La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/04/2003 | FRANCE | N°99DA20014

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ere chambre, 03 avril 2003, 99DA20014


Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée par le département du Pas-de-Calais ; le département du Pas-de-Calais demande à la Cour :

1') à titre principal, d'annuler comme entaché d'irrégularité le jugement en date du 22 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 30 mai 1997 du préfet du Pas-de-Calais déclarant d'utilité publique les travaux relatifs à la déviation de la route départementale 40 à Rouvroy ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer le sursis à

exécution dudit jugement, puis de l'annuler pour erreur de droit et de rejeter la ...

Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée par le département du Pas-de-Calais ; le département du Pas-de-Calais demande à la Cour :

1') à titre principal, d'annuler comme entaché d'irrégularité le jugement en date du 22 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 30 mai 1997 du préfet du Pas-de-Calais déclarant d'utilité publique les travaux relatifs à la déviation de la route départementale 40 à Rouvroy ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer le sursis à exécution dudit jugement, puis de l'annuler pour erreur de droit et de rejeter la demande présentée par l'association des riverains de la RD 40 sur le territoire de la commune de Rouvroy devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 30 mai 1997 ;

Le département fait valoir que le jugement attaqué est entaché d'une double irrégularité ; qu'en premier lieu le principe du contradictoire a été méconnu, le mémoire en défense du 19 mai 1999 du département n'ayant pas été communiqué au préfet du Pas-de-Calais ; qu'en second lieu, le tribunal administratif a annulé l'arrêté de déclaration d'utilité publique au motif que la concertation prévue à l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme n'avait pas été organisée,

Code C Classement CNIJ : 44-06

alors que les demandeurs avaient soulevé le moyen tiré du défaut d'information préalable du public en méconnaissance de la directive du 14 mai 1976 ; que le tribunal administratif a ainsi soulevé d'office un moyen non invoqué par les demandeurs, et ce sans en informer les parties comme l'exige l'article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'en tout état de cause la concertation prévue par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme n'avait pas à être organisée dès lors qu'elle a été mise en oeuvre, en application d'une délibération du conseil municipal du 10 octobre 1994, lors de la révision du plan d'occupation des sols de Rouvroy et qu'un emplacement réservé pour ce projet était inscrit au plan d'occupation des sols ; que, d'ailleurs, des agriculteurs ont, à cette occasion, demandé une modification du tracé de la déviation, demande qui a donné lieu à la présentation, dans l'étude d'impact, d'une variante n°1 ; que si vice de procédure il y a, il ne peut être regardé comme substantiel ; que si la Cour devait, sur évocation, examiner les autres moyens de la demande, elle les rejetterait, le département renvoyant à ses arguments développés devant les premiers juges ; que plusieurs de ces arguments paraissant sérieux, la Cour prononcera, avant de l'annuler, le sursis à exécution du jugement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 mai 2000, présenté par le ministre de l'intérieur concluant aux mêmes fins que la requête ; le ministre soutient que le principe de la contradiction n'a pas été respecté, dès lors que le mémoire en défense du département n'a pas été communiqué au préfet et que celui-ci n'a pas été invité à présenter ses observations sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ; que les premiers juges ont dénaturé le moyen invoqué par l'association requérante, tiré de la méconnaissance de la directive du 14 mai 1976 relative à l'information du public ; que ce moyen ne pouvait être qu'inopérant, la directive étant dépourvue de caractère réglementaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 juin 2000, présenté par le département du Pas-de-Calais tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 29 novembre 2002 fixant au 30 décembre 2002 à 16 heures 30 la clôture de l'instruction relative à la requête susvisée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°52-1265 du 29 novembre 1952 sur les travaux mixtes ;

Vu le décret n° 55-1064 du 4 août 1955 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 29 novembre 1952 sur les travaux mixtes ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mars 2003 où siégeaient M. Daël, président de la Cour, Mme Sichler, président de chambre, Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur et MM. Lequien et Paganel, premiers conseillers :

