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26/03/2024 | FRANCE | N°23BX02638

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 26 mars 2024, 23BX02638


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de demandeur d'asile, a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une dur

e d'un an.

Par un jugement n° 2303135 du 25 septembre 2023, la magistrate désig...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 par lequel le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de demandeur d'asile, a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2303135 du 25 septembre 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces, enregistrées le 23 octobre 2023 et le 22 février 2024, Mme A..., représentée par Me Rivière, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2303135 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 25 septembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er juin 2023 du préfet de la Gironde ;

3°) d'enjoindre à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans un délai de 15 jours, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée, de mettre à la charge de l'Etat la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de sa situation familiale, de l'état de santé de sa fille majeure et de sa situation d'isolement en cas de retour dans son pays d'origine ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est insuffisamment motivée et est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 613-2 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michaël Kauffmann a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante géorgienne née le 9 mars 1974, est entrée en France, selon ses déclarations, le 15 février 2022 et a vu sa demande d'asile rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), statuant en procédure accélérée, du 5 avril 2023. Par un arrêté du 1er juin 2023, le préfet de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de demandeur d'asile, a retiré son attestation de demande d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 25 septembre 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er juin 2023.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. (...) ".

3. Postérieurement à l'enregistrement de sa requête, Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 16 janvier 2024. Ses conclusions tendant à ce qu'elle soit admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont ainsi devenues sans objet.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., présente sur le territoire français depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté attaqué, n'établit pas qu'elle y aurait désormais ancré l'essentiel de sa vie privée et familiale. Elle ne justifie pas davantage de l'absence d'attaches personnelles dans son pays d'origine, où elle a résidé jusqu'à l'âge de 48 ans. Si l'appelante se prévaut de la nécessité d'accompagner au quotidien sa fille majeure, qui a également fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qui est suivie pour schizophrénie et obésité, les documents et certificats médicaux qu'elle produit, qui décrivent les symptômes cliniques dont souffre l'intéressée ainsi que les traitements qui lui sont prescrits, sont insuffisamment circonstanciés pour justifier de ce que le suivi médical dont elle bénéficie sur le territoire ne pourrait se poursuivre ailleurs qu'en France, notamment en Géorgie, en cas d'exécution des mesures contestées. Par ailleurs, si Mme A... fait valoir qu'elle-même et sa fille seraient menacées en cas de retour dans leur pays d'origine, elle n'apporte pas d'éléments de nature à établir la réalité des risques allégués. Enfin, la requérante n'établit ni même n'allègue avoir exercé une activité professionnelle depuis son entrée en France et disposer de ressources financières stables. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de la requérante, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". Enfin, aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".

7. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 613-2, L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative doit faire état, dans sa décision, des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

8. L'arrêté en litige vise les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La motivation en fait de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an est constituée de deux cases cochées indiquant que la présence récente en France de Mme A... n'est justifiée que par les délais d'instruction de sa demande d'asile et qu'elle ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Ces éléments de fait, notamment la date à laquelle elle a déclaré être entrée sur le territoire français et les éléments de sa situation personnelle, ont été précisés dans l'exposé précédant la décision de refus de titre de séjour contenue dans le même arrêté. Ne retenant pas l'existence d'une menace à l'ordre public et l'appelante n'ayant pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, le préfet n'était pas tenu de mentionner ces critères. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, cette décision est suffisamment motivée en droit et en fait. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation d'une part, et de l'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 613-2 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile d'autre part, doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mars 2024.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX026382


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02638
Date de la décision : 26/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-26;23bx02638 ?
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