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02/05/2024 | FRANCE | N°22BX00902

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 2ème chambre, 02 mai 2024, 22BX00902


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 3 août 2020 par laquelle la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre a rejeté sa demande de protection fonctionnelle.



Par un jugement n° 2000897 du 16 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 17 mars 2022 et un mémoire enregistré le 30 juin 202

2, Mme D..., représentée par Me Armand, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 3 août 2020 par laquelle la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre a rejeté sa demande de protection fonctionnelle.

Par un jugement n° 2000897 du 16 décembre 2021, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 mars 2022 et un mémoire enregistré le 30 juin 2022, Mme D..., représentée par Me Armand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre du 3 août 2020 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de la Basse-Terre une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de protection fonctionnelle est insuffisamment motivé, et le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, de sorte que le jugement doit être annulé ;

- contrairement à ce qu'indique le jugement, elle est assistante de service social et non secrétaire médicale, et alors qu'elle avait été référente du service, elle a été " mise au placard " lors de la prise de fonctions de Mme C... en qualité de coordinatrice des secrétariats médicaux ; tous ses acquis, son investissement et son évolution professionnelle ont été remis en cause par le comportement inadéquat de Mme C..., laquelle a été recrutée par la seule volonté de la directrice alors qu'elle n'avait aucune " légitimité réglementaire ", n'étant devenue cadre socio-éducative qu'en juin 2021 ; la nouvelle organisation complexifiant les transferts sanitaires a été mise en place sans dialogue ; Mme C... l'a infantilisée en modifiant unilatéralement les documents et supports de son travail ; toutes ses prérogatives d'assistante des services sociaux ont été supprimées et ses fonctions de secrétaire ont été renforcées, ce qui traduit une volonté de la cantonner à un rôle subordonné de secrétaire ; le harcèlement par Mme B..., directrice des affaires financières, est caractérisé par l'interception et le traitement des mails adressés à Mme C... et par l'absence d'écoute, seuls les propos de Mme C... étant pris en compte ; elle n'a bénéficié d'aucun accompagnement, a été longtemps dépourvue de fiche de poste, et la fiche qui lui a finalement été remise ne correspond pas aux fonctions et missions d'une assistante sociale ; ces nombreuses dégradations professionnelles ont altéré sa santé, et le comité médical a émis un avis favorable à un congé de longue maladie d'une durée de six mois à compter du 12 avril 2021 ; du fait de l'absence de reconnaissance de son mal-être au travail, elle présente un état dépressif la rendant inapte à la reprise du travail pour une durée de six mois à compter du 12 avril 2022 ; elle démontre ainsi être victime depuis 2019 d'un harcèlement moral, de sorte que la protection fonctionnelle aurait dû lui être accordée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 25 mai 2022 et le 11 octobre 2022, le centre hospitalier de la Basse-Terre, représenté par la SELARL Minier, Maugendre et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le tribunal a statué sur le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision, qu'il a écarté ;

- Mme C... a été recrutée le 17 juin 2019 en qualité de coordinatrice des secrétariats médicaux, afin d'assurer l'encadrement des assistantes de service social et d'élaborer de nouveaux documents et supports de travail ; elle n'avait ni à élaborer ces documents en concertation avec les agents placés sous son autorité, ni à les faire valider par eux ; contrairement à ce que soutient Mme D..., plusieurs réunions ont été organisées pour impliquer les agents dans la réorganisation du service et prendre connaissance des difficultés rencontrées ; l'avis de Mme D... sur sa nouvelle fiche de poste a été sollicité, et elle ne démontre pas avoir été dépossédée de ses missions ; Mme D... n'a pas accepté les changements, ce qui a conduit à lui rappeler qu'elle devait s'adapter au nouveau fonctionnement ; les allégations de Mme D... relatives à des propos menaçants ou humiliants ne sont corroborées par aucune pièce.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 3 août 2020, la directrice du centre hospitalier de la Basse-Terre a rejeté la demande de protection fonctionnelle présentée par Mme D..., assistante de service social, qui invoquait un harcèlement moral. Mme D... relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient Mme D..., le tribunal a répondu, au point 2 du jugement, au moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision du 3 août 2020.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, la décision du 3 août 2020 vise l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, précise que Mme D... soutient être affectée par les agissements de certains agents de son service et fait état d'une situation anxiogène, et relève l'absence d'éléments permettant de présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral. Elle est ainsi suffisamment motivée.

