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13/02/2024 | FRANCE | N°22BX00301

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 13 février 2024, 22BX00301


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le maire de Lacanau l'a exclu définitivement du service à compter du 1er février 2020.



Par un jugement n° 2001375 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 janvier 2022 et le 5 juillet 202

2, M. F..., représenté par Me Pareil, demande à la cour :



1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le maire de Lacanau l'a exclu définitivement du service à compter du 1er février 2020.

Par un jugement n° 2001375 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 janvier 2022 et le 5 juillet 2022, M. F..., représenté par Me Pareil, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 janvier 2022 précité ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2020 par lequel le maire de Lacanau l'a exclu définitivement du service à compter du 1er février 2020 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la sanction en litige a été prise alors que sa situation n'a pas été définitivement réglée dans le délai de quatre mois à compter de sa suspension, en méconnaissance de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- il a été suspendu puis sanctionné sans avoir bénéficié d'une période de stage de six mois conformément au décret n° 2006-1391 du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de police municipale ;

- les faits reprochés ne sont ni établis, ni fautifs ; aucune plainte n'a été déposée à son encontre, il n'a aucun antécédent disciplinaire ; ses qualités professionnelles ont été reconnues à l'occasion d'interventions antérieures ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation compte tenu de la sévérité de la sanction appliquée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2022, la commune de Lacanau, représentée par l'AARPI Adaltys SELAS Affaires Publiques, agissant par Me Heymans, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;

- le décret n° 2006-1391 du 17 novembre 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Quevarec représentant la commune de Lacanau.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... a été recruté par la commune de Lacanau pour exercer en tant que gardien de police municipale à compter du 1er avril 2019. Au motif qu'il avait agressé verbalement et physiquement une collègue le 26 août 2019, le maire de Lacanau a suspendu M. E... de ses fonctions pour une durée de quatre mois par une décision du 26 août 2019. Puis, après avoir recueilli l'avis favorable du conseil de discipline, le maire de Lacanau a exclu définitivement M. F... du service, à compter du 1er février 2021, par un arrêté du 24 janvier 2020, en retenant comme motifs, outre l'agression commise le 26 août 2019, son manque de respect répété envers ses supérieurs hiérarchiques. M. F... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement rendu le 13 janvier 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...). Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. / Si, à l'expiration d'un délai de quatre mois, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire, le fonctionnaire qui ne fait pas l'objet de poursuites pénales est rétabli dans ses fonctions (...) ". Aux termes de l'article 19 de la même loi : " (...) Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d'un délai de trois ans à compter du jour où l'administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits passibles de sanction (...). Passé ce délai (...) les faits en cause ne peuvent plus être invoqués dans le cadre d'une procédure disciplinaire (...) ".

3. Les dispositions précitées de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983, qui ont imparti à l'administration un délai de quatre mois pour statuer sur le cas d'un fonctionnaire ayant fait l'objet d'une mesure de suspension, ont pour objet de limiter les effets dans le temps de cette mesure, qui n'a pas le caractère d'une sanction, tandis que l'action disciplinaire proprement dite est enfermée dans le seul délai de trois ans prévu à l'article 19 précité de la loi du 13 juillet 1983. Il s'ensuit que la circonstance que l'arrêté, portant exclusion définitive de fonctions du 24 janvier 2020, a été pris au-delà du délai de quatre mois à compter de la suspension de M. G..., prononcée le 26 août 2019, est sans incidence sur la légalité de la sanction ainsi édictée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du décret du 17 novembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des agents de police municipale : " Les candidats inscrits sur la liste d'aptitude prévue à l'article 3 et recrutés par une commune (...) sont nommés gardiens de police municipale stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an. / Le stage commence par une période obligatoire de formation de six mois, organisée par le Centre national de la fonction publique territoriale (...) ".

