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17/06/2008 | FRANCE | N°06DA00881

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 5, 17 juin 2008, 06DA00881


Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée EIFFAGE TP venant aux droits de la société Fougerolle Ballot, dont le siège est 2 rue Hélène Boucher, BP 88 à Neuilly-sur-Marne Cedex (93336), la société anonyme Guintoli, dont le siège est Parc d'activité de Laurade Saint-Etienne-du-Grès, BP 22 à Tarascon Cedex (13151), la société anonyme Barriquand, dont le siège est route de Choisy-au-Bac, BP 439 à Compiègne Cedex (60204), la société anonyme Routière Morin, dont le si

ge est 2 rue Paul Braux, BP 4 à Vic-sur-Aisne (02290), la société anonyme ...

Vu la requête, enregistrée le 5 juillet 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société par actions simplifiée EIFFAGE TP venant aux droits de la société Fougerolle Ballot, dont le siège est 2 rue Hélène Boucher, BP 88 à Neuilly-sur-Marne Cedex (93336), la société anonyme Guintoli, dont le siège est Parc d'activité de Laurade Saint-Etienne-du-Grès, BP 22 à Tarascon Cedex (13151), la société anonyme Barriquand, dont le siège est route de Choisy-au-Bac, BP 439 à Compiègne Cedex (60204), la société anonyme Routière Morin, dont le siège est 2 rue Paul Braux, BP 4 à Vic-sur-Aisne (02290), la société anonyme Bâtiment Travaux Publics et Immobilier venant aux droits de la société Fournier TP, dont le siège est ZA du Bois de l'Erable à Limoges Fourches (77550), par Me Coppinger ; la société EIFFAGE TP et autres demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0202168 du 13 avril 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme totale de 11 452 295,57 euros, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, en règlement du solde du marché de travaux de réalisation de la route nationale n° 32, déviation de Compiègne, Thourotte et Ribecourt, en remboursement de pénalités de retard et en réparation des préjudices subis dans le cadre de l'exécution de ce marché de travaux, assortie des intérêts de 6,26 % à compter du 18 juillet 2000 pour la somme de 39 823,49 euros, à compter du 19 août 2000 pour la somme de 102 877,32 euros, à compter du 19 septembre 2000 pour la somme de 229 558,95 euros et à compter du 1er avril 2001 pour le solde, ces intérêts produisant eux-mêmes intérêts ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 11 452 295,56 euros, ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée y afférente, assortie des intérêts de 6,26 % à compter du 18 juillet 2000 pour la somme de 39 823,49 euros, à compter du 19 août 2000 pour la somme de 102 877,32 euros, à compter du 19 septembre 2000 pour la somme de 229 558,95 euros et à compter du 1er avril 2001 pour le solde, ces intérêts produisant eux-mêmes intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 500 000 euros hors taxes à titre de provision à valoir sur la condamnation définitive ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 100 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, le mémoire de réclamation a été signé par une personne physique qui avait qualité pour engager la société mandataire du groupement d'entreprises dès lors qu'en tout état de cause, l'absence de notification d'une délégation de pouvoir au maître de l'ouvrage, si elle est susceptible d'engager la responsabilité contractuelle de l'entreprise, est sans incidence sur la recevabilité de la réclamation ; que les contrats devant être exécutés de bonne foi, l'administration n'est pas fondée à se plaindre de ce que le mémoire de réclamation a été signé par M. X alors que la personne responsable du marché a, notamment, accepté l'établissement du décompte final par ce dernier et a répondu au mémoire ; que seule l'incompétence des signataires d'actes contractuels émanant des personnes publiques est retenue par la jurisprudence ; que si le vice de compétence était retenu, c'est toute la procédure d'établissement du décompte qui devrait être déclarée viciée ; que les autres fins de non-recevoir opposées par l'Etat en première instance doivent être écartées dès lors que le décompte général signé avec réserves et le mémoire de réclamation pouvaient être adressés au maître d'oeuvre sans avoir à préciser que la réclamation devait être transmise au maître de l'ouvrage dès lors qu'il appartient en tout état de cause au maître de l'ouvrage d'assurer cette transmission ; que la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article 50.31 du cahier des clauses administratives générales doit également être écartée dès lors qu'elle n'a pas formé au contentieux d'autres chefs de contestations que ceux contenus dans son mémoire de réclamation ; que la saisine de la juridiction administrative a eu lieu avant l'expiration du délai de