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18/05/2004 | FRANCE | N°00DA00410

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 18 mai 2004, 00DA00410


Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Bernard X, demeurant ..., par Me Roumazeille, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-4347 du 10 février 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994 par avis de mise en recouvrement du 21 avril 1997 ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;

2°) de pro

noncer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2...

Vu la requête, enregistrée le 10 avril 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Bernard X, demeurant ..., par Me Roumazeille, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 97-4347 du 10 février 2000 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994 par avis de mise en recouvrement du 21 avril 1997 ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient que la procédure de taxation d'office est irrégulière ; qu'en effet, le caractère sincère et probant de sa comptabilité n'a pas été remis en cause et ladite procédure a été appliquée pour l'ensemble de son activité ce qui implique que l'administration apporte la preuve que l'intégralité des recettes réalisées résulte de l'application de la technique d'ostéopathie, or l'ostéopathie n'est réalisée qu'à titre accessoire ; que la motivation de la notification de redressements apparaît insuffisante ; que, titulaire d'un diplôme de masseur-kinésithérapeute, il

Code C+ Classement CNIJ : 19-06-02-01-01

fait partie d'un profession paramédicale réglementée qui bénéficie de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ; que, de plus, les actes d'ostéopathie douce, à l'exclusion des manoeuvres de force réservées aux médecins, peuvent également être exonérés de ladite taxe ; qu'à titre subsidiaire, il est demandé pour l'activité d'ostéopathie l'application de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée prévue par les articles 293 B à 293 F du code général des impôts ; que, selon la doctrine administrative, instruction du 28 janvier 1991 3F-1-91, le non-respect des obligations inhérentes au bénéfice de cette franchise ne fait pas perdre au contribuable ledit bénéfice ; que la partie excédant le taux d'inflation des intérêts de retard revêt le caractère de véritable pénalité en dépit des dispositions du code général des impôts aux termes desquelles l'intérêt de retard a pour but exclusivement de réparer le préjudice du temps passé ; que le montant des frais exposés sont justifiés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que M. X a fait l'objet d'une taxation d'office en vertu de l'article L. 66-3° du livre des procédures fiscales car il n'a déposé aucune déclaration de taxe sur la valeur ajoutée pour son activité d'ostéopathie ; que les rappels notifiés ont été suffisamment motivés ; que les actes relevant de la profession d'ostéopathe ne figurent pas au nombre des soins qu'un masseur-kinésithérapeute peut exercer en sa qualité de titulaire du diplôme d'Etat correspondant ; que de tels actes ne peuvent être effectués que par des docteurs en médecine ; que lorsqu'ils sont accomplis par des ostéopathes non titulaires d'un diplôme d'Etat de docteur en médecine, ils n'entrent pas dans le champ de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il en est ainsi des actes de soins relevant de l'ostéopathie dite douce comme l'a jugé la cour administrative d'appel de Lyon, n° 95-1466, 26 novembre 1997 ; que le chiffre d'affaires notifié au titre de l'activité d'ostéopathe exercée par M. X étant nettement supérieur à la limite de 70 000 francs, le requérant ne saurait valablement se prévaloir du bénéfice de la franchise prévue par l'article 293-B-1 du code général des impôts ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 14 novembre 2003, présenté pour M. X qui maintient les conclusions de la requête, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que le décret n° 96-879 du 8 octobre 1996 prévoit expressément que les massages peuvent être réalisés soit dans un but thérapeutique, soit dans un autre but, ce qui implique une exonération de taxe sur la valeur ajoutée des massages non prescrits ; que l'instruction 3-A-1-94 du 22 décembre 1993 précise que les massages prescrits ou non prescrits bénéficient de ladite exonération ; qu'en conséquence, un masseur-kinésithérapeute est fondé à exercer une activité sans prescription médicale et donc sans remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie et ceci n'implique pas que M. X n'exerce pas sa profession paramédicale réglementée et exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée ; que la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 a consacré la reconnaissance des professions indépendantes d'ostéopathe et reconnu que l'ostéopathie en tant que technique de manipulation douce est exercée par les masseurs-kinésithérapeutes ; que l'administration fiscale interprète différemment selon les régions l'article 261-4-1° du code général des impôts pour les actes d'ostéopathie effectués par les masseurs-kinésithérapeutes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 85-918 du 26 août 1985 ;

Vu l'arrêté ministériel du 6 janvier 1962 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 mai 2004 où siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin, président-assesseur et M. Soyez, premier conseiller :

