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04/04/2024 | FRANCE | N°22BX00334

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 04 avril 2024, 22BX00334


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Dax à lui verser une somme de 406 898,34 euros, en réparation des préjudices subis des suites de son hospitalisation.



Par un jugement n° 1900898 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a condamné le centre hospitalier de Dax à lui verser la somme de 73 962 euros et mis à la charge de l'hôpital les dépens pour un montant de 660 euros.

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Procédure devant la cour :



I- Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le centre hospitalier de Dax à lui verser une somme de 406 898,34 euros, en réparation des préjudices subis des suites de son hospitalisation.

Par un jugement n° 1900898 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Pau a condamné le centre hospitalier de Dax à lui verser la somme de 73 962 euros et mis à la charge de l'hôpital les dépens pour un montant de 660 euros.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22BX00334 les 31 janvier 2022 et 23 novembre 2023, Mme A... C..., représentée par Me Saint-Laurent, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Dax à lui verser une somme de 406 898,34 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Dax la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande n'est pas tardive, puisqu'elle a saisi l'hôpital d'une demande préalable le 19 janvier 2019 ; en l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal le 15 avril 2019 ; le courrier du 27 juillet 2017 n'était pas une demande indemnitaire, mais un courrier par lequel elle entendait uniquement rechercher la responsabilité du centre hospitalier ; compte tenu de la réponse négative de celui-ci, elle a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise ;

- le jugement peut être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du centre hospitalier en raison de l'erreur technique commise par le médecin qui l'a opérée, à l'origine d'un déficit neurologique du membre inférieur droit ;

- elle a exposé des dépenses d'hôtel, de restauration et de péage pour se rendre aux consultations post-opératoires et à l'expertise judiciaire ; ces frais divers peuvent être indemnisés sur une base forfaitaire de 3 000 euros ;

- le rapport d'expertise fait état du besoin de porter une orthèse ; compte tenu de la nécessité de la renouveler tous les deux ans, une somme de 905,82 euros, calculée sur un taux de capitalisation de 36,233, peut lui être allouée au titre des dépenses de santé futures ;

- elle a perdu son emploi d'auxiliaire de vie en gériatrie et animatrice à temps plein du fait de son incapacité totale de travail ; elle perçoit une pension d'invalidité de 869,29 euros mensuels ; sur la base d'un taux de rente de 31,484, la perte annuelle de 9 068,52 euros aboutit à un capital de 285 513,28 euros ; la perte de revenus est justifiée par les pièces produites, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal ;

- son véhicule doit être aménagé avec des commandes au volant, pour un coût de 6 833,17 euros ; sur la base d'un taux de capitalisation de 36,233 et d'un changement de véhicule tous les sept ans, ce préjudice s'élève à 35 464,25 euros ;

- le besoin d'assistance par une tierce personne a été évalué par l'expert à 2 heures par jour du 24 juillet au 30 octobre 2015 puis à 3 heures par semaine du 1er novembre 2015 au 15 juillet 2016 ; sur la base d'un taux horaire de 20 euros, le préjudice peut être évalué à la somme de 5 560 euros ;

- le déficit fonctionnel temporaire a été total du 15 juillet 2015, date de l'opération jusqu'au 24 juillet suivant, et peut être indemnisé à hauteur de 25 euros par jour, soit 250 euros ; pour les périodes de déficit partiel identifiées par l'expert, l'indemnisation, calculée sur la base de la moitié d'un SMIC, peut être fixée à 2 576 euros ;

- la somme de 15 000 euros peut lui être allouée afin de réparer les souffrances endurées cotées 4 sur 7 ;

- l'expert a évalué le déficit fonctionnel permanent à 20 % ; eu égard à la persistance des douleurs et au traitement particulièrement lourd qu'elle suit, la somme de 35 000 euros allouée par le tribunal doit être portée à 40 000 euros ;

- le préjudice esthétique permanent peut donner lieu à une indemnité de 1 500 euros ;