4. En second lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " Aux termes de l'article 11 de la même loi : " (...) IV. -La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...). "

5. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Il ressort des pièces du dossier que dans le cadre d'une réorganisation de son service social auparavant directement rattaché au directeur des affaires financières, le centre hospitalier de la Basse-Terre a recruté en juin 2019 une coordinatrice des secrétariats médicaux également responsable du service social, Mme C.... Comme elle l'a déclaré à l'expert psychiatre qui l'a examinée le 29 août 2021 à l'occasion de l'instruction d'une demande de congé de longue maladie, Mme D..., qui avait été chargée en 2007 de la mise en place du service de permanence d'accès aux soins de santé (PASS), s'est alors " sentie dépossédée de sa mission ". Si la requérante, qui ne peut utilement contester dans le présent litige les conditions de nomination de sa supérieure hiérarchique, fait valoir que ses acquis, son investissement et son évolution professionnelle auraient été remis en cause par un comportement inadéquat de Mme C..., les courriels qu'elle produit témoignent seulement, par les commentaires manuscrits qu'elle y a portés, de son rejet de cette autorité hiérarchique qu'elle qualifie d'illégitime. L'élaboration par Mme C..., sous le timbre " service social / PASS ", d'une fiche de liaison entre les assistantes de service social du centre hospitalier de la Basse-Terre et celles de l'établissement d'accueil du patient faisant l'objet d'une évacuation sanitaire, relevait de sa compétence de responsable du service, de sorte que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que ce document aurait dû lui être soumis pour validation. En revanche, contrairement à ce que soutient la requérante, le projet de fiche de poste la concernant lui a été soumis pour observations et propositions de modifications, et cette fiche se rapporte à des missions d'assistante des services sociaux, y compris en ce qui concerne les tâches administratives telles que la rédaction du rapport d'activité annuel de la PASS, l'utilisation du logiciel Trajectoire et le respect de la nouvelle procédure de gestion des transferts et évacuations sanitaires, lesquelles ne correspondent pas à l'attribution de fonctions subalternes de secrétariat. Il ressort d'un courriel de la directrice du centre hospitalier du 30 janvier 2020 que la procédure préalable à la prise en charge des transferts sanitaires par le centre hospitalier de la Basse-Terre imposée aux assistantes de service social avait pour objet de ne pas faire peser sur le budget de cet établissement des coûts pouvant être supportés par des tiers. La complexification du travail qui en résulte, quand bien même elle aurait été " mise en place sans dialogue ", doit être supportée par les agents dans l'intérêt du service, et les allégations de Mme D... selon lesquelles elle n'aurait bénéficié d'aucun accompagnement ne sont assorties d'aucune précision. Les échanges de courriels avec Mme C... que Mme D... qualifie de harcèlement étaient justifiés par la réticence manifeste de la requérante à rendre compte de son activité auprès de sa supérieure hiérarchique directe. Enfin, l'incident du 9 avril 2021 dont se plaint Mme D..., postérieur à la décision contestée du 3 août 2020, ne peut être utilement invoqué pour en contester la légalité. Ainsi, aucun des éléments soumis au juge par Mme D... n'est susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

8. Mme D..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le centre hospitalier de la Basse-Terre à l'occasion du présent litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de la Basse-Terre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au centre hospitalier de la Basse-Terre.

Délibéré après l'audience du 9 avril 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2024.

La rapporteure,

Anne A...

La présidente,

Catherine GiraultLe greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX00902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00902
Date de la décision : 02/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Anne MEYER
Rapporteur public ?: Mme ISOARD
Avocat(s) : ARMAND

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-02;22bx00902 ?
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