prescription quadriennale auquel le groupement était soumis à l'exclusion de tout autre délai de recours ; que l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales n'interdisant pas de modifier le montant des réclamations portant sur le décompte général, l'irrecevabilité partielle de la réclamation du groupement soulevée par l'Etat n'est pas davantage fondée ; que ses lettres des 1er juillet 1998 et 17 février 2000 n'étant que des propositions et non des mémoires de réclamation, l'Etat n'est pas fondé à soutenir que, faute d'avoir contesté leur rejet, le groupement n'est plus recevable à le faire au contentieux ; que, compte-tenu de la désorganisation des services de l'Equipement, seul maître d'oeuvre des travaux, la responsabilité de l'Etat dans l'apparition des difficultés rencontrées, notamment au plan géotechnique, est de nature à justifier les surcoûts ; que ceux-ci peuvent être indemnisés sur le fondement de la théorie des sujétions imprévues ; que les demandes financières liées aux quantités fournies, en particulier en ce qui concerne les prix 104, 205, 206, 207, 208-2, 215, 216, 218, 221, 222 et 230 sont justifiées ; que les 18 chefs de préjudice détaillés doivent donner lieu à réparation intégrale, à titre principal, au titre des sujétions imprévues et, à titre subsidiaire, sur le terrain de la faute contractuelle commise par les services de l'Etat dans la conception et l'établissement du projet ou encore en ce que les surcoûts procèdent de demandes de travaux supplémentaires ou, en ce qui concerne la réduction du temps de travail, de l'imprévision ; que le retard de 194 jours ouvrés au total ayant donné lieu aux pénalités déduites au titre des mois d'avril à mai 2000 n'est pas imputable au groupement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2007, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, par Me Grange ; il conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la réduction des montants demandés et à ce que soit mise à la charge des sociétés requérantes la somme de 11 960 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que c'est à bon droit que le tribunal administratif a déclaré la demande irrecevable dès lors qu'en vertu des stipulations combinées des articles 2.21, 2.23, 13.44 et 13.45, le mémoire de réclamation, qui n'a pas été signé par une personne justifiant de sa qualité pour engager le groupement étant irrégulier, le décompte général présenté par l'Etat est devenu définitif ; que ni la société mandataire du groupement, ni les entreprises membres du même groupement n'ont jamais produit les pouvoirs du signataire de la réclamation ; que l'administration ne peut pas être regardée comme ayant renoncé au bénéfice des stipulations du cahier des clauses administratives générales ; qu'à titre subsidiaire, la demande au tribunal est également irrecevable dès lors que le mémoire de réclamation du 15 mars 2001 a été transmis au maître d'oeuvre sans précision quant à sa transmission au maître de l'ouvrage, contrairement aux prescriptions de l'art. 50.22 du cahier des clauses administratives générales ; que la demande est également partiellement irrecevable en ce qu'elle vise un montant de paiement du solde des travaux par application des prix au bordereau différent de celui mentionné par la réclamation du 15 mars 2001 ; que deux réclamations, formées le 1er juillet 1998 et le 17 février 2000, ayant été rejetées sans qu'une demande contentieuse ait suivi, les chefs de contestations afférents à ces réclamations sont irrecevables ; qu'au fond, les retards et surcoûts allégués sont imputables à des choix erronés des entreprises et non à la faute de la maîtrise d'oeuvre ; que le sous-détail des prix 104, 205, 206, 207, 208-2, 215, 216, 218, 221, 222 et 230, outre qu'il n'est pas justifié, ne correspond pas aux règles contractuellement prévues pour les définir ; que les sociétés n'établissent pas le caractère erroné des calculs de quantités retenues par le maître d'oeuvre et ce, pour chacun des détails de prix en litige ; que, s'agissant des chefs de préjudices allégués, le recours contentieux ajoute à la réclamation qui n'évoquait que des sujétions imprévues ; que, ni les conditions de la théorie des sujétions imprévues, ni la faute du cocontractant public, ni les conditions de l'imprévision, ni l'existence de demandes supplémentaires alléguées devant le juge ne sont caractérisées ; que la demande concernant les prolongations pour intempéries ne pourrait être admise, en toute hypothèse, qu'à concurrence de 16 jours ; que les pénalités sont justifiées, tant dans le décompte du retard que dans le montant appliqué ; qu'en toute hypothèse, il est demandé de limiter le retard admissible à 65 jours ; que le taux de l'intérêt moratoire n'est pas celui invoqué par le groupement ;