- le déficit neurologique dont elle souffre rend difficile les activités de marche à pied et de natation qu'elle pratiquait auparavant ; une somme de 10 000 euros peut réparer le préjudice d'agrément.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2022, le centre hospitalier de Dax- Côte d'Argent, représenté par le cabinet Le Prado, Gilbert, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- faute de justificatifs, la somme demandée au titre des frais divers doit être rejetée ;

- il doit en aller de même des dépenses de santé futures dès lors qu'il n'est pas démontré que la requérante aurait exposé des frais pour l'achat d'une orthèse anti-équin ;

- Mme A... C... ne démontre pas être inapte à l'emploi, ni n'établit ne pas avoir repris d'activité professionnelle depuis 2015, ni être physiquement dans l'incapacité de reprendre un emploi, ni avoir entrepris des démarches de reconversion professionnelle ; le préjudice allégué quant aux pertes de revenus professionnels ne présente donc pas de caractère certain ;

- elle n'établit pas avoir exposé des frais d'aménagement du véhicule, et ne démontre pas que le renouvellement de celui-ci devrait être fait tous les sept ans et non tous les huit ans comme l'a retenu le tribunal ;

- le taux horaire de 20 euros pour indemniser le besoin d'assistance par une tierce personne est surévalué, et le jugement qui a retenu un taux horaire de 13 euros doit être confirmé ;

- l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire n'a pas été sous-évaluée par le tribunal, pas plus que celles des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice esthétique permanent ;

- Mme A... C... n'établit pas qu'elle serait privée de la possibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs qu'elle pratiquait antérieurement ; elle a été indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent et n'établit pas subir un préjudice distinct qui n'aurait pas été réparé.

II- Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22BX00371 les 2 février et 7 avril 2022, le centre hospitalier de Dax - Côte d'Argent, représenté par le cabinet Le Prado, Gilbert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Pau du 2 décembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... C....

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours de Mme A... C... alors qu'elle a reconnu, dans sa seconde demande indemnitaire préalable, avoir reçu notification du rapport d'expertise avant le 15 février 2019 ; la demande indemnitaire a fait l'objet d'une décision expresse de rejet le 13 décembre 2017, régulièrement notifiée le 15 décembre suivant ; l'expert désigné par le juge des référés, lui-même saisi le 12 février 2018, a déposé son rapport le 2 juillet 2018 ; si le centre hospitalier n'est pas en mesure d'apporter la preuve de la notification de ce rapport à l'intéressée, celle-ci l'a nécessairement reçu au plus tard le 4 janvier 2019, date de sa nouvelle demande indemnitaire ; elle disposait donc d'un délai de deux mois à compter de cette date pour saisir la juridiction administrative et sa saisine du 15 avril 2019 était tardive ;

- le positionnement de la vis n'était pas fautif ;

- le tribunal a procédé à une évaluation excessive des préjudices.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 novembre 2023, Mme A... C..., représentée par Me Saint-Laurent, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, présente les mêmes conclusions que celles formulées dans l'instance n° 22BX00334.

Elle développe les mêmes moyens que dans l'instance n° 22BX00334.

Dans l'affaire 22BX00334, une ordonnance du 26 septembre 2023 a fixé la clôture d'instruction au 26 octobre 2023.

Par courrier du 5 février 2024, la cour a demandé à Mme A... C... de produire dans l'affaire n° 22BX00334 des pièces complémentaires, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.

