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24/05/2007 | FRANCE | N°06DA01009

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 24 mai 2007, 06DA01009


Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société ETO, SA, dont le siège est situé RN 15 à Yvetot (76190), par la Selarl JP Marcille ; la société ETO demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0402020, en date du 23 mai 2006, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du

9 juillet 2004, par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de la Seine-Maritime a autorisé les sociétés Alize Aménag

ement et Bricopoint à créer un magasin à l'enseigne « Mr Bricolage » d'une surfac...

Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société ETO, SA, dont le siège est situé RN 15 à Yvetot (76190), par la Selarl JP Marcille ; la société ETO demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0402020, en date du 23 mai 2006, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision, en date du

9 juillet 2004, par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de la Seine-Maritime a autorisé les sociétés Alize Aménagement et Bricopoint à créer un magasin à l'enseigne « Mr Bricolage » d'une surface de vente globale de 3 500 m² à Yvetot ainsi que ses conclusions présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler la décision attaquée ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Alize Aménagement et Bricopoint la somme de

5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'il y aura lieu de confirmer le jugement en tant, d'une part, qu'il n'a pas retenu l'irrecevabilité de sa demande faute de saisine préalable de la commission nationale d'équipement commercial et en tant, d'autre part, qu'il a implicitement admis qu'elle avait respecté les dispositions de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme ; que la commission était irrégulièrement composée dès lors que le maire de la commune d'implantation, également conseiller général du canton, ne pouvait ni siéger, ni délibérer, ni voter ; que la circonstance que la ville d'implantation fait partie d'une communauté de communes ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 720-8 du code de commerce ; que, par ailleurs, en l'espèce, le préfet n'a pas démontré la nature et l'étendue des attributions réellement exercées par la communauté de communes de la région d'Yvetot qui auraient justifié la désignation du président de cet établissement public aux lieu et place du conseiller général ; qu'en outre, la nomination du président de cet établissement se heurtait en l'espèce à un second cumul de fonctions, entachant la décision d'irrégularité dans la mesure où il s'agit de la même personne que le maire d'Yvetot ; que cette circonstance entache d'irrégularité la présence de la représentante du président de l'établissement public à la réunion de la commission ; que le dossier de demande d'autorisation d'exploiter n'était pas incomplet ; que les sociétés pétitionnaires n'ont pas tenu compte de la totalité des concurrents évoluant dans le même secteur d'activité et zone de chalandise pour apprécier l'impact du projet ; que la décision n'est pas motivée ; que la décision ne se livre pas à une appréciation des critères exigés au regard notamment de l'impact du projet sur le libre jeu de la concurrence ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2006, présenté pour la société Bricopoint et la société Alize dont le siège est respectivement situé 21, rue Cornet à Yvetot (76190) et 39, rue des Granges Galand à Saint-Avertin (37550), par la SCP Lesage Orain Page Varin Camus ; elles demandent à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la société ETO la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tout en confirmant la somme de 1 000 euros retenue en première instance ; elles soutiennent que la requête de la société ETO qui n'est que la reprise à l'identique de ses mémoires de première instance et qui ne comporte pas de critique du jugement, n'est pas motivée et est irrecevable ; que la commission n'était pas irrégulièrement composée ; que ce n'est pas le conseiller général du canton qui devait siéger mais le président de la communauté de communes dont la commune d'Yvetot est membre ; qu'au regard de l'article L. 720-8 II, devenu l'article L. 751-2 II du code de commerce, ce n'est que dans la seule hypothèse où la commune d'implantation ne dépend pas d'un établissement public de coopération intercommunal que le conseiller général du canton d'arrondissement est membre de la commission ; qu'en revanche, lorsqu'un tel établissement existe, son président est obligatoirement membre de la commission ; qu'il ressort clairement des statuts de la communauté de communes qu'elle exerce les attributions en matière d'aménagement de l'espace et de développement ; que le président de la communauté de communes, M. Z, a été représenté non par Mme X mais par M. Y ; que l'autorisation d'équipement commercial était suffisamment motivée ; que le dossier n'était pas incomplet ; que l'attestation de l'Organic n'avait pas à figurer au dossier s'agissant de la création d'un magasin de bricolage ; qu'en tout état de cause, une telle omission serait restée sans influence sur la légalité de la décision ; que la société ETO ne démontre nullement les incidences des omissions, à les supposer établies, sur la validité de la décision ; que la prise en compte de l'autorisation délivrée le 24 juin 2004 en faveur de la création d'un magasin spécialisé dans le bricolage sous l'enseigne Chrétien pour une surface de vente de 1 784 m² n'était pas matériellement possible le jour où la commission départementale a statué le 9 juillet ; qu'en outre, cette surface supplémentaire est très largement neutralisée par la suppression du magasin

