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08/11/2023 | FRANCE | N°23BX00794

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 novembre 2023, 23BX00794


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans en qualité de " commerçante ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2202704 du 28 février 2023, le tribunal admi

nistratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée de dix ans en qualité de " commerçante ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra, le cas échéant, être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2202704 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 mars 2023, Mme B... A..., représentée par Me Skander, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif du 28 février 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 11 octobre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui accorder un titre de séjour provisoire dans le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- il a été édicté par une autorité incompétente ;

- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière, faute de l'avoir mise en mesure de formuler des observations préalablement à son édiction ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations de l'article 5 de l'accord franco-algérien dès lors qu'elle justifie de l'effectivité de son activité professionnelle et en tirer des revenus suffisants ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale en France ; il méconnaît à cet égard l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 septembre 2023, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'absence de procédure préalable contradictoire est inopérant ;

- les autres moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 11 février 1991, est entrée en France le 23 août 2015 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " et a bénéficié, en cette qualité, de certificats de résidence du 7 janvier 2016 au 30 janvier 2019. Elle a sollicité, le 15 octobre 2020, le renouvellement du certificat de résidence qui lui a été délivré en qualité de commerçante du 5 mai 2020 au 4 mai 2021. Par un arrêté en date du 11 octobre 2022, le préfet de la Vienne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 28 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté litigieux par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. L'arrêté du 11 octobre 2022 mentionne les textes dont il fait application, en particulier l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et fait mention des considérations de fait sur lesquels il se fonde pour rejeter la demande de Mme A..., lui faire obligation de quitter le territoire français et fixer le pays de renvoi éventuel. Il est, par suite, suffisamment motivé. Cette motivation, qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressée, révèle que le préfet de la Vienne a procédé à un examen particulier de sa situation.

4. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ".

5. Mme A... se borne à soutenir que l'arrêté litigieux a été édicté en méconnaissance du principe du contradictoire sans se prévaloir d'aucun texte qui aurait été méconnu. A supposer qu'elle ait entendu se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées, un tel moyen ne peut qu'être écarté comme inopérant s'agissant de la décision de refus de séjour qui a été prise sur demande de l'intéressée. S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et détermination du pays de renvoi éventuel, l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour ne peut, du fait même de l'accomplissement de cette démarche tendant à son maintien en France, ignorer qu'en cas de refus il sera susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il est ainsi mis à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, s'il l'estime utile, de présenter tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi son possible éloignement du territoire français. Mme A... n'établit ni même n'allègue avoir été empêchée de porter à la connaissance des services de la préfecture les informations qui lui paraissaient utiles à cet égard et le moyen tiré de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure doit, dans ces conditions, être écarté.

6. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Aux termes de l'article 7 de cet accord : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord (...) / c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité (...) ".

7. Pour refuser de renouveler le certificat de résidence accordé à Mme A... en qualité de commerçante, le préfet de la Vienne a retenu que l'intéressée ne justifiait pas du caractère effectif de son activité commerciale. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a déclaré avoir débuté le 5 mai 2020 une activité " d'e-commerce, achat et vente en ligne de tous produits de restauration et hôtellerie. Toutes prestations de services non réglementées en hôtellerie et restauration auprès des entreprises et des particuliers " par le biais d'une société dénommée " Service plus " et immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 12 mai 2020. Pour justifier de l'effectivité de l'activité de sa société, la requérante produit notamment des déclarations trimestrielles réalisées auprès des services de l'URSSAF mentionnant des chiffres d'affaires allant de 0 à 6 799 euros entre les 2ème trimestre 2020 et 4ème trimestre 2022, une attestation fiscale pour l'année 2021 faisant état de recettes déclarées au titre de cette année de 3 600 euros pour les " prestations BNC " et de 7 800 euros pour les " prestations BIC ", des attestations des services de l'URSAFF indiquant qu'elle est à jour de ses déclarations et paiements de cotisations au cours de l'année 2022, un avis d'imposition sur les revenus au titre de l'année 2021 faisant état de bénéfices non commerciaux de 24 970 euros, ainsi qu'un livre de recettes et quelques factures à compter du mois de juillet 2021. Toutefois, l'essentiel des éléments produits par Mme A... résulte de ses propres déclarations auprès des différents organismes et ne saurait, par suite, établir la réalité et l'effectivité de son activité. Les factures produites au dossier ne comportent aucune précision quant aux dates et à la nature des prestations fournies, à l'exception de celles réalisées à compter du mois d'août 2022 et consistant en une activité de ménage à domicile, par le biais de la plateforme Wecasa, qui ne correspond pas à l'objet social de la société crée par l'intéressée. En outre, Mme A... ne justifie d'aucun compte bancaire dédié à son entreprise et les relevés de son compte personnel produits au dossier ne permettent pas d'identifier les virements réalisés en paiement de prestations réalisées par sa société. Enfin, la requérante ne fournit aucune explication s'agissant des incohérences relevées par le préfet entre ses déclarations aux services de l'URSAFF et son livre de recettes. Dans ces conditions, le préfet de la Vienne n'a pas commis d'erreur d'appréciation au regard des stipulations précitées en refusant de renouveler le certificat de résidence de Mme A... au motif qu'elle ne justifiait pas de l'effectivité de son activité commerciale.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées est inopérant à l'encontre du refus opposé à Mme A... de renouveler son certificat de résidence en qualité de commerçante, dès lors que ce refus est fondé sur le motif que l'intéressée ne justifiait pas du caractère effectif de son activité.

10. Mme A... expose vivre en France depuis sept années, entourée de sa famille, avoir des projets de mariage avec son compagnon avec lequel elle vit depuis trois ans et être parfaitement intégrée. Elle ne produit toutefois au soutien de ses allégations qu'une attestation d'hébergement par un individu, régulièrement admis au séjour en qualité de réfugié syrien, dont rien n'indique qu'il entretiendrait une relation avec la requérante. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vienne aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa vie privée et familiale en France doit être écarté.

11. Aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'ayant été accueilli, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 16 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2023.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX00794 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00794
Date de la décision : 08/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : SKANDER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-08;23bx00794 ?
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