- le rapport de Mme Brin, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Sur le principe de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : I-Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de service effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ... et qu'aux termes de l'article 261 du même code dans leur rédaction applicable aux impositions en litige : Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 4-1° : les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu exonérer les actes régulièrement dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées par une disposition législative ou par un texte pris pour l'application d'une telle disposition ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret susvisé du 26 août 1985, alors en vigueur, pris pour l'application de l'article L. 487 du code de la santé publique : Pour la mise en oeuvre des traitements prescrits par le médecin, le masseur-kinésithérapeute est habilité à utiliser les techniques suivantes : ...3. Mobilisation manuelle de toutes articulations, à l'exclusion des manoeuvres de force, notamment des manipulations vertébrales et des réductions des déplacements osseux ; que l'article 2-1° de l'arrêté ministériel susvisé du 6 janvier 1962, alors en vigueur, pris pour l'application du 1° de l'article L. 372 du code de la santé publique, inclut dans la liste des actes médicaux qui ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine , d'une façon générale, tous les traitements dits d'ostéopathie ; qu'il résulte de ces dispositions que, sans qu'il y ait lieu à opérer une quelconque distinction entre eux, les soins d'ostéopathie qui ne sont pas dispensés par des médecins sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant que, si le requérant, titulaire du diplôme de masseur-kinésithérapeute, soutient que les actes de soins qu'il prodiguait, n'impliquant pas de manoeuvres de force, entraient en réalité dans la nomenclature de ceux que le décret susvisé du 26 août 1985 réserve aux masseurs-kinésithérapeutes, il résulte de l'instruction que M. X, au cours de la période du 1er janvier 1992 au 31 décembre 1994, a pratiqué, ainsi qu'il le reconnaît lui-même, des actes relevant de l'ostéopathie ; que, par suite, sans que ce dernier puisse utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction 3A-1-94 du 22 décembre 1993, publiée au bulletin officiel des impôts du 4 janvier 1994, qui se borne à tirer les conséquences des textes précités et ne comporte aucun caractère réglementaire, c'est à bon droit que l'administration a assujetti M. X à la taxe sur la valeur ajoutée sur les actes d'ostéopathie ; que la circonstance que l'administration fiscale aurait abandonné les rappels de taxe sur la valeur ajoutée à l'égard de confrères du requérant dispensant des soins similaires est sans incidence sur la situation de ce dernier dès lors qu'il a été imposé conformément à la loi ; que M. X ne saurait davantage faire état des dispositions de l'article 75 de la loi

n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dès lors qu'elles sont postérieures à la période d'imposition en litige ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il est constant que M. X n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire en sa qualité de redevable des taxes sur le chiffre d'affaires ; que c'est par suite à bon droit que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ont été établis suivant la procédure de taxation d'office en application de l'article

L. 66-3° du livre des procédures fiscales ; que la circonstance que le caractère régulier et probant de sa comptabilité n'a pas été remis en cause lors de la vérification de comptabilité dont il a fait l'objet, est sans incidence sur la régularité du recours à ladite procédure ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : Les bases ou les éléments servant au calcul des impositions d'office sont portés à la connaissance du contribuable, trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions, au moyen d'une notification qui précise les modalités de leur détermination. ... ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la notification de redressement en date du 30 novembre 1995 détaille une série de sept éléments retenus par l'administration pour qualifier l'activité réellement exercée par le requérant ; qu'après avoir déduit de ces constatations que cette activité était l'ostéopathie et non la kinésithérapie, l'administration a énuméré, en les ventilant selon trois rubriques consacrées à l'activité en cabinet, l'activité de formateur et les activités mixtes exercées par le contribuable, les chiffres d'affaires et les frais généraux permettant de déterminer les montants de taxe sur la valeur ajoutée en litige ; que, par suite, le requérant, qui a pu prendre connaissance des modalités de détermination des bases et des éléments ayant servi au calcul des impositions d'office, n'est pas fondé à soutenir que la notification de redressement qui lui a été adressée serait insuffisamment motivée ;

Sur le montant des impositions :

Considérant que M. X ayant été régulièrement taxé d'office il lui appartient, en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions mises à sa charge ;

Considérant, en premier lieu, que M. X, qui n'est pas titulaire du diplôme de docteur en médecine, soutient que les actes d'ostéopathie ne représentent qu'une faible partie de l'activité de son cabinet de masseur-kinésithérapeute ; que le seul relevé des reçus délivrés pour des consultations d'ostéopathie pour les années 1992 à 1994 produit à l'appui de cette allégation ne peut tenir lieu de justification suffisante dès lors que le requérant n'établit pas que, pour ces mêmes années, il pratiquait d'autres actes de soins en qualité de masseur-kinésithérapeute alors, d'ailleurs que la caisse d'assurance maladie a enregistré sa cessation d'activité en tant que masseur-kinésithérapeute à compter du 1er mai 1987 et qu'elle n'a constaté sa reprise d'activité qu'à compter du 1er septembre 1995 ; que sa comptabilité ne distinguait pas les prestations de soins selon leur nature ; qu'il se présentait jusqu'à la fin de 1994 comme ostéopathe et non masseur-kinésithérapeute, tant aux organisations professionnelles qu'à ses clients ; que, par suite, M. X ne démontre pas que les impositions en litige, qui ont été établies en considérant que l'activité principale de son cabinet était l'ostéopathie, présentent un caractère exagéré ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 293 B-1 du code général des impôts : Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de service, les assujettis bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'ils ont réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires n'excédant pas 70 000 francs ... ; qu'à défaut d'apporter la preuve du montant des honoraires perçus en contrepartie des consultations d'ostéopathie pratiquées au cours des années 1992 à 1994, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir du bénéfice de la franchise prévue par les dispositions précitées ; qu'il se prévaut, par suite, inutilement des prévisions de l'instruction du 28 janvier 1991, 3F-1-91, selon lesquelles le non-respect de certaines obligations inhérentes au bénéfice de la franchise ne fait pas perdre au contribuable le bénéfice de la franchise ;

Sur l'intérêt de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. (...) Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75% par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. ;

Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ;

Considérant que si M. X prétend qu'une fraction de l'intérêt de retard qui a été appliqué aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement le 21 avril 1997 constitue une sanction, il n'apporte pas d'élément de nature à justifier sa prétention au regard de ce qui vient d'être dit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Bernard X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bernard X et au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 4 mai 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 18 mai 2004.

Le rapporteur

Signé : D. Brin

Le président de chambre

Signé : J.F. Gipoulon

Le greffier

Signé : G. Vandenberghe

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Guillaume Vandenberghe

2

N°00DA00410


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 00DA00410
Date de la décision : 18/05/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: Mme Dominique (ac) Brin
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : ROUMAZEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-05-18;00da00410 ?
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