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17/02/2004 | FRANCE | N°02DA00640

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 17 février 2004, 02DA00640


Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Douai les 23 juillet, 29 août et 24 octobre 2002, présentés pour le centre hospitalier de Creil, représenté par son directeur en exercice, par Me Le Prado, avocat ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-1149 en date du 14 mai 2002, par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à réparer le préjudice moral subi par les consorts X suite au décès de la jeune Magalie X ;

2°) de rejeter les demandes de première instance des cons

orts X ;

Il soutient que le diagnostic de la pathologie de l'adolescente étai...

Vu la requête et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Douai les 23 juillet, 29 août et 24 octobre 2002, présentés pour le centre hospitalier de Creil, représenté par son directeur en exercice, par Me Le Prado, avocat ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 00-1149 en date du 14 mai 2002, par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à réparer le préjudice moral subi par les consorts X suite au décès de la jeune Magalie X ;

2°) de rejeter les demandes de première instance des consorts X ;

Il soutient que le diagnostic de la pathologie de l'adolescente était d'une difficulté exceptionnelle et qu'il ne peut être reproché à l'interne de garde d'avoir commis une faute dès lors que les symptômes présentés par la malade n'étaient pas de nature à imposer des recherches complémentaires ; que le non-diagnostic en octobre 1998 de l'infection dont était atteinte la victime n'a pas compromis ses chances de survie ; qu'à supposer qu'il y ait eu une perte de chance de survie, compte tenu de l'avancement de la tumeur en octobre 1998, la réparation du préjudice subi par la famille de la victime devrait être évalué à un niveau très bas ;

Vu le jugement attaqué ;

Code C Classement CNIJ : 60-02-0101-02-01

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2002, présenté pour Mme Marie-Thérèse X, M. Dominique X, en leur nom propre et en qualité d'administrateurs légaux de leurs enfants mineurs Christophe et Sébastien et pour Mme Marie-Thérèse X en qualité de tutrice de Melle Lolita Y, par la S.C.P. d'avocats Delarue et associés, qui concluent au rejet de la requête et à la condamnation du centre hospitalier de Creil à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que s'il ressort des différentes expertises que le diagnostic de la pathologie dont était atteinte la jeune Magalie était difficile, il n'était pas impossible si les moyens médicaux nécessaires et appropriés avaient été mis en oeuvre ; que la tumeur était détectable dès le mois d'octobre 1998 par un examen de l'adolescente qui aurait du être plus complet ; qu'en février 1999, la jeune patiente a de nouveau été victime des tergiversations hospitalières ; que les dispositions du code de déontologie ont été violées ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 janvier 2004, présenté pour le centre hospitalier de Creil, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 janvier 2004, présenté pour Mmes et M. X, qui concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2004 où siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :

- le rapport de Mme Eliot, conseiller,

- les observations de Me Demailly, avocat, pour le centre hospitalier de Creil et de Me Hache, avocat, membre de la S.C.P. Delarue et associés , pour les consorts X,

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la jeune Magalie X est décédée le 30 novembre 1999, à l'âge de 15 ans, des suites d'une tumeur cancéreuse du col de l'utérus ; que les premiers symptômes de la maladie sont apparus, sous la forme de pertes vaginales persistantes, dès le mois de juin 1998 à la suite desquels elle a consulté un médecin gynécologue du centre hospitalier de Creil qui, sans procéder à un examen de la patiente, a qualifié les écoulements de secrétions normales pré-pubertaires ; que le 24 octobre 1998, la jeune fille accompagnée de sa mère s'est présentée aux services des urgences du même établissement hospitalier, en raison de la présence d'une excroissance violacée au niveau de la vulve et a été prise en charge par l'interne de garde, qui après un toucher rectal, n'a constaté aucune anomalie et a conclu à l'élimination d'un caillot sanguin ; qu'au mois de février 1999, après des épisodes douloureux abdominaux, la tumeur de l'adolescente, après une nouvelle admission en urgence, a été diagnostiquée par les services du centre hospitalier de Creil ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment des rapports des experts désignés par le tribunal administratif d'Amiens et par le tribunal correctionnel de Senlis, que le médecin consulté au mois de juin 1998, aurait du, devant les symptômes anormaux présentés par la jeune fille, procéder à un examen clinique de cette dernière et rechercher la cause de ses troubles gynécologiques ; que le médecin de garde le 24 octobre 1998, averti par la mère de l'adolescente de la présence d'une anomalie vaginale de caractère exceptionnel, ne pouvait se limiter à un toucher rectal, alors même qu'il aurait été normal, mais aurait dû pratiquer un examen gynécologique complet de la patiente, solliciter toute investigation complémentaire permettant de déceler éventuellement une lésion maligne, et, en tout état de cause, en référer à sa hiérarchie ; que la carence ainsi décrite des praticiens révèle une faute dans l'organisation du service de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Creil ; que si cet établissement fait valoir que le caractère exceptionnel de la maladie rendait très difficile le diagnostic, cette circonstance est sans influence sur l'existence de la faute de service ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, alors même que la forme abdominale et pelvienne de la maladie contractée par l'adolescente présentait un caractère avancé, que le retard de diagnostic a privé la jeune Magalie de chances limitées mais réelles de guérison si le diagnostic avait été posé de manière plus précoce, comme il pouvait l'être en octobre 1998 ; que dès lors la réparation du préjudice résultant de la faute du centre hospitalier de Creil doit être intégrale ; que, par suite, l'établissement hospitalier n'est pas fondé à soutenir, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à réparer l'entier préjudice subi par les membres de la famille de la jeune patiente, évalué justement par le tribunal administratif d'Amiens à la somme de 13 000 euros respectivement pour M et Mme X, à la somme de 4 500 euros respectivement pour Christophe et Sébastien X et pour Melle Lolita Y la somme de 2 300 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Creil à verser aux défendeurs la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du centre hospitalier de Creil est rejetée.

Article 2 : Le centre hospitalier de Creil est condamné à verser à M. et Mme X, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Creil, à Mme Marie-Thérèse X, à M. Dominique Robert X, à M. Christophe X, à M. Sébastien X, à Melle Lolita Y, à la caisse primaire d'assurance maladie de Creil et au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 3 février 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 17 février 2004.

Le rapporteur

Signé : A. Eliot

Le président de chambre

Signé : J.F. Gipoulon

Le greffier

Signé : G. Vandenberghe

La République mande et ordonne au ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Guillaume Vandenberghe

5

N°02DA00640


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02DA00640
Date de la décision : 17/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: Mme Eliot
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-02-17;02da00640 ?
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