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18/01/2005 | FRANCE | N°02DA01044

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (ter), 18 janvier 2005, 02DA01044


Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la Société Civile d'Exploitation Agricole X, par la SCP Lefranc, Bavencoffe, Meiller ; la Société Civile d'Exploitation Agricole X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000537 du Tribunal administratif de Lille en date du

17 octobre 2002 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du

Pas-de-Calais datée du 2 décembre 1999 lui refusant sa demande d'autorisation d'exploiter une superficie supplément

aire de 5,48 ha sur la commune de Noyelles-sous-Bellone ;

2°) d'annuler ladite dé...

Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2002 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la Société Civile d'Exploitation Agricole X, par la SCP Lefranc, Bavencoffe, Meiller ; la Société Civile d'Exploitation Agricole X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0000537 du Tribunal administratif de Lille en date du

17 octobre 2002 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet du

Pas-de-Calais datée du 2 décembre 1999 lui refusant sa demande d'autorisation d'exploiter une superficie supplémentaire de 5,48 ha sur la commune de Noyelles-sous-Bellone ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le préfet ne peut légalement motiver la décision qu'il a prise sur un motif qui n'était pas mentionné dans celle-ci et qui a été évoqué pour la première fois devant les juges ; qu'elle n'a jamais été informée de la candidature de M. Y, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article 331-6 du code rural ; qu'en tout état de cause, ladite candidature avait été retirée au moment où la décision a été prise ; que la décision attaquée se fonde sur des motifs étrangers à ceux prévus par l'article L. 331-7 du code rural ; que la prise en compte de la superficie mise en valeur sans examiner la situation familiale et personnelle des différents exploitants associés au sein de la SCEA relève d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 février 2004, présenté par le ministre chargé de l'agriculture, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que la SCEA X ne peut utilement invoquer le moyen tiré du défaut du respect du contradictoire dès lors que la candidature de M. Y avait été retirée au moment où la décision a été prise et qu'en tout état de cause l'administration n'était pas tenue de l'en informer ; que l'arrêté attaqué était suffisamment motivé ; que les arrêtés pris en matière de contrôles des structures n'ont pas à être motivés au sens de la loi du 11 juillet 1979 ; que la circonstance que n'aurait pas été mentionnée la candidature de M. Y ne fait pas obstacle à ce que la décision soit regardée comme régulièrement motivée ; que la décision qu'il a prise est conforme tant au schéma directeur départemental du Pas-de-Calais, qu'aux dispositions des articles L. 331-1 et suivants du code rural ; qu'il n'est pas établi que le préfet n'aurait pas pris en compte la situation personnelle de chacun des associés de la SCEA ; qu'en tout état de cause, eu égard à la surface déjà exploitée par la SCEA, la situation personnelle des associés ne saurait justifier une reprise en urgence du fonds litigieux ; qu'au surplus, les membres de la SCEA étaient déjà membres d'une autre société agricole ; que la législation sur les baux ruraux et celle relative au contrôle des structures sont indépendantes ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse aurait empêché les intéressés d'exploiter un bien familial est inopérant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 janvier 2005 à laquelle siégeaient M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et

Mme Eliot, conseiller :

- le rapport de Mme Eliot, conseiller ;

- les observations de Me X... pour la Société Civile d'Exploitation Agricole X ;

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant que, pour justifier la décision attaquée en date du 2 décembre 1999 portant refus d'autorisation de la SCEA X d'exploiter une superficie supplémentaire de 5,48 ha sur la commune de Noyelles-sous-Bellonne, le préfet du Pas-de-Calais a invoqué, pour la première fois devant les premiers juges, le désistement forcé d'un autre candidat à la reprise ; qu'il est cependant constant que, contrairement aux dispositions de l'alinéa 5 de l'article