« Mr Bricolage » exploité au centre ville d'Yvetot ; que l'absence de prise en cause de cette nouvelle enseigne est donc restée sans incidence sur le calcul de la densité de la zone de chalandise ; qu'en outre, ce dépassement des densités de référence n'affecte en rien la légitimité du projet autorisé qui induit de nombreux effets positifs, notamment en ce qui concerne la limitation de l'évasion commerciale ; que le projet aura également pour conséquence de moderniser l'appareil commercial, participera au confort d'achat de la clientèle et créera des emplois ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 12 février 2007, présenté pour la société ETO qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et, en outre, par les moyens que sa requête était motivée à l'encontre du jugement d'appel ; que la demande d'autorisation était entachée d'inexactitude concernant la délimitation de la zone de chalandise ; qu'en effet, les points de vente sur la commune de Barentin ont été écartés de l'étude d'impact alors qu'ils se trouvent dans la zone de chalandise du projet ; que, par suite, la densité commerciale a été sous-estimée ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 mars 2007, présenté pour la société Bricopoint et la société Alize aménagement qui concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire par les mêmes moyens et, en outre, par le moyen que le mémoire en réplique, introduit postérieurement à l'expiration du délai de recours, ne peut régulariser le défaut de motivation de la requête ; que l'appelante ne démontre pas que la commune de Barentin aurait dû être incluse dans la zone de chalandise en cause alors que cette commune est localisée dans la zone d'attraction de très nombreux commerces de l'agglomération rouennaise laquelle constitue une véritable barrière concurrentielle ; qu'au surplus, la commission départementale a disposé de l'ensemble des éléments d'information, notamment en ce qui concerne le commerce de bricolage à Barentin, pour prendre sa décision ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 19 avril 2007, présenté pour la société ETO qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 avril 2007, présenté pour la société Bricopoint et la société Alize aménagement qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, notamment son article 1er ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2007 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

M. Alain Stéphan, premier conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- les observations de Me Maretheu, pour la société ETO, de Me Le Cocq, pour les sociétés Alize Aménagement et Bricopoint ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

Considérant que la requête d'appel qui ne constitue pas la reproduction littérale d'un mémoire de première instance mais analyse le jugement du tribunal administratif et énonce également de nouveau de manière précise les critiques adressées à la décision dont l'annulation a été demandée au tribunal administratif, répond aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 720-3 du code de commerce, la commission départementale d'équipement commercial statue sur les demandes d'autorisation qui lui sont soumises suivant les principes définis à l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973, en prenant notamment en considération « l'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal » de la zone de chalandise concernée ; qu'aux termes de l'article 18-1 du décret du 9 mars 1993 définissant le contenu de la demande d'autorisation de création et d'extension d'équipement commercial : « Pour les projets de magasins de commerce de détail, la demande (…) est accompagnée : (...) b) Des renseignements suivants : 1° Délimitation de la zone de chalandise du projet et mention de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements généraux ; 2° Marché théorique de la zone de chalandise ; 3° Equipement commercial et artisanal de la zone de chalandise, y compris les marchés accueillant des commerçants non sédentaires ; 4° Equipements commerciaux exerçant une attraction sur la zone de chalandise ; (…) » ;

Considérant que, pour l'application des dispositions ci-dessus rappelées, la zone de chalandise de l'équipement commercial faisant l'objet d'une demande d'autorisation, qui correspond à la zone d'attraction que cet équipement est susceptible d'exercer sur la clientèle, est délimitée en tenant compte des conditions de desserte du site d'implantation du projet et des temps de déplacement nécessaires pour y accéder ; que l'inventaire des équipements commerciaux de la zone de chalandise ainsi délimitée est ensuite effectué en retenant l'ensemble de ceux qui relèvent du même secteur d'activité que celui du projet, y compris ceux qui sont exploités sous la même enseigne que celle sous laquelle le projet, objet de la demande d'autorisation, a été présenté ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande d'autorisation d'équipement commercial relative à la création d'un magasin d'une surface de vente de 3 500 m² à l'enseigne « Mr Bricolage » sur le site de l'hypermarché « E. Leclerc » à Yvetot, les sociétés Alize aménagement et Bricopoint ont délimité une zone de chalandise comportant 63 656 habitants, principalement déterminée à partir du relevé des zones isochrones, d'une analyse de la concurrence au regard de la répartition des pôles commerciaux existants et de données commerciales ; que les deux zones de chalandise retenues comprennent des communes situées jusqu'à 20 minutes et

25 kilomètres mais excluent, sans justification particulière, d'autres communes plus proches et notamment la commune de Barentin, située, selon l'étude d'impact, à 18 kilomètres et 13 minutes du lieu d'implantation du projet, commune où se trouve notamment un hypermarché de bricolage à l'enseigne « Castorama » ; que si la commune de Barentin se trouve également à proximité de Rouen qui constitue un pôle commercial prédominant dans la région, cette circonstance ne suffisait pas à exclure cette commune de la zone de chalandise en cause ;

Considérant que les inexactitudes entachant ainsi, au regard des règles rappelées ci-dessus, la délimitation de la zone de chalandise du projet dans le dossier produit par le demandeur, qui n'ont pas été rectifiées au cours de l'instruction, ont conduit la commission départementale d'équipement commercial à se prononcer sur la demande d'autorisation dont elle était saisie en fonction de données qui ne l'ont pas mise à même d'apprécier l'impact prévisible du projet au regard des critères prévus par l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et les articles L. 720-1 et L. 720-3 du code de commerce ; que, par suite, la décision attaquée est entachée d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société ETO est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société Alize aménagement et de la société Bricopoint le paiement à la société ETO de la somme de 2 000 euros au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, doivent être rejetées les conclusions présentées sur le même fondement par la société Alize aménagement et la société Bricopoint ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0402020 du 23 mai 2006 du Tribunal administratif de Rouen et la décision de la commission départementale d'équipement commerciale de la Seine-Maritime en date du 9 juillet 2004 relative à la création d'une enseigne « Mr Bricolage » à Yvetot, sont annulés.

Article 2 : La société Alize aménagement et la société Bricopoint verseront à la société ETO la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Alize aménagement et la société Bricopoint en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société ETO, à la SARL Alize aménagement, à la SARL Bricopoint et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Copie sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

2

N°06DA01009


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06DA01009
Date de la décision : 24/05/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL J.P. MARCILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-05-24;06da01009 ?
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