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05/02/2008 | FRANCE | N°07DA00951

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 05 février 2008, 07DA00951


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

25 juin 2007, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0700542 en date du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen, d'une part, a annulé sa décision du 7 février 2007 refusant d'admettre

M. Wahidellah X au séjour et prononçant à l'égard de ce dernier une mesure d'obligation de quitter le territoire français désignant l'Afghanistan comme pays de renvoi et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la sit

uation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la date de notification...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le

25 juin 2007, présentée par le PREFET DE L'EURE ; le préfet demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0700542 en date du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Rouen, d'une part, a annulé sa décision du 7 février 2007 refusant d'admettre

M. Wahidellah X au séjour et prononçant à l'égard de ce dernier une mesure d'obligation de quitter le territoire français désignant l'Afghanistan comme pays de renvoi et, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai d'un mois à compter de la date de notification dudit jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Il soutient que, contrairement à ce qu'a estimé à tort le tribunal administratif, la décision attaquée, en tant qu'elle refuse l'admission de M. X au séjour, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde ledit refus et s'avère, par suite, suffisamment motivée au regard des exigences posées par les articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979, modifiée ; que cette motivation, qui fait mention de la situation administrative, personnelle et familiale de M. X, révèle, en particulier, que l'autorité préfectorale a examiné si la situation de l'intéressé lui permettait de prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur l'un des fondements prévus par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et si cette situation justifiait une admission exceptionnelle au séjour à titre humanitaire ; que les moyens présentés par M. X au soutien de sa demande de première instance ne pourront qu'être écartés ; qu'en particulier, le refus de séjour attaqué, dont les motifs révèlent que la situation de l'intéressé a notamment été examinée dans le cadre du pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel, n'est entaché d'aucune erreur de droit ; que ce refus n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de M. X ; que ce même refus ne méconnaît pas, par ailleurs, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. X a lui-même indiqué que son épouse et son enfant demeuraient dans son pays d'origine, aucune preuve d'une éventuelle fuite de ceux-ci dans un autre pays n'ayant été apportée ; qu'enfin, dès lors que M. X n'a produit aucun élément nouveau par rapport à ceux examinés par la Commission des recours des réfugiés concernant les menaces qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance, par la désignation de l'Afghanistan comme pays de destination de la mesure d'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'égard de M. X, des stipulations de l'article 3 de la même convention doit être écarté ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 12 juillet 2007 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai a fixé la clôture de l'instruction au 6 septembre 2007 ;