Vu l'ordonnance en date du 11 mars 2008 fixant la clôture d'instruction au 18 avril 2008, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 avril 2008, présenté pour la société EIFFAGE TP, la société Guintoli, la société Barriquand, la société Routière Morin et la société Bâtiment Travaux Publics et Immobilier ; elles concluent aux mêmes que leur requête, à l'exception de la demande d'allocation d'une somme de 500 000 euros demandée à titre subsidiaire et non plus à titre principal et, en outre, à titre subsidiaire également, à ce que la Cour constate que la procédure d'établissement des comptes du marché n'a pas été initiée régulièrement, par les mêmes moyens ; elles soutiennent en outre que, comme l'a jugé récemment le Conseil d'Etat au sujet de la mise en oeuvre des procédures de règlement des différends prévue par les articles 50.11 et 50.22 du cahier des clauses administratives générales, l'administration est en droit de changer de procédure et qu'en l'espèce, l'attitude de la personne publique, qui a implicitement reconnu la qualité de M. X pour établir le projet de décompte final, ne peut plus invoquer ultérieurement l'absence de qualité de ce dernier ; que si le projet de décompte final n'a pas été établi par une personne compétente, sa nullité fait obstacle à la notification du décompte général et, par suite, aucune forclusion ne peut leur être opposée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 2008 à laquelle siégeaient M. André Schilte, président de la Cour, M. Antoine Mendras, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur, M. Patrick Minne, premier conseiller et M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller ;

- les observations de Me Coppinger, pour les sociétés EIFFAGE TP et autres et de Me Austruit, pour le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Connaissance prise de la note en délibéré produite le 5 juin 2008 par Me Coppinger pour les sociétés EIFFAGE TP et autres ;

Considérant que, par acte d'engagement du 8 octobre 1997, l'Etat a confié la réalisation des travaux de doublement de la route nationale n° 32, déviation de Compiègne, Thourotte et Ribecourt, à un groupement de cinq entreprises dont la société Fougerolle-Ballot, aux droits de laquelle vient la société EIFFAGE TP, est mandataire ; que ce marché de travaux publics, décomposé en une tranche ferme et deux tranches conditionnelles, et portant sur deux lots relatifs, d'une part, aux travaux de terrassement et d'assainissement et, d'autre part, aux ouvrages d'art, a été conclu moyennant le prix de 109 032 240,36 francs toutes taxes comprises (16 621 857,89 euros) ; que les travaux, exécutés à compter du 1er mars 1998 ont donné lieu, en ce qui concerne leurs dernières tranches, à des réceptions prononcées au cours du mois de juin 2000 ; que le groupement d'entreprises a envoyé au maître d'oeuvre le 14 décembre 2000 un projet de décompte final par lequel il demandait le paiement du prix stipulé par le marché évalué à 97 146 980,15 francs (14 809 961,65 euros) et le paiement de dépenses complémentaires évaluées à la somme de 66 330 058 francs hors taxes (10 111 952,16 euros) ; qu'après que, par ordre de service du 26 janvier 2001, le maître d'oeuvre lui a notifié un décompte général qui ne prenait pas en considération ses demandes, le groupement a, par lettre du 15 mars 2001, retourné audit maître d'oeuvre ce décompte général signé avec des réserves, consignées dans un mémoire de réclamation laissé sans réponse par l'administration ; que, saisi du litige, le Tribunal administratif d'Amiens a, par le jugement attaqué, déclaré irrecevable la demande des entreprises du groupement au motif que le mémoire de réclamation avait été présenté par une personne qui ne justifiait pas de sa qualité pour engager la société Fougerolle-Ballot, mandataire du groupement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 2.21 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : Représentation de l'entrepreneur : Dès la notification du marché, l'entrepreneur désigne une personne physique qui le représente vis à vis de la personne responsable du marché et du maître d'oeuvre pour tout ce qui concerne l'exécution du marché ; cette personne, chargée de la conduite des travaux, doit avoir les pouvoirs suffisants pour prendre sans retard les décisions nécessaires. A défaut d'une telle désignation, l'entrepreneur, s'il est une personne physique, ou son représentant légal s'il est une personne morale, est réputé personnellement chargé de la conduite des travaux. ; qu'aux termes de l'article 2.23 du même cahier : L'entrepreneur est tenu de notifier immédiatement à la personne responsable du marché les modifications survenant au cours de l'exécution du marché, qui se rapportent : Aux personnes ayant le pouvoir d'engager l'entreprise ; (...) et généralement toutes les modifications importantes du fonctionnement de l'entreprise ; qu'aux termes de l'article 13.44 du même cahier : L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, avec ou sans réserves ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa. (...) ; qu'aux termes, enfin, de l'article 13.45 du même cahier : Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours fixé au 44 du même article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. ;

