La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2008 | FRANCE | N°07DA01574

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 13 février 2008, 07DA01574


Vu la requête, parvenue par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 15 octobre 2007 et confirmée par courrier original le 17 octobre 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702349, en date du 10 septembre 2007, du vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé, à la demande de M. Mokrane X, la décision en date du 7 septembre 2007 désignant l'Algérie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la

frontière prononcée le même jour à l'égard de l'intéressé ;

2°) de reje...

Vu la requête, parvenue par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 15 octobre 2007 et confirmée par courrier original le 17 octobre 2007, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le préfet demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702349, en date du 10 septembre 2007, du vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé, à la demande de M. Mokrane X, la décision en date du 7 septembre 2007 désignant l'Algérie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée le même jour à l'égard de l'intéressé ;

2°) de rejeter les conclusions dirigées contre ladite décision présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen ;

Le PREFET DE LA SEINE-MARITIME soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'égard de M. X a été regardé à tort comme comportant une décision désignant le pays de destination de cette mesure ; que, par ailleurs, la décision en litige, à la supposer existante, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, si M. X exerçait la profession d'agent de sécurité au sein d'un établissement public employant des explosifs et des produits chimiques et sujet, de ce fait, à des attaques terroristes régulières, ces dernières ne peuvent être regardées comme visant personnellement l'intéressé ; que la seule considération des fonctions exercées par un étranger dans son pays d'origine est insuffisante à permettre de démontrer la réalité et le caractère personnel des menaces alléguées ; que rien n'indique que M. X reprendrait son poste en cas de retour en Algérie ; que, par ailleurs, si M. X appartenait avant son départ au groupe d'autodéfense de son village et était, à ce titre, menacé, comme tous les autres membres, rien ne prouve que l'intéressé serait toujours menacé dans son village, dès lors, d'une part, qu'il n'est pas démontré que le groupe d'autodéfense y soit toujours actif, d'autre part, que rien n'oblige M. X à y retourner ; que toute sa famille proche réside dans ce village, sans apparemment encourir de menaces ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance, en date du 5 novembre 2007, par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au

17 décembre 2007 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2007, présenté pour M. Mokrane X, demeurant ..., par Me Mouhou ; M. X conclut au rejet de la requête ; M. X soutient qu'il établit, par les pièces versées au dossier, qu'il était un membre actif du groupe d'autodéfense de son village ; qu'il était, à ce titre, menacé par les terroristes ; que son père, également membre actif de ce groupe, a été blessé par une explosion au cours d'une action ; que l'exposant démontre avoir fait lui-même l'objet de menaces ; que la situation prévalant en Kabylie s'est notablement dégradée depuis lors ; qu'il justifie par des pièces suffisamment probantes, notamment par des témoignages circonstanciés, être toujours recherché dans son pays d'origine, dans lequel sa vie serait en danger en cas de retour ; que le préfet affirme mais n'établit pas que ces menaces auraient à présent cessé ; que le jugement attaqué doit donc être confirmé ;

Vu l'ordonnance en date du 18 décembre 2007 par laquelle le magistrat désigné par le président de la Cour administrative d'appel de Douai décide la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 8 janvier 2008, par lequel le PREFET DE LA SEINE-MARITIME conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du président de la Cour en date du 15 octobre 2007 prise en vertu de l'article

R. 222-33 du code de justice administrative, désignant M. Albert Lequien en tant que juge des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2008 :

- le rapport de M. Albert Lequien, magistrat désigné ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté en date du 7 septembre 2007, le PREFET DE LA

SEINE-MARITIME a prononcé la reconduite à la frontière de M. X, ressortissant algérien, né le 18 février 1971 et entré en France dans le courant de l'année 2001 ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME forme appel du jugement, en date du 10 septembre 2007, du vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a annulé, à la demande de M. X, la décision en date du 7 septembre 2007 désignant l'Algérie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'examen de l'arrêté de reconduite à la frontière, pris le 7 septembre 2007 à l'égard de M. X, que celui-ci précise en son article 2 que l'intéressé sera éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou d'un pays qui lui aurait délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore de tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible ; que cette mention doit être regardée, ainsi que l'a estimé à juste titre le premier juge, comme révélant l'existence d'une décision désignant notamment l'Algérie comme pays de renvoi ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'égard de M. X n'aurait pas comporté de décision désignant l'Algérie comme pays de destination de cette mesure d'éloignement ;

Considérant, en second lieu, que s'il ressort des pièces du dossier et notamment des nombreuses attestations concordantes et circonstanciées qu'il a versées au dossier que M. X était, avant son départ d'Algérie et indépendamment de son activité professionnelle d'agent de sécurité au sein d'un établissement public, un membre actif du groupe d'autodéfense de son village de Redjaouna-El-Bour, dans la commune de Tizi-Ouzou, et qu'il avait alors été l'objet, à plusieurs reprises et à titre personnel, de menaces en raison de son implication dans ce groupe, ces éléments ont trait à des faits qui sont antérieurs à l'entrée de M. X sur le territoire français dans le courant de l'année 2001 ; qu'eu égard à la période d'au moins six ans qui séparent les évènements relatés par ces documents et la date à laquelle l'arrêté de reconduite à la frontière a été pris, ceux-ci ne peuvent être regardés à eux seuls comme de nature à établir que l'intéressé, dont la demande d'asile territorial a d'ailleurs depuis été rejetée, continuait d'encourir à cette date des risques réels pour sa sécurité en cas de retour en Algérie ; que si M. X produit, en outre, pour la première fois en appel deux attestations, la première, au demeurant non datée, rédigée par le chef du détachement de la police de la commune de Tizi-Ouzou, et la seconde, établie en décembre 2007, soit à une date postérieure à celle à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, par les responsables du comité de quartier de son village, ces documents ne sauraient être regardés comme présentant un caractère suffisamment probant ; que, dans ces conditions et nonobstant la réalité de la situation générale prévalant en Algérie, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé sa décision du 7 septembre 2007 désignant l'Algérie comme pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée le même jour à l'égard de M. X ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0702349, en date du 10 septembre 2007, du vice-président désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, en tant qu'il prononce l'annulation de la décision du 7 septembre 2007 désignant le pays de destination de la mesure de reconduite à la frontière prononcée le même jour à l'égard de M. X, est annulé.

Article 2 : Les conclusions dirigées contre ladite décision présentées par M. X devant le Tribunal administratif de Rouen sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Mokrane X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Copie sera transmise au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

N°07DA01574 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07DA01574
Date de la décision : 13/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Albert Lequien
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : MOUHOU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-02-13;07da01574 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award