R. 331-4 du code rural qui affirme le caractère contradictoire de la procédure de demande d'autorisation de cumul d'exploitation devant la commission départementale et l'autorité administrative, la SCEA X n'a pas été informée du dépôt d'une demande concurrente à la sienne ; que, dans ces conditions et en tout état de cause, le tribunal administratif ne pouvait, sans méconnaître les droits de la société requérante au respect des garanties procédurales instituées par les dispositions précitées du code rural, procéder à la substitution de motifs sollicitée par le préfet en première instance ; que, dès lors, la SCEA X est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, pour rejeter sa requête, s'est fondé sur la motivation avancée par le préfet en cours d'instance ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par la SCEA X tant en première instance qu'en appel ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, pour refuser l'autorisation sollicitée, la décision attaquée est fondée sur les motifs selon lesquels, d'une part, la reprise envisagée.. ne constitue pas une circonstance économique particulière de nature à améliorer l'autonomie de l'exploitation puisque cette dernière atteint déjà une surface de 508,85 ha , d'autre part, la reprise ne contribue pas à un aménagement parcellaire pour l'exploitation et enfin, il paraît souhaitable de réserver ces parcelles aux demandes d'exploitants de taille plus modeste afin d'assurer la pérennité de leurs exploitations ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 331-1 du code rural, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : L'objectif prioritaire du contrôle des structures est de favoriser l'installation d'agriculteurs, y compris ceux engagés dans une démarche d'installation progressive. En outre, il vise : soit à empêcher le démembrement d'exploitations agricoles viables pouvant permettre l'installation d'un ou plusieurs agriculteurs ; soit à favoriser l'agrandissement des exploitations agricoles dont les dimensions, les références de production ou les droits à aide sont insuffisants au regard des critères arrêtés dans le schéma directeur départemental des structures ; soit à permettre l'installation ou conforter l'exploitation d'agriculteurs pluriactifs partout où l'évolution démographique et les perspectives économiques le justifient . ; qu'aux termes de l'article L. 331-3 du même code : L'autorité administrative, après avis de la commission départementale d'orientation de l'agriculture, se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande ; 2° S'assurer, en cas d'agrandissement ou de réunion d'exploitations, que toutes les possibilités d'installation sur une exploitation viable ont été considérées ;... ; 4° De prendre en compte la situation personnelle du ou des demandeurs, notamment en ce qui concerne l'âge et la situation familiale et professionnelle et, le cas échéant, celle du preneur en place ;... ; 5° Prendre en compte la structure parcellaire des exploitations concernées, soit par rapport au siège de l'exploitation, soit pour éviter que des mutations en jouissance ne remettent en cause des aménagements réalisés à l'aide de fonds publics... ; que l'article 1er du schéma directeur des structures agricoles du Pas-de-Calais, alors en vigueur, dispose a) les orientations ont pour objectif : de privilégier l'installation de jeunes agriculteurs ayant une formation ou une expérience professionnelle requise pour l'obtention d'aides à l'installation, d'éviter le démantèlement des exploitations qui peuvent permettre l'installation d'un jeune agriculteur ou la réinstallation d'un exproprié, font l'objet de plans d'amélioration matérielle agréés, ont été reconstitués et restructurés avec des aides publiques ;

Considérant, d'une part, que le maintien de l'autonomie du demandeur de l'autorisation d'exploiter des parcelles supplémentaires n'est pas au nombre des motifs pouvant légalement justifier, au regard des critères limitativement énumérés par l'article L. 331-3 précité du code rural, une décision de refus d'autorisation d'exploiter et ne saurait, en tout état de cause, être invoqué par l'autorité administrative pour établir qu'elle a pris en compte la situation personnelle de la société requérante pour prendre la décision attaquée ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'est pas établi, alors même que les parcelles dont la reprise a été demandée se situeraient à une distance de 26 km du siège d'exploitation de la société requérante que la reprise envisagée est incompatible avec l'aménagement parcellaire souhaitable de l'exploitation de ladite société ;

Considérant, enfin, que le motif tiré de ce qu'il serait souhaitable de réserver la parcelle en litige aux demandes d'exploitants de taille plus modeste afin d'assurer la pérennité de leurs exploitations est insuffisant, compte tenu de son caractère général et dans les circonstances de l'espèce, pour justifier la décision attaquée et ne saurait être rattaché aux dispositions du projet agricole départemental qui, faute d'avoir été retranscrit dans le schéma directeur des structures agricoles départemental, n'est pas opposable à la société requérante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCEA X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision préfectorale du 2 décembre 1999 ;

Sur les conclusions de la SCEA X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à la SCEA X la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille en date du 17 octobre 2002 et la décision du préfet du Pas-de-Calais en date du 2 décembre 1999 rejetant la demande de la Société Civile d'Exploitation Agricole X d'autorisation d'exploiter une superficie supplémentaire de 5,48 ha sur la commune de Noyelles-sous-Bellone sont annulés.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la Société Civile d'Exploitation Agricole X la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société Civile d'Exploitation Agricole X et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.

Copie sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2005, à laquelle siégeaient :

- M. Gipoulon, président de chambre,

- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,

- Mme Eliot, conseiller,

Lu en audience publique, le 18 janvier 2005.

2

N°02DA01044


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 02DA01044
Date de la décision : 18/01/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : SCP LEFRANC- BAVENCOFFE-MEILLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-01-18;02da01044 ?
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