- le rapport de Mme Merlin-Desmartis, président-assesseur,

- les observations de M. Z..., directeur, pour le conseil général du Pas-de-Calais,

- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties (...) ; que toutefois, en l'espèce, le mémoire en défense en date du 19 mai 1999 du département du Pas-de-Calais ne contenait pas de faits ou de moyens autres que ceux déjà développés par le préfet du Pas-de-Calais, lequel intervenait également en défense, dans son mémoire du 12 novembre 1997 ; que, dans ces conditions, la procédure suivie devant le tribunal administratif de Lille ne saurait être regardée comme irrégulière et le principe du contradictoire méconnu du seul fait de la non communication au préfet du Pas-de-Calais du mémoire du département en date du 19 mai 1997 ;

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 30 mai 1997 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, ni dans sa demande devant le tribunal administratif de Lille, dirigée contre l'arrêté en date du 30 mai 1997 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a déclaré d'utilité publique les travaux relatifs à la déviation de la route départementale 40 à Rouvroy, ni dans son mémoire en réplique, l'association requérante n'a soulevé le moyen tiré de la violation de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ; que le département du Pas-de-Calais et l'Etat sont, par suite, fondés à soutenir que c'est à tort que, pour annuler cet arrêté, le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le motif, qui n'est pas d'ordre public, tiré de la violation dudit article ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés devant le tribunal administratif de Lille par l'association des riverains de la route départementale 40 sur le territoire de la commune de Rouvroy ;

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que l'association ne saurait utilement se prévaloir de la directive du premier ministre du 14 mai 1976 relative à l'information du public et à l'organisation des enquêtes publiques, qui est dépourvue de caractère réglementaire ; qu'est par suite inopérant le moyen tiré de ce que l'administration n'aurait pas satisfait à l'obligation d'informer le public dans les conditions prévues par cette directive ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 29 novembre 1952 susvisée : Les travaux publics qui peuvent intéresser à la fois la défense nationale et un ou plusieurs services civils sont soumis, préalablement à toute exécution, à une procédure d'instruction mixte ; que, dans le cas où cette procédure se déroule à l'échelon local, l'article 15 du décret du 4 août 1955 pris pour son application dispose que dès qu'il y a été autorisé, le chef du service conférent ouvre l'instruction mixte en adressant un exemplaire du dossier aux autres conférents (...) ; que, toutefois, la circonstance que l'instruction mixte a été ouverte, non par le chef du service conférent mais par le président du conseil général ne constitue pas, en l'espèce, un vice substantiel de nature à entacher d'irrégularité l'ensemble de la procédure dès lors que la procédure de concertation a eu lieu et qu'après que les services de l'Etat ont présenté leurs observations, aucun désaccord n'a subsisté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 : le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements protégés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. L'étude d'impact présente successivement : (...) 3°) les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés, le projet présenté a été retenu (...) ; qu'il résulte des termes mêmes de cette disposition que l'étude d'impact ne doit indiquer les raisons qui ont conduit l'administration à opter pour le projet soumis à enquête qu'au cas où d'autres partis ont été envisagés ; qu'il ressort des pièces du dossier que, de longue date, a seul été envisagé en l'espèce, pour le projet de déviation de la RD 40 à Rouvroy, un tracé traversant d'est en ouest le nord de l'agglomération et empruntant pour partie l'emprise de la voie ferrée désaffectée Lens-Corbehem ; que n'a en revanche pas été envisagé le contournement de l'agglomération par le sud évoqué par l'association requérante ; qu'ainsi l'étude d'impact n'avait, ni à décrire un tel tracé, ni à présenter les motifs pour lesquels le projet retenu lui aurait été préféré ; que, par suite le moyen tiré de la violation des dispositions précitées du décret du 12 octobre 1977 ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que si l'association requérante émet des critiques sur les conditions d'objectivité et de sincérité dans lesquelles s'est déroulée l'enquête d'utilité publique, elle n'apporte pas au juge les précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé ; qu'est à cet égard inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du 18 août 1986 du ministre de l'intérieur qui est dépourvue de caractère réglementaire ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les considérations d'ordre social qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

