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24/10/2007 | FRANCE | N°06DA00594

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 24 octobre 2007, 06DA00594


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 5 mai 2006 et régularisée par la production de l'original le 10 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme à responsabilité limitée ALMAS, représentée par Me Catherine Vincent, mandataire liquidateur, demeurant 20 rue Casimir Périer au Havre (76600), par Me Cherfils ; la société ALMAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0102928 du 28 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits su

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 5 mai 2006 et régularisée par la production de l'original le 10 mai 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société anonyme à responsabilité limitée ALMAS, représentée par Me Catherine Vincent, mandataire liquidateur, demeurant 20 rue Casimir Périer au Havre (76600), par Me Cherfils ; la société ALMAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0102928 du 28 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 1995 au 30 juin 1999 et des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge de la somme de 18 940 440 francs (2 887 451,46 euros) ;


Elle soutient que ledit jugement est entaché d'une erreur sur la charge de la preuve de la bonne foi ; que l'article 272-2 du code général des impôts est contraire aux règles régissant le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont, telles qu'elles ont été interprétées dans l'affaire Optigen par la décision de la Cour de justice des communautés européennes du 12 janvier 2006 ; que le rappel équivaut à une sanction, contraire au principe communautaire de neutralité de ladite taxe ; qu'elle a fourni de réelles prestations d'entremise à ses clients ; qu'elle ignorait l'existence d'une fraude à ladite taxe ; que l'amende prévue à l'alinéa 2 de l'article 1740 ter du code général des impôts n'est pas justifiée ;
Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête ; à cette fin, il fait valoir que la Cour de justice des communautés européennes n'autorise pas la déduction de taxe sur la valeur ajoutée pour des fournitures fictives ; que les opérations d'achats et de ventes en gros de la requérante sont fictives ; que les mouvements financiers générés par ces opérations n'étaient pas conformes aux usages du commerce international ; que les justificatifs des livraisons à l'exportation étaient soit inexistants, soit faux ; que les fournisseurs de la requérante lui refacturaient des marchandises fictives ; qu'aucun élément du dossier ne démontre la réalité des mouvements de marchandises facturées aux clients de la société requérante ; qu'elle ne pouvait ignorer le caractère frauduleux de ces opérations ; que l'amende contestée est justifiée par la délivrance de factures ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de services réelles ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 février 2007, présenté pour la société ALMAS qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre qu'elle réglait ses transactions selon des modalités en usage dans le négoce international ; que le caractère fictif ou défaillant de douze de ses clients étrangers n'établit pas le caractère fictif de ses livraisons ; que ses fournisseurs en France avaient une activité commerciale réelle ; qu'en ce qui concerne le négoce en France, l'administration n'établit ni l'absence d'activité réelle de ses fournisseurs ni l'absence de livraison à ces clients ; que le rappel de taxe est fondé sur une extrapolation ; qu'en application de la jurisprudence communautaire, elle ne peut être regardée comme complice ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui conclut au rejet de la requête par les mêmes moyens que ceux déjà précédemment exposés ; en outre, il fait valoir que les intérêts de retard ont fait l'objet d'une remise ;

Vu le nouveau mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 9 octobre 2007, présenté pour la société ALAMAS ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,




Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 octobre 2007 à laquelle siégeaient M. Jean-Claude Stortz, président de chambre, M. Alain Dupouy, président-assesseur et M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller :

- le rapport de M. Jean-Eric Soyez, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pierre Le Garzic, commissaire du gouvernement ;




Considérant que la société ALMAS, qui avait pour objet l'avitaillement des navires et le négoce de produits alimentaires et industriels, a été assujettie à des compléments de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er avril 1995 au 30 juin 1999 en conséquence du refus de l'administration d'admettre la déduction ou l'exonération de la taxe ayant figuré sur des factures d'achat d'un montant de 24 100 220 francs hors taxes, se rapportant à des opérations en France ou à des livraisons intracommunautaires, au motif qu'il s'agissait de factures fictives émanant d'un réseau d'établissement de fausses factures ;


Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes du 1. du I. de l'article 271 du code général des impôts : « La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération » ; qu'aux termes du 1° du I de l'article 262 ter du même code, sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée : « Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre État membre de la communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (…) » ; qu'aux termes du 4 de l'article 283 de ce code : « Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée » ; et qu'aux termes du 2 de l'article 272 de ce code : « La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture » ;