5. La circonstance qu'un agent n'ait pas encore débuté sa période de formation comme stagiaire ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce qu'il soit sanctionné en raison de son comportement fautif. Au cas d'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté n'est pas fondé sur une insuffisance professionnelle de M. G..., qui aurait été révélée au cours ou à l'issue d'un stage, mais sur ses manquements fautifs à ses obligations de policier municipal et notamment son devoir d'obéissance à sa hiérarchie. Par suite, le moyen tiré l'irrégularité de la procédure, tenant à la méconnaissance de l'article 5 précité du décret du 17 novembre 2006, est inopérant.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire (...) ". Aux termes de l'article 6 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux stagiaires sont : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / 4° L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / 5° L'exclusion définitive du service. / Les sanctions disciplinaires prévues aux 4° et 5° ci-dessus sont prononcées après avis du conseil de discipline et selon la procédure prévue par le décret du 18 septembre 1989 susvisé (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. Pour prendre la sanction d'exclusion définitive de fonctions en litige, le maire de la commune de Lacanau s'est fondé sur le manque de respect répété de M. F... envers ses supérieurs et l'agression verbale et physique que ce dernier a commise envers une collègue. M. F... conteste la matérialité des faits qui lui sont ainsi reprochés, leur caractère fautif ainsi que le caractère proportionné de la sanction disciplinaire prise à son encontre.

8. D'une part, il ressort d'une note interne du 25 avril 2019, cosignée par le chef de la police municipale et son adjoint, que M. F... a tenu, à l'occasion d'une réunion de travail le 8 avril 2019, des propos déplacés et menaçants à l'encontre de son supérieur, M. C..., tels que : " Si on me donne l'ordre d'intervenir et que je pense être en danger, je t'enfonce ". Par ailleurs, le brigadier-chef principal, M. B..., a rédigé un rapport du 11 juin 2019 dont il ressort que M. G..., avec qui il patrouillait pendant un week-end, a vivement contesté ses interventions, donnant lieu ou non à des verbalisations, en tenant des propos très critiques. Le 12 juin 2019, M. E..., convoqué par le chef de la police municipale, a réitéré ses critiques sur la manière d'intervenir de son supérieur hiérarchique sans remettre en cause sa manière de concevoir son positionnement et son comportement en service. Ainsi, M. G... doit être regardé comme ayant fait preuve d'insubordination, comme le confirment les rapports de ses supérieurs, produits au dossier, qui relatent des frais précis et concordants. En outre, il ressort des pièces du dossier que, lors d'un entretien avec la directrice générale des services de la commune, l'adjoint au maire chargé des ressources humaines et le chef de la police municipale, M. F... a de nouveau tenu des propos familiers et déplacés. Les faits reprochés sont ainsi établis et constituent des manquements répétés de M. G... à son obligation de respect et d'obéissance vis-à-vis de sa hiérarchie.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. F... a, le 26 août 2019, bousculé une collègue lors d'une intervention sur une rixe et en lui assénant les propos suivants : " Tu n'es pas assez costaud pour intervenir avec tes 20 kilos toute mouillée et tu n'es qu'une ATPM. Tu n'avais rien à faire là " et que, revenu dans le véhicule de service, il a donné un violent coup de volant pour se garer, ce qui a provoqué une blessure à la tête et à l'oreille de sa collègue assise dans le véhicule. De tels faits constituent une agression envers une collègue, et sont gravement fautifs.

10. Si M. F... fait état de son expérience professionnelle, de son absence d'antécédent disciplinaire ainsi que de diverses certifications, la gravité des faits, leur caractère répété, justifient, eu égard à ses fonctions de policier municipal, la sanction d'exclusion définitive du service, laquelle a au demeurant fait l'objet d'un avis favorable rendu à l'unanimité par le conseil de discipline. Le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction en litige doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige.

Sur les frais de l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lacanau, qui n'est pas partie perdante dans le cadre de la présente instance, une somme sur ce fondement. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. F... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Lacanau sur le fondement de ce même article.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : M. F... versera à la commune de Lacanau la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et à la commune de Lacanau.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Frédéric Faïck, président,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

M. Julien Dufour, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2024.

La rapporteure,

Caroline D...

Le président,

Frédéric FaïckLa greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00301 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00301
Date de la décision : 13/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FAÏCK
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ALAIN PAREIL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-13;22bx00301 ?
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