Considérant que le mémoire de réclamation prévu par les stipulations précitées de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux doit émaner de l'entrepreneur ; que si les stipulations précitées des articles 2.21 et 2.23 du même cahier relatives à la représentation de l'entrepreneur et à l'information de l'administration cocontractante s'étendent à tout ce qui concerne l'exécution du marché, ces stipulations ne concernent toutefois, compte-tenu de leur objet qui est de donner à la personne publique la garantie de disposer à tout moment d'un interlocuteur unique pendant la durée du chantier, que la seule réalisation technique des travaux ; que la méconnaissance des prescriptions prévues par les articles 2.21 et 2.23 est donc sans incidence sur la recevabilité du mémoire de réclamation prévu par les stipulations de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicable dès lors qu'il est établi qu'un tel mémoire émane de l'entreprise ; que les sociétés EIFFAGE TP et autres sont donc fondées à soutenir qu'en ayant estimé que le mémoire de réclamation du 15 mars 2001 n'avait pas été régulièrement présenté, faute pour l'entreprise mandataire d'avoir informé l'administration cocontractante de ce que M. Jean-Sylvain X, directeur, avait succédé à M. Y, le Tribunal administratif d'Amiens a entaché son jugement d'erreur de droit ; que cette décision doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer sur les autres fins de non-recevoir opposées par l'Etat à la demande des sociétés EIFFAGE TP, Guintoli, Barriquand, Routière Morin et Bâtiment Travaux Publics et Immobilier devant le Tribunal administratif d'Amiens ;

Considérant, en premier lieu, que les indications portées sur le mémoire du 15 mars 2001 et les pièces l'accompagnant, ne laissaient, par leur précision et leur caractère explicite, aucune ambiguïté sur l'origine et l'objet de cette réclamation ; que, par suite, l'Etat n'est pas fondé à soutenir qu'en l'absence de production des délégations de pouvoirs justifiant de la qualité pour agir de M. X, avec qui au surplus la personne publique a régulièrement correspondu pendant la durée des travaux, le mémoire de réclamation du 15 mars 2001 serait irrecevable ;