Considérant qu'en application des dispositions précitées du code général des impôts, lorsqu'un contribuable excipe de factures dont l'auteur est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présente comme assujetti sans que la mention de la taxe sur la valeur ajoutée soit manifestement abusive, il incombe à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'apporter la preuve de l'inexistence des biens ou prestations facturées ; que, toutefois, lorsque la facture a été établie par des sociétés n'ayant pas d'activité réelle ou par un réseau d'établissement de fausses factures, il est loisible à l'administration de demander au contribuable des informations de nature à justifier de la contrepartie de cette facture, tels que des bons de transport et de livraison des marchandises, l'indication des lieux de stockage ; qu'à défaut de réponse probante, l'administration est réputée apporter la preuve du caractère fictif de la facture ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société ALMAS a présenté au vérificateur des factures dont les auteurs étaient régulièrement inscrits au registre du commerce et des sociétés et se présentaient comme assujettis ; que, dans ces conditions, la charge de la preuve du caractère fictif de ces factures incombe, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, à l'administration ;

Considérant que, d'une part, en ce qui concerne ses opérations en France, la société ALMAS, tout en ne contestant pas l'existence d'un réseau d'établissement de factures fictives, soutient, sans apporter des éléments probants, avoir réellement livré des marchandises à des entreprises dont l'activité ne peut être mise en doute ; que, toutefois, l'administration fait valoir sans être contredite que les fournisseurs allégués de ces marchandises sont les sociétés Comptoirs Européens Négoce, West Négoce et Cofradi, qui n'ont pas d'activité économique réelle ; que, d'autre part, en ce qui concerne les opérations intracommunautaires alléguées par la requérante, l'administration établit que certaines des marchandises mentionnées sur les factures proviennent de sociétés sans activité réelle, et que certaines des livraisons ont eu pour destinataires présumés des personnes également dépourvues d'activité ; qu'à supposer même que ces constatations ne concernent qu'une fraction des opérations litigieuses au cours de la période contrôlée, les justificatifs d'expédition des marchandises facturées par la société, soit font défaut, soit sont erronés ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve du caractère fictif de ces factures ;

Considérant que, dès lors, c'est par une exacte application des dispositions précitées de la loi fiscale que l'administration a refusé la déduction des droits de la taxe litigieuse ayant grevé les factures afférentes aux opérations en France de la société ALMAS et l'exonération de ladite taxe des factures relatives à ses opérations intracommunautaires, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'eu égard à la qualité de courtier dont elle se prévaut, la société ALMAS n'aurait pu avoir connaissance du caractère fictif de ces factures ;

Considérant que ces dispositions de la loi fiscale sur lesquelles est fondé le redressement dont s'agit, ne contreviennent pas au principe de neutralité fixé par la sixième directive d'harmonisation communautaire des taxes sur le chiffre d'affaires, tel qu'il a été interprété par la décision de la Cour de justice des communautés européennes du 12 janvier 2006
(affaires 354 - 03/355 - 03/ 484 - 03 Optigen ), qui s'oppose seulement à ce que, dès lors qu'un contribuable a reçu réellement un service ou une marchandise, et que lui-même se livre à une opération assujettie à ladite taxe, son droit à déduction de la taxe figurant sur la facture de ce service ou de cette marchandise, soit affecté par l'existence d'une fraude commise à son insu au cours d'une opération antérieure ou postérieure ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompatibilité de ces dispositions de la loi fiscale avec le droit communautaire, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, enfin que, pour combattre les rappels de droits de taxe litigieux, qui ne constituent pas une sanction mais se limitent à tirer les conséquences de l'absence de livraison de marchandise, la société ALMAS ne saurait utilement soutenir que les opérations en cause n'ont eu ni pour objet ni pour effet un avantage fiscal à son profit ;



Sur l'amende prévue au deuxième alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 1740 ter du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : « Lorsqu'il est établi qu'une personne a délivré une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 pour cent du montant de la facture » ;

Considérant que l'administration démontre que la société ALMAS ne pouvait ignorer, à quelque titre qu'elle intervînt dans les transactions litigieuses, leur caractère fictif, eu égard aux montants facturés entre août 1998 et janvier 1999 ; que c'est, dès lors, par une exacte application des dispositions précitées de l'article 1740 ter, que l'administration a infligé à la société ALMAS l'amende prévue par ces dispositions ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ALMAS n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 1995 au 30 juin 1999, ainsi que de l'amende y afférente ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société ALMAS est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme à responsabilité limitée ALMAS et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°06DA00594


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 06DA00594
Date de la décision : 24/10/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Stortz
Rapporteur ?: M. Jean-Eric Soyez
Rapporteur public ?: M. Le Garzic
Avocat(s) : SELARL CHERFILS-MAUREL-PELTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-10-24;06da00594 ?
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