agissant de la protection de la biodiversité, des mesures de bridage prévues par la société pétitionnaire. L'insuffisance de ces mesures ne pouvait donc justifier le refus, alors surtout qu'il appartient au préfet ou, le cas échéant, au juge, de compléter si nécessaire les mesures d'évitement, de réduction ou de compensation prévues par l'opérateur pour le respect des intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

11. Enfin, pour justifier l'arrêté de refus, la préfète de la Charente a retenu une insuffisante prise en compte des travaux nécessaires pour l'aménagement des accès dans l'étude d'impact ainsi que les dangers et inconvénients résultant de ces travaux. Toutefois, en l'absence de demande de complément d'étude sur ce point en application de l'article R. 181-16 du code de l'environnement cité au point 2 ci-dessus, la préfète ne pouvait légalement opposer à la société un refus motif tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact. En tout état de cause, ces travaux, qui font l'objet dans l'étude d'impact de plusieurs développements quant à leur description, leur localisation et leurs impacts sur la santé humaine, sur le milieu naturel et sur l'activité agricole, ont été pris en compte. Il ne résulte par ailleurs d'aucun élément de l'instruction qu'ils seraient de nature à entrainer des dangers ou inconvénients qui justifieraient un refus, l'administration n'apportant d'ailleurs aucune précision sur la nature et l'importance des risques qui résulteraient de ces travaux et qui justifieraient la décision contestée.

12. Enfin, à supposer que la préfète ait entendu se fonder sur un motif spécifique tiré de l'opposition de certains riverains, cette opposition, qui ne traduit pas, en tant que telle, une atteinte aux intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, ne saurait justifier légalement un refus d'autorisation.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société CPENR Les Plans est fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 avril 2021 lui refusant l'autorisation environnementale relative à son projet de parc éolien.

Sur les conséquences de l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2021 :

14. Lorsqu'il statue en vertu de l'article L. 514-6 du code de l'environnement, le juge administratif a le pouvoir d'autoriser la création et le fonctionnement d'une installation classée pour la protection de l'environnement en l'assortissant des conditions qu'il juge indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du même code. Il a, en particulier, le pouvoir d'annuler la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé l'autorisation sollicitée et, après avoir, si nécessaire, régularisé ou complété la procédure, d'accorder lui-même cette autorisation aux conditions qu'il fixe ou, le cas échéant, en renvoyant le bénéficiaire devant le préfet pour la fixation de ces conditions. Dans le cas où le juge administratif fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour autoriser le fonctionnement d'une installation classée, la décision d'autorisation ainsi rendue présente le caractère d'une décision juridictionnelle et se trouve en conséquence revêtue de l'autorité de chose jugée.

15. En l'espèce, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction qu'un motif autre que ceux opposés par la préfète et analysés ci-dessus pourrait légalement justifier le refus d'autorisation environnementale du projet de la CPENR Les Plans. Dans ces conditions, il y a lieu de délivrer à la société requérante l'autorisation qu'elle sollicite et de la renvoyer devant la préfète de la Charente pour qu'elle fixe les prescriptions qui, le cas échéant, doivent assortir l'autorisation environnementale.

16. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : /1° Par les pétitionnaires ou exploitants, dans un délai de deux mois à compter du jour où la décision leur a été notifiée ; / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l'affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d'affichage de la décision. (...) ". Il y a lieu d'enjoindre à la préfète de la Charente de mettre en œuvre les mesures de publicité de l'autorisation environnementale délivrée prévues aux articles R. 181-44 et R. 181-50 du code de l'environnement.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société CPENR Les Plans d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Charente du 12 avril 2021 est annulé.

Article 2 : Il est délivré à la société CPENR Les Plans l'autorisation environnementale sollicitée pour son projet. La société CPENR Les Plans est renvoyée devant le préfet de la Charente pour la fixation des prescriptions qui devront, le cas échéant, assortir ladite autorisation.

Article 3 : Il est prescrit à la préfète de la Charente de mettre en œuvre les mesures de publicité de l'autorisation environnementale délivrée par le présent arrêt, prévues aux articles R. 181-44 et R. 181-50 du code de l'environnement.

Article 4 : L'Etat versera à la société CPENR Les Plans une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société CPENR Les Plans, à la préfète de la Charente et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le premier assesseur,

Sébastien Ellie

La présidente-rapporteure,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03393


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03393
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : FIDAL EURALILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;21bx03393 ?
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