Considérant, en deuxième lieu, que le différend survenu lors de la procédure d'établissement du décompte général oppose l'entreprise au maître de l'ouvrage ; qu'ainsi, le mémoire de réclamation mentionné à l'article 50.22 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux est nécessairement celui mentionné à l'article 13.44 du même cahier précité qui impose à l'entreprise d'adresser son mémoire de réclamation au maître d'oeuvre aux fins de transmission au maître de l'ouvrage ; que les stipulations de l'article 50.22 n'ont pas pour objet, dans le cadre de l'établissement de ce décompte général, d'imposer à l'entrepreneur, qui a déjà adressé un mémoire de réclamation au maître d'oeuvre en application des stipulations précitées de l'article 13.44, ce maître d'oeuvre étant réputé l'avoir transmis au maître de l'ouvrage, d'adresser un nouveau mémoire de réclamation directement à la personne responsable du marché ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée à la demande au tribunal administratif tirée de ce que le mémoire de réclamation du 15 mars 2001 accompagnant le décompte général signé avec réserves a été adressé au maître d'oeuvre et non pas au maître de l'ouvrage directement en méconnaissance de l'article 50.22 cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux ne peut être accueillie ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en application des stipulations de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, la portée financière du litige soumis au tribunal administratif est déterminée par les montants repris dans le mémoire de réclamation ; que, par suite, l'Etat ne peut utilement se prévaloir de ce que, par la lettre du 14 septembre 2000 accompagnant son projet de décompte final, la société Fougerolle-Ballot a demandé le règlement de la somme de 97 146 980,15 francs au titre du prix du marché, avant d'en limiter le montant à 95 907 324,38 francs dans son mémoire de réclamation du 15 mars 2001 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 50.11 du cahier des clauses administratives générales applicable au marché en cause : Si un différend survient entre le maître d'oeuvre et l'entrepreneur, sous la forme de réserves faites à un ordre de service ou sous toute autre forme, l'entrepreneur remet au maître d'oeuvre, aux fins de transmission à la personne responsable du marché, un mémoire exposant les motifs et indiquant les montants de ses réclamations. ; qu'il résulte d'une lettre du 17 février 2000 adressée à la direction départementale de l'équipement de l'Oise, que la société Fougerolle-Ballot a proposé une adaptation au programme des travaux convenu eu égard à l'apparition de difficultés techniques dans la mise en place des couches de forme ; que la proposition formulée dans ce courrier consistait à préconiser un démarrage anticipé de travaux d'arasement suivi du remplacement des limons extraits du chantier initialement utilisés par des sables ciments de provenance extérieure ; qu'alors même que la société a demandé que la fourniture et la mise en oeuvre du sable ciment soient rémunérées au prix de 233 francs par m3 et que le maître de l'ouvrage prenne à sa charge le surcoût lié aux intempéries du fait du traitement des arases en avril au lieu de mai 2000, ladite lettre du 17 février 2000 ne présentait pas la nature d'une réclamation au sens des stipulations précitées de l'article 50.11 du cahier applicable en l'espèce dès lors qu'en se bornant à formuler des propositions demandées par le maître d'oeuvre au cours de réunions de chantier, cette lettre ne fait pas suite à un différend ;

Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte d'une lettre du 1er juillet 1998 adressée à la direction départementale de l'équipement de l'Oise que la société Fougerolle-Ballot exposait avec précision la nature et l'ampleur des difficultés qu'elle rencontrait pour débuter des travaux de déblais, mentionnait avec la même précision les causes de ce retard imputé au rétablissement tardif de la route départementale n° 57 sur un ouvrage d'art et concluait à la prise en charge du retard d'exécution de cette partie du chantier à compter du 1er juillet 1998 au tarif de 99 400 francs hors taxes par jour de retard ; que si les sociétés EIFFAGE TP et autres ne contestent pas que cette lettre présentait la nature d'un mémoire rédigé à la suite d'un différend, indiquant les montants des sommes demandées et en exposant les motifs, elles soutiennent que l'absence de remise de ce courrier au maître d'oeuvre ne permet pas de le regarder comme une réclamation ; que, toutefois, si cette lettre porte l'indication à l'attention de M. Z , il est constant que la lettre a été envoyée à la direction départementale de l'équipement, maître d'oeuvre des travaux de la route nationale, et que, quelle que fut l'étendue des attributions conférées à M. Z, ce service devait transmettre avec son avis à la personne responsable du marché, la demande de l'entreprise ; qu'il est constant que l'entreprise n'a pas contesté le rejet implicite opposé par l'administration à sa réclamation ; que l'Etat est fondé à soutenir que la demande d'indemnisation du préjudice lié à l'absence de rétablissement, d'une part, de la route départementale n° 57 et, d'autre part, des chemins de la Roque et de Bienville que les sociétés requérantes ne dissocient pas de la route départementale n° 57 dans leur réclamation relative au sujet n° 9, avant le démarrage des travaux de terrassements généraux sur le territoire de la commune de Giraumont, est irrecevable ; que, par suite, la demande des sociétés EIFFAGE TP, Guintoli, Barriquand, Routière Morin et Bâtiment Travaux Publics et Immobilier présentée devant le Tribunal administratif d'Amiens tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 586 320,47 francs (89 383,98 euros) en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de rétablissement des voies susmentionnées doit être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'à l'exception du chef de préjudice relatif à l'absence de rétablissement de la route départementale n° 57 et des chemins de la Roque et de Bienville avant le démarrage des travaux de terrassements généraux sur le territoire de la commune de Giraumont (sujet n° 9), la demande présentée par les entreprises requérantes au Tribunal administratif d'Amiens est recevable ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer à ce tribunal le jugement du surplus des conclusions de la demande des sociétés EIFFAGE TP, Guintoli, Barriquand, Routière Morin et Bâtiment Travaux Publics et Immobilier ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés EIFFAGE TP, Guintoli, Barriquand, Routière Morin et Fournier TP la somme que l'Etat demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée à ce titre par ces sociétés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0202168 du 13 avril 2006 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : La demande des sociétés EIFFAGE TP, Guintoli, Barriquand, Routière Morin et Bâtiment Travaux Publics et Immobilier présentée devant le Tribunal administratif d'Amiens est rejetée en tant qu'elle tend à l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'absence de rétablissement de la route départementale n° 57 et des chemins de la Roque et de Bienville avant le démarrage des travaux de terrassements généraux sur le territoire de la commune de Giraumont (sujet n° 9).

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande des sociétés EIFFAGE TP, Guintoli, Barriquand, Routière Morin et Bâtiment Travaux Publics et Immobilier est renvoyé au Tribunal administratif d'Amiens.

Article 4 : Les conclusions de la requête des sociétés EIFFAGE TP, Guintoli, Barriquand, Routière Morin et Bâtiment Travaux Publics et Immobilier et les conclusions présentées par l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée EIFFAGE TP venant aux droits de la société Fougerolle Ballot, à la société anonyme Guintoli, à la société anonyme Barriquand, à la société anonyme Routière Morin, à la société anonyme Bâtiment Travaux Publics et Immobilier venant aux droits de la société Fournier TP et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

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N°06DA00881


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 06DA00881
Date de la décision : 17/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-0139-08-01 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. EXÉCUTION FINANCIÈRE DU CONTRAT. RÈGLEMENT DES MARCHÉS. - QUALITÉ DE L'AUTEUR DU MÉMOIRE DE RÉCLAMATION ADRESSÉ AU MAÎTRE DE L'ŒUVRE (ART. 13.44 DU CAHIER DES CLAUSES ADMINISTRATIVES GÉNÉRALES) - OBLIGATION, À PEINE D'IRRECEVABILITÉ, D'INFORMER L'ADMINISTRATION COCONTRACTANTE DU REMPLACEMENT DU REPRÉSENTANT DE L'ENTREPRISE.

z39-05-02-01z39-08-01z Bien que les stipulations des articles 2.21 et 2.23 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, relatives à la représentation de l'entrepreneur et à l'information de l'administration cocontractante, s'étendent à tout ce qui concerne l'exécution du marché, ces stipulations ne concernent toutefois, compte tenu de leur objet qui est de donner à la personne publique la garantie de disposer à tout moment d'un interlocuteur unique pendant la durée du chantier, que la seule réalisation technique des travaux. La méconnaissance de ces prescriptions est sans incidence sur la recevabilité du mémoire de réclamation prévu par les stipulations de l'article 13.44 du même cahier des clauses administratives générales qui prescrit à l'entrepreneur de renvoyer au maître d'oeuvre le décompte général, dès lors qu'il résulte de l'instruction qu'un tel mémoire émane bien de l'entreprise.


Composition du Tribunal
Président : M. Schilte
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : COPPINGER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-06-17;06da00881 ?
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