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27/03/2007 | FRANCE | N°06DA01470

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 27 mars 2007, 06DA01470


Vu la requête, enregistrée le 9 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M Aga X, demeurant ..., par Me Robin ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602412 en date du 6 octobre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 septembre 2006 par lequel le préfet de l'Oise a décidé sa reconduite à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ;

2°) d'annuler cet arrêté pour exc

ès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa situ...

Vu la requête, enregistrée le 9 novembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M Aga X, demeurant ..., par Me Robin ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0602412 en date du 6 octobre 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 septembre 2006 par lequel le préfet de l'Oise a décidé sa reconduite à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la mesure litigieuse est entachée d'incompétence ; qu'elle est insuffisamment motivée ; que l'arrêté attaqué devait être notifié dans sa langue d'origine ; que la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et méconnaît de ce fait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant la Turquie comme pays de destination est contraire aux dispositions de l'article 3 de la convention susévoquée ; que la mesure de reconduite est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 17 novembre 2006 fixant la clôture de l'instruction au

17 janvier 2007 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2006, présenté par le préfet de l'Oise, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que l'arrêté attaqué ne souffre d'aucune illégalité externe ; que l'intéressé n'est pas fondé à contester la légalité de la mesure d'éloignement sur le fondement de ses demandes de régularisation, dès lors qu'il est constant que M. X fait l'objet d'une décision de refus de séjour régulièrement notifiée qui constitue la base juridique de l'arrêté querellé ; qu'aucune erreur manifeste n'a été commise dans l'appréciation des conséquences d'une mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé ; que l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant la Turquie comme pays de destination n'est pas contraire aux dispositions de l'article 3 de la convention précitée ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 janvier 2007 par télécopie, confirmé par la production de l'original le 17 janvier 2007, présenté pour M X, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 18 janvier 2007 ordonnant la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 février 2007, présenté par le préfet de l'Oise, par lequel ce dernier conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient, en outre, que la naissance du dernier enfant des époux X est sans influence sur les décisions attaquées, dès lors qu'elle leur est postérieure et que M. X ne justifie pas ne pas pouvoir retourner en Turquie avec toute sa famille ; que la nouvelle pièce produite aux débats se rapporte à des faits qui ont déjà été jugés non établis par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Commission des recours des réfugiés et qu'elle apparaît d'une authenticité douteuse ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mars 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant,

président-assesseur et M. Manuel Delamarre, premier conseiller :

- le rapport de M. Manuel Delamarre, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité turque, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le

25 octobre 2003, de la décision en date du 21 octobre 2003 par laquelle le préfet de l'Oise lui a refusé un titre de séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant que l'arrêté du 20 septembre 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X a été signé par Mme Isabelle Y, secrétaire générale de la préfecture de l'Oise, disposant d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté pris, le 13 juillet 2006, par le préfet de l'Oise et régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département le 17 juillet 2006 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué manque en fait ; que les modalités de signature de l'ampliation de ladite décision, au demeurant régulières, sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué ;

Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X le 20 septembre 2006 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi, il répond aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5-2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle » ; que M. X ne saurait utilement se prévaloir de ces stipulations à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière, qui ne constitue pas un acte pris dans le cadre d'une procédure pénale ;

Considérant que si M. X fait valoir que son second enfant est né depuis la notification de la décision attaquée, cet événement, postérieur à l'arrêté attaqué, est sans influence sur sa légalité ; qu'il ressort des pièces du dossier que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du caractère récent et irrégulier de l'entrée en France de l'intéressé, dont l'épouse est elle-même sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière, et qui n'établit pas être dans l'impossibilité d'emmener avec lui ses enfants, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, que la bonne intégration de M. X à la communauté nationale et son « comportement loyal et louable » ne sont pas de nature à établir qu'en décidant sa reconduite à la frontière, le préfet de l'Oise aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que M. X, dont les demandes d'admission au statut de réfugié ont d'ailleurs été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date des 17 février 2003 et 5 août 2004, respectivement confirmées par la Commission des recours des réfugiés le 8 octobre 2003 et le 11 avril 2005, fait valoir qu'il serait exposé à des risques en cas de retour en Turquie en raison d'un mandat d'arrêt lancé contre lui et daté du 18 décembre 2006 ; que, toutefois, cette dernière pièce, relative à la période comprenant l'année 1999 et les années antérieures, pour laquelle toutes les pièces précédemment produites par le requérant devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et devant la Commission des recours des réfugiés n'ont pas été jugées authentiques, vise des faits de complicité avec le PKK, alors même que le requérant n'a jamais évoqué une quelconque proximité avec cette organisation ; que cette seule pièce, qui ne présente pas, ainsi, toutes les garanties d'authenticité, ne suffit pas à établir que M. X serait personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du

20 septembre 2006 par lequel le préfet de l'Oise a ordonné sa reconduite à la frontière à destination du pays dont il a la nationalité ; qu'il suit de là que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Aga X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Aga X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Copie sera transmise au préfet de l'Oise.

N°06DA01470 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01470
Date de la décision : 27/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Manuel Delamarre
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : ROBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-03-27;06da01470 ?
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