Vu le mémoire en défense, parvenu par télécopie le 6 septembre 2007 et confirmé par courrier original le 7 septembre 2007, présenté pour M. Wahidellah X, demeurant au Centre d'accueil de demandeurs d'asile SONACOTRA, ..., par la SELARL Eden Avocats ; M. X conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision du PREFET DE L'EURE, en date du 7 février 2007, refusant de l'admettre au séjour et prononçant à son égard une mesure d'obligation de quitter le territoire français désignant l'Afghanistan comme pays de renvoi, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, modifiée ; il soutient que le tribunal administratif a annulé à bon droit la décision attaquée en raison de l'insuffisante motivation du refus de séjour ; qu'en effet, les motifs de cette décision ne comportent pas la mention du fondement juridique précis sur lequel le refus de séjour est fondé, ni l'énoncé d'aucune précision factuelle qui aurait pu justifier ce refus ; que la simple mention selon laquelle « l'intéressé n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour » ne saurait constituer une motivation suffisante, alors que le cas d'attribution examiné en premier lieu par le préfet n'est pas mentionné ; qu'alors que sa demande reposait en droit sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les termes de celle-ci étant sans ambiguïté à cet égard, il ressort des motifs de la décision attaquée que le préfet n'a pas statué sur ce fondement et a ainsi entaché le refus de séjour attaqué d'erreur de droit ; que l'ancienneté de son séjour en France, sa capacité d'insertion au sein de la société française, ainsi qu'en témoignent la maîtrise de la langue française qu'il a acquise depuis son arrivée et sa participation à la vie associative locale, le contraste existant entre sa nouvelle vie et l'ancienne et la situation actuelle d'insécurité prévalant en Afghanistan, dans lequel il établit encourir personnellement des risques en cas de retour, devaient conduire l'autorité préfectorale à accéder à sa demande de régularisation ; que, dans ces conditions, le refus de séjour attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son égard par la décision attaquée s'avère illégale dès lors qu'elle repose sur un refus de séjour lui-même illégal ; qu'il apporte des éléments de preuve nouveaux, qui n'ont pu être examinés par la Commission des recours des réfugiés, qui établissent la réalité des persécutions subies avant son départ d'Afghanistan ; que, depuis lors, la situation d'insécurité prévalant dans ce pays s'est, au surplus, notablement aggravée ; que les juridictions administratives compétentes ont pris en considération cette évolution pour prendre des décisions favorables à l'égard de compatriotes ; que s'il a, en l'espèce, quitté l'Afghanistan en 1998, il y a gardé de solides inimitiés en raison de sa proximité successive avec les différentes factions en présence, de sorte qu'il ne pourrait retourner sans danger dans ce pays ; que la demande de réexamen de sa situation au regard du droit d'asile n'a été rejetée que parce qu'elle reposait, pour une grande partie, sur des éléments de preuve irrecevables comme se rapportant à des faits déjà examinés, sans qu'aucune analyse de la crédibilité des éléments avancés n'ait été effectuée ; que, dès lors, en tant qu'elle désigne l'Afghanistan comme pays de renvoi, la décision attaquée a été prise en méconnaissance tant des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette désignation du pays de destination de la mesure d'éloignement prononcée à son égard méconnaît, enfin, les stipulations de l'article 8 de la même convention dès lors qu'il est établi qu'il n'a plus aucune attache dans son pays d'origine, sa famille ayant fui l'Afghanistan et s'étant réfugiée, ainsi qu'il l'avait d'ailleurs indiqué à l'administration, en Iran ;

Vu l'ordonnance en date du 10 septembre 2007 par laquelle le président par intérim de la Cour administrative d'appel de Douai a décidé la réouverture de l'instruction ;

Vu la décision en date du 11 septembre 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant à M. X l'aide juridictionnelle totale pour la présente procédure ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique, et notamment son article 37 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2008 à laquelle siégeaient M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et

M. Patrick Minne, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) » ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. » ;

Considérant que le PREFET DE L'EURE soutient que le tribunal administratif a fait une application erronée des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 en estimant que la décision du 7 février 2007 refusant un titre de séjour à M. X assortie d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français et désignant l'Afghanistan comme pays de renvoi était insuffisamment motivée ; que, toutefois, si l'arrêté préfectoral attaqué reprend, sans dénaturer la demande de titre formée par l'intéressé, que celui-ci a sollicité le 1er février 2007 son admission exceptionnelle au séjour afin de pouvoir rester en France et y travailler, le même arrêté, sans mentionner les considérations de droit et de fait qui ont conduit au rejet de cette demande, se borne à énoncer que M. X n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que ni l'analyse de la situation familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni la mention selon laquelle l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines et traitements contraires à l'article 3 de la même convention, ni même le rappel des demandes d'asile présentées par lui ne sont de nature à suppléer à l'absence de motivation du refus de la demande de titre présentée au préfet, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'EURE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a prononcé l'annulation de la décision susmentionnée du 7 février 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mette à la charge de l'Etat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique, la somme de 800 euros demandée par le conseil de M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE L'EURE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SELARL Eden Avocats - Madeline, Rouly, Falacho - la somme de 800 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement et à M. Wahidellah X.

Copie sera adressée au PREFET DE L'EURE.

N°07DA00951 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07DA00951
Date de la décision : 05/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Mendras
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-02-05;07da00951 ?
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