Dans l'affaire 22BX00371, une ordonnance du 27 novembre 2023 a fixé la clôture de l'instruction, en dernier lieu, au 15 janvier 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Cotte,

- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., alors âgée de 41 ans, s'est rendue au centre hospitalier de Dax - Côte d'Argent le 24 juin 2015 pour une consultation auprès d'un chirurgien orthopédiste, en raison d'une lombosciatalgie gauche parésiante. L'indication de décompression radiculaire L4-L5 du côté gauche et de stabilisation par une double arthrodèse L4-L5 et L5-S1 a été posée. Après l'intervention réalisée le 15 juillet 2015, est apparu un déficit au niveau du pied droit avec de fortes douleurs. Un scanner, réalisé le 17 juillet, a mis en évidence un contact entre la vis pédiculaire L5 droite et la racine L5, expliquant le déficit neurologique. Une nouvelle intervention a eu lieu le lendemain pour changement de l'ostéosynthèse, avec repositionnement des vis en L4 et L5 du côté droit. Mme A... C... a regagné son domicile le 24 juillet 2015, mais a conservé depuis lors des troubles sensitivo-moteurs et a dû prendre des médicaments à visée neurologique et un traitement antidépresseur.

2. Mme A... C... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Pau le 12 février 2018 afin que soit ordonnée une expertise. Au vu du rapport déposé le 28 juin 2018, elle a sollicité du centre hospitalier de Dax la réparation des préjudices subis. En l'absence de réponse, elle a alors saisi le tribunal afin que le centre hospitalier soit condamné à l'indemniser. Par un jugement du 2 décembre 2021, le tribunal a condamné le centre hospitalier de Dax à lui verser la somme de 73 962 euros et mis à la charge de l'hôpital les dépens pour un montant de 660 euros. Par la requête n° 22BX00334, Mme A... C... demande la réformation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire. Par la requête n° 22BX00371, le centre hospitalier de Dax demande l'annulation du jugement et le rejet de la demande de première instance.

3.Les requêtes de Mme A... C... et du centre hospitalier de Dax - Côte d'Argent sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. La saisine du juge des référés pour qu'il ordonne une expertise médicale pour rechercher les causes des dommages imputés au service public hospitalier interrompt le délai de recours contentieux contre la décision rejetant expressément la demande d'indemnité. Le nouveau délai commence à courir à nouveau à compter de la notification au requérant du rapport de l'expert ou de l'ordonnance du juge des référés rejetant la demande d'expertise. L'administration peut notifier elle-même ce rapport par tout moyen donnant date certaine à sa réception.

5. En l'espèce, Mme A... C... a adressé, le 27 juillet 2017, une lettre au centre hospitalier de Dax tendant à l'engagement de sa responsabilité pour les dommages consécutifs à l'intervention dont elle a fait l'objet, le 15 juillet 2015. A la suite du rejet de sa demande, par une décision reçue le 15 décembre 2017, elle a saisi, dans le délai de recours contentieux, le juge des référés du tribunal administratif de Pau afin que soit ordonnée une expertise. Le rapport a été déposé au greffe du tribunal le 2 juillet 2018. Si aucune pièce du dossier ne permet d'établir la date à laquelle ce rapport a été reçu par Mme A... C..., il résulte de l'instruction que l'intéressée a, dans une nouvelle demande préalable du 19 janvier 2019, mentionné l'existence de ce rapport et évoqué son contenu. Par suite, à cette date, Mme A... C... doit être regardée comme en ayant eu connaissance, et la saisine du tribunal, le 15 avril 2019, soit au-delà du nouveau délai de deux mois qui a commencé à courir à compter de cette nouvelle réclamation, était tardive. Le centre hospitalier de Dax est dès lors fondé à opposer une irrecevabilité à la demande de première instance.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que le centre hospitalier de Dax - Côte d'Argent est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau l'a condamné à indemniser Mme A... C.... Par voie de conséquence, cette dernière n'est pas fondée à demander la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande indemnitaire.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Dax - Côte d'Argent la somme que Mme A... C... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 2 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de Mme A... C... ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... C... et au centre hospitalier de Dax - Côte d'Argent.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2023.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX00334, 22BX00371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00334
Date de la décision : 04/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : CABINET LOUBERE OLIVIER ET SAINT LAURENT CHRISTOPHE;SARL LE PRADO - GILBERT;CABINET LOUBERE OLIVIER ET SAINT LAURENT CHRISTOPHE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-04;22bx00334 ?
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