La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2024 | FRANCE | N°23BX02655

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 11 avril 2024, 23BX02655


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2300765 du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :r>


Par une requête enregistrée le 24 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Zoro, demande à la cour : ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2300765 du 25 septembre 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 octobre 2023, M. A..., représenté par Me Zoro, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 25 septembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vienne du 13 janvier 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal n'a pas examiné sa situation au regard de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté est illégal faute pour l'administration de justifier de la publication de la délégation de signature dont bénéficiait l'autrice de la décision attaquée ;

- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondement sur lequel il a présenté sa demande de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant au caractère réel et sérieux de ses études ;

- cette décision méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard de sa vie privée et familiale en France ;

- elle méconnait également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de destination est fondée sur des décisions illégales et sera annulée par voie de conséquence.

Par ordonnance du 4 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2024.

Un mémoire présenté par le préfet de la Vienne a été enregistré le 7 mars 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention sur la circulation et le séjour des personnes, signée à Bamako le 26 septembre 1994, et publiée par le décret n° 96-1088 du 9 décembre 1996 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant malien né le 16 avril 1987, est entré en France le 30 août 2017 sous couvert d'un visa de long séjour mention " étudiant " valable du 25 août 2017 au 25 août 2018. Il a bénéficié de titres de séjour en qualité d'étudiant valable du 26 août 2018 au 25 août 2019 et du 26 décembre 2020 au 25 décembre 2022. M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour auprès des services de la préfecture de la Vienne le 5 décembre 2022 et, par un arrêté du 13 janvier 2023, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 25 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. A supposer que M. A... ait entendu critiquer la régularité du jugement attaqué en indiquant que le tribunal n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que les premiers juges ont expressément écarté ce moyen au point 5 du jugement. La circonstance qu'ils auraient, à tort, regardé ce moyen comme inopérant est sans incidence sur la régularité du jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun aux décisions attaquées :

3. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, le préfet de la Vienne a donné délégation à la signataire de l'arrêté litigieux, Mme Pascale Pin, secrétaire générale de la préfecture, par un arrêté du 12 juillet 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le lendemain pour signer toute décision entrant dans le champ du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que le préfet n'ait pas justifié de la publication de cet arrêté de délégation, qui peut être librement vérifiée sur le site internet de la préfecture de la Vienne, est dépourvue d'incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué. Le moyen tiré de l'incompétence de sa signataire doit donc être écarté.

En ce qui concerne les moyens propres à la décision de refus de séjour :

4. Aux termes de l'article 9 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes susvisée : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre État doivent (...) justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants (...) Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite effective des études ou du stage et de la possession de moyens d'existence suffisants ". Le respect de ces stipulations implique que le renouvellement de ce titre soit subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il a déclaré accomplir.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a validé une première année de master sciences humaines et sociales, mention sociologie, à l'université de Poitiers au terme de l'année universitaire 2017-2018, puis qu'il a échoué à deux reprises à la validation du master. Il a choisi de se réorienter, pour l'année universitaire 2020-2021, en master sciences humaines et sociales, mention philosophie, et a obtenu son diplôme au terme de l'année universitaire 2021-2022, après un redoublement. M. A... s'est ensuite inscrit, pour l'année suivante, à une année de préparation à un diplôme universitaire " Conjoncture économique internationale " à l'université du Mans. S'il peut être tenu compte de la circonstance que le requérant a perdu sa mère au mois de juin 2021, cet élément ne saurait permettre d'expliquer ses trois échecs en six ans d'étude et l'intéressé ne fournit aucune explication sur un projet professionnel qui justifierait sa réorientation de la sociologie à la philosophie, puis l'utilité de l'obtention d'un diplôme universitaire supplémentaire en " conjoncture économique internationale ". Dans ces conditions, le préfet de la Vienne a pu retenir, sans entacher la décision de refus de séjour litigieuse d'une erreur d'appréciation, que M. A... ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de ses études.

6. Aux termes de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre d'un visa de long séjour tel que défini au 2° de l'article L. 411-1 ou, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 433-5, d'une carte de séjour temporaire, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : / 1° Il justifie de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du contrat d'intégration républicaine conclu en application de l'article L. 413-2 et n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ; / 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / L'étranger bénéficie, à sa demande, du renouvellement de cette carte de séjour pluriannuelle s'il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il été précédemment titulaire. "

7. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5 ci-dessus que M. A... a cessé de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire.

8. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il en résulte que M. A..., qui n'a demandé que le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " étudiant ", ne peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Le moyen tiré d'une atteinte au droit à la vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant pour contester le refus de renouveler un titre de séjour en qualité d'étudiant, qui résulte seulement d'une appréciation de la réalité et du sérieux des études poursuivies, sauf dans l'hypothèse où le préfet examine d'office si la décision de refus de séjour qu'il prend porte une atteinte disproportionnée au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

10. Aux termes du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

11. M. A... soutient que la décision de refus de séjour litigieuse le prive des moyens de subvenir aux besoins de ses enfants en l'empêchant de travailler sur le territoire français. Il ressort en effet des pièces du dossier que M. A... est père de deux enfants nés respectivement le 16 décembre 2020 et le 27 septembre 2022 et qu'il participe à leur entretien ainsi qu'à leur éducation. Toutefois, l'intéressé n'apporte aucun élément pour établir que la mère de ses enfants, également de nationalité malienne, serait en situation régulière sur le territoire français comme il le soutient et il n'indique pas que sa situation personnelle ou familiale l'empêcherait de regagner le Mali. Dans ces conditions, il ne ressort des pièces du dossier aucun obstacle à ce que M. A..., ses enfants et leur mère rejoignent leur pays d'origine où l'intéressé pourra légalement exercer une activité professionnelle. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

12. Pour les motifs exposés aux points 5 et 11 ci-dessus, la décision de refus de séjour n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A....

En ce qui concerne les moyens propres à la décision d'éloignement :

13. Aucun des moyens dirigés contre la décision de refus de séjour n'ayant été accueilli, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

14. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

15. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., présent en France depuis cinq ans à la date de la décision attaquée, est père de deux enfants nés sur le territoire national. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué au point 11 ci-dessus, il ne ressort des pièces du dossier aucun obstacle à ce que ses enfants et leur mère, également de nationalité malienne, le rejoignent dans son pays d'origine. Par suite, malgré l'insertion que M. A... démontre par ses études et son activité professionnelle, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel la décision d'éloignement a été édictée et le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 11 et 15 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

17. Pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision d'éloignement doit également être écarté.

En ce qui concerne le moyen propre à la décision fixant le pays de renvoi :

18. Aucun des moyens dirigés contre les décisions de refus de séjour et d'éloignement n'ayant été accueilli, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2024.

La rapporteure,

Kolia GallierLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX02655 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02655
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Kolia GALLIER
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : ZORO

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;23bx02655 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award