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15/11/2007 | FRANCE | N°07DA01251

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 15 novembre 2007, 07DA01251


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
6 août 2007, présentée pour M. Khaled X, demeurant ..., par Me Benmouffok ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704568, en date du 17 juillet 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 juillet 2007 du préfet du Nord décidant sa reconduite à la frontière et de la désignation du pays de destination de cette mesure et à ce qu'il so

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le
6 août 2007, présentée pour M. Khaled X, demeurant ..., par Me Benmouffok ; M. X demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704568, en date du 17 juillet 2007, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 12 juillet 2007 du préfet du Nord décidant sa reconduite à la frontière et de la désignation du pays de destination de cette mesure et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ledit arrêté de reconduite à la frontière ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;


M. X soutient que l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ; qu'au fond, ce même arrêté est fondé sur le 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui vise le cas des étrangers qui sont arrivés en France sans être en mesure de justifier d'une entrée régulière, à moins qu'ils n'aient été en possession d'un titre de séjour en cours de validité ; que, toutefois, l'exposant établit, en l'espèce, par la production d'une copie de son passeport, être entré régulièrement en France sous couvert d'un visa Schengen de dix jours délivré le 27 mars 2006 et avoir ainsi satisfait aux conditions d'entrée sur le territoire national prévues à l'article L. 211-1 du même code ; que le préfet n'a donc pu, sans erreur de droit, fonder son arrêté de reconduite à la frontière sur ces dispositions ; que l'exposant est marié depuis le 16 décembre 2006 à une ressortissante française qu'il avait rencontrée dans son pays d'origine et qu'il a rejoint en France ; que les époux vivent ensemble depuis l'arrivée de l'exposant sur le territoire national, ayant loué en commun un appartement dans lequel ils ont fixé leur domicile ; que cette vie commune est établie par les déclarations de l'épouse de l'exposant aux enquêteurs des services de police et par la signature conjointe par les deux époux le 25 janvier 2007 du bail de location de leur logement ; que l'exposant a engagé des démarches en vue d'obtenir la régularisation de sa situation administrative ; qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche, son épouse percevant actuellement l'allocation d'aide au retour à l'emploi ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'arrêté préfectoral attaqué a porté au droit de l'exposant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 13 août 2007, par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 29 septembre 2007 ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que le préfet du Nord a régulièrement reçu notification de la requête susvisée mais n'a pas produit de mémoire ;

Vu la lettre en date du 1er octobre 2007 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 30 mai 2007 prise en vertu de l'article
R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 octobre 2007 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- les observations de Me Kieken, substituant Me Benmouffok, pour M. X ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;


Considérant que, par arrêté en date du 12 juillet 2007, le préfet du Nord a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant tunisien, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui visent le cas des étrangers qui sont arrivés en France sans être en mesure de justifier d'une entrée régulière, à moins qu'ils n'aient été en possession d'un titre de séjour en cours de validité ; que M. X forme appel du jugement en date du 17 juillet 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté et demande son annulation pour excès de pouvoir ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué a été signé par Mme Nicole Y, attachée, chef du bureau de la citoyenneté à la préfecture du Nord, qui bénéficiait, en cas d'absence ou d'empêchement de M. Michel Z, directeur de la réglementation et des libertés publiques, d'une délégation de signature à l'effet de signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière, laquelle délégation lui avait été donnée par un arrêté du préfet du Nord, en date du 28 août 2006, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (…) II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré » ;

Considérant qu'il ressort des éléments versés au dossier d'appel que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué, M. X est entré en Allemagne le 29 mars 2006, muni d'un passeport en cours de validité et revêtu d'un visa « Etats Schengen » d'une durée de validité de dix jours, qui lui avait été délivré le 27 mars 2006, et a rejoint la France, selon ses propres déclarations à l'administration, au début du mois d'avril 2006 ; qu'ainsi, il justifie être entré régulièrement en France ; que, par suite, la décision de reconduire l'intéressé à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait du être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité du séjour de
M. X, est susceptible de trouver son fondement légal dans les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors, en premier lieu, que, s'étant maintenu sur le territoire français après l'expiration de la durée de validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour, M. X se trouvait dans la situation où, en application du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait décider qu'il serait reconduit à la frontière, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. X, qui est entré en France ainsi qu'il vient d'être dit au cours du mois d'avril 2006, fait valoir qu'il a épousé une ressortissante française le16 décembre 2006, avec laquelle une communauté de vie effective se serait instaurée, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que cette union revêtait, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, un caractère récent puisque ne datant que de moins de sept mois ; que le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait vécu antérieurement, comme il l'allègue, avec sa future épouse, celle-ci ayant d'ailleurs déclaré aux services de police ne s'être installée avec l'intéressé qu'après leur mariage ; que, dans ces conditions et eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour de M. X en France et à la faculté qui lui est ouverte de solliciter un visa en sa qualité de conjoint de ressortissante française, l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressé, nonobstant les circonstances qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche et qu'il est associé dans une société commerciale, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, dès lors, les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte présentées par le requérant doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Khaled X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

N°07DA01251 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA01251
Date de la décision : 15/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : BENMOUFFOK CHERIFA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-11-15;07da01251 ?
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