Considérant que le projet de déviation projetée, qui traverse la commune de Rouvroy sur une distance de 1 700 mètres environ, a pour objet d'accueillir le trafic de liaison entre la RN 17 et l'autoroute A1, tout en délestant et en sécurisant la circulation sur l'actuelle RD 40 dans la traversée du village et en assurant un itinéraire hors gel ; qu'un tel projet revêt en lui-même un caractère d'utilité publique ; que si une section de l'itinéraire traverse une zone urbanisée et, en particulier, passe à proximité de deux écoles, il ressort des pièces du dossier que diverses mesures ont été prises pour limiter les effets dommageables de l'ouvrage ; qu'en ce qui concerne la sécurité, en particulier celle des enfants, la nouvelle voie, construite en déblai, ne comporte aucun croisement entre les deux carrefours giratoires situés à chacune de ses extrémités, les riverains ne disposant pas d'accès direct à la voie ; que le franchissement routier s'effectuera, comme par le passé, par le pont qui enjambe l'actuelle voie ferrée et qui doit être reconstruit, une clôture grillagée étant édifiée de part et d'autre de l'ouvrage afin d'empêcher l'intrusion des piétons ; que les risques d'affaissements miniers sont très faibles, la présence de sapes de guerre ayant quant à elle fait l'objet d'une étude spécifique et de précautions particulières ; que la conduite ayant servi au transport d'un produit éthylénique, située sous l'ancienne voie ferrée, est aujourd'hui hors service ; qu'en ce qui concerne les nuisances sonores, des mesures sont prévues afin de contenir les niveaux sonores à moins de 60 db en façade des habitations, consistant, selon le cas, en la réalisation de merlons acoustiques, la pose d'écrans antibruits ou l'isolation des façades et en la pose d'un revêtement spécial sur la chaussée ; que si la pollution gazeuse et particulaire peut s'avérer importante, sa diffusion sera limitée, d'une part, par les écrans et les merlons et, d'autre part, par la plantation d'une végétation adaptée ; que la qualité de l'air et le confort sonore se trouveront par ailleurs améliorés le long de l'actuelle RD 40, au centre du village où l'urbanisation est plus dense ; que si l'association requérante soutient que le projet entraînera la suppression d'une vue sensible et d'un biotope spécifique, cette assertion n'est pas assortie de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; que, dans ces conditions, eu égard aux précautions prises, les inconvénients que présente pour les personnes concernées le projet de déviation de la RD 40 ne sont pas de nature à retirer à l'opération son caractère d'utilité publique ;

Considérant que si l'association requérante soutient qu'un contournement de l'agglomération par le sud aurait offert les mêmes avantages, au prix d'inconvénients moindres, que le tracé de la voie déclarée d'utilité publique, il n'appartient pas à la Cour d'apprécier l'opportunité du tracé retenu ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté en date du 30 mai 1997 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a déclaré d'utilité publique les travaux relatifs à la déviation de la route départementale 40 à Rouvroy ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 22 juin 1999 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association des riverains de la route départementale 40 sur le territoire de la commune de Rouvroy devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au département du Pas-de-Calais, à l'association des riverains de la route départementale 40 à Rouvroy et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 19 mars 2003 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 3 avril 2003.

Le rapporteur

Signé : M. Merlin-Desmartis

Le président de la Cour

Signé : S. X...

Le greffier

Signé : M. Y...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le Greffier

Muriel Y...

7

N°99DA20014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 99DA20014
Date de la décision : 03/04/2003
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: Mme Merlin-Desmartis
Rapporteur public ?: M. Yeznikian

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2003-04-03;99da20014 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award