La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/12/2008 | FRANCE | N°07DA00658

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (bis), 22 décembre 2008, 07DA00658


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 avril 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par production de l'original le 30 du même mois, présentée pour la SARL « SPM », représentée par son gérant en exercice, ayant son siège social 16 rue Raoul Dufy à Montivilliers (76290), par Me Cherfils, avocate ; elle demande à la Cour :

11) de réformer le jugement n° 0201418, en date du 27 février 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des intérêts de retard dont ont été assortis

les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamé...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 avril 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par production de l'original le 30 du même mois, présentée pour la SARL « SPM », représentée par son gérant en exercice, ayant son siège social 16 rue Raoul Dufy à Montivilliers (76290), par Me Cherfils, avocate ; elle demande à la Cour :

11) de réformer le jugement n° 0201418, en date du 27 février 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des intérêts de retard dont ont été assortis les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ;

2°) de prononcer ladite décharge au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ;

Elle soutient que la différence entre le taux de l'intérêt de retard et celui de l'intérêt légal constitue une sanction qui aurait dû être motivée sur le fondement de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ; que l'intérêt de retard, du fait de son taux, ne respecte pas l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en créant une discrimination entre les contribuables ; que les intérêts de retard constituant le prix du temps, ils ne peuvent être appliqués que sur la période correspondant au préjudice subi par le Trésor, à savoir celle au cours de laquelle ce dernier n'a pas été payé ; qu'elle a fait parvenir à l'administration des tableaux faisant apparaître les mois au cours desquels est intervenu le règlement des factures dont la déduction de taxe sur la valeur ajoutée a été anticipée ; que l'administration aurait dû, en conséquence, procéder à un nouveau calcul des intérêts de retard en mettant un terme à leur exigibilité au cours du mois où la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures est devenue déductible ; que l'anticipation du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ne constitue pas une modification de l'assiette de cet impôt ; que les pénalités ne s'appliquent qu'aux « droits éludés » et non à de simples inexactitudes ; qu'en anticipant un droit à déduction, par ailleurs né durant la période vérifiée, aucune taxe sur la valeur ajoutée n'a été éludée ; qu'en effet, l'anticipation induit un décalage dans le temps qui se résorbe de lui-même contrairement à ce qui se produit en cas de déduction injustifiée d'une taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en outre, si l'anticipation du droit à déduction devait être regardée comme une insuffisance de déclaration, l'administration ne serait pas dispensée de ne calculer les intérêts de retard qu'à raison du préjudice subi par le Trésor, sauf à conférer à ces intérêts le caractère d'une sanction qui devrait, par suite, être motivée ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en réponse, enregistré le 7 septembre 2007, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui demande à la Cour de rejeter la requête ; il fait valoir que la quotité en litige est limitée à 10 596 euros du fait du dégrèvement prononcé à la suite de la réclamation de la SARL « SPM » ; que du fait des déductions anticipées de taxe sur la valeur ajoutée, a été mise en évidence une insuffisance de taxation de la requérante au titre des deux exercices clos les 31 décembre 1996 et 1997 ; que ces anticipations du droit à déduction ont conduit à une minoration de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée exigible ; que, s'agissant d'une insuffisance de déclaration et en l'absence de dépôt spontané par le contribuable de déclarations rectificatives, seules ont vocation à être appliquées les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts qui fixent le terme du calcul des intérêts de retard au jour de la notification de redressement ; que la circonstance que le droit à déduction soit né réellement postérieurement à la déduction anticipée ne fait pas obstacle à ce principe ; que les intérêts de retard ont été calculés sur les droits réellement éludés ; qu'il n'est fait état d'aucun crédit de taxe non pris en compte à la fin de ces périodes ; que, malgré l'évolution de son taux, l'intérêt de retard ne revêt pas les caractères d'une sanction ; qu'il n'a, par suite, pas à être motivé ; qu'il appartient à celui qui se prévaut du principe de non discrimination dans la jouissance d'un droit ou d'une liberté de préciser le droit ou la liberté affecté par la discrimination alléguée ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 février 2008, présenté pour la SARL « SPM », qui conclut aux mêmes fins que la requête ; elle ajoute que le calcul des intérêts de retard ne peut être fondé sur les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts dès lors qu'il n'a pas été fait application des majorations prévus par cet article ; que seul l'article 1727 du code général des impôts qui fixe le terme des intérêts de retard au dernier jour du mois du paiement était applicable ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 avril 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il informe la Cour qu'il n'a aucune observation supplémentaire à présenter dans la présente instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2008 à laquelle siégeaient M. Gérard Gayet, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et M. Xavier Larue, conseiller :

- le rapport de M. Xavier Larue, conseiller ;

- et les conclusions de M. Alain de Pontonx, commissaire du gouvernement ;

Considérant que des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée assortis des intérêts de retard y afférents ont été mis en recouvrement le 12 octobre 2000 à l'égard de la SARL « SPM » ; que cette dernière relève partiellement appel du jugement n° 0201418, en date du 27 février 2007, par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des intérêts de retard dont ont été assortis les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ;

Sur le bien-fondé des intérêts de retard :

Considérant qu'aux termes des dispositions, alors applicables, de l'article 1727 du code général des impôts : « Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé » ; que l'article 1728 du même code dispose que : « 1. Lorsqu'une personne physique ou morale, ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 %. (...) » ; qu'aux termes de l'article 1729 du même code : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. / 2. Le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au dernier jour du mois de la notification de redressement ou, en cas d'échelonnement des impositions supplémentaires, au dernier jour du mois au cours duquel le rôle doit être mis en recouvrement. (...) » ;

Considérant, en premier lieu, que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; qu'il suit de là que les intérêts de retard dont ont été assortis les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SARL « SPM » a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ne constituaient pas une sanction, au sens notamment de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ces intérêts de retard devaient faire l'objet d'une motivation doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que durant la période en litige la SARL « SPM » a mentionné, par anticipation, sur ses déclarations de chiffre d'affaires, la taxe sur la valeur ajoutée déductible afférente à des prestations de services pour lesquelles l'exigibilité de la taxe n'était pas encore intervenue chez le fournisseur ; que ces déductions anticipées ont eu pour conséquence de modifier le montant de la taxe sur la valeur ajoutée nette exigible au cours des périodes vérifiées ; qu'ainsi, ces anticipations de déductions ont, contrairement aux allégations de la SARL « SPM », eu pour conséquence de minorer la base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée et ce, sans qu'il soit établi, ni même allégué, que la SARL « SPM » disposait de crédits de taxes déductibles aux dates des déclarations mentionnant les taxes indûment déduites par anticipation ; qu'ainsi et contrairement aux affirmations de la requérante, les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ont bien été éludés ; qu'il suit de là que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des déductions anticipées de la SARL « SPM » entraient, comme le soutient l'administration, dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ; qu'en application de ces dispositions et nonobstant le fait que, par mesure de tempérament, aucune majoration pour mauvaise foi n'ait été appliquée à la SARL « SPM », le décompte de l'intérêt de retard est arrêté au jour du mois de la notification de redressement, soit, en l'espèce, le 30 septembre 1999 ; que, par suite, la SARL « SPM » n'est pas fondée à soutenir que les intérêts de retard constitueraient, à raison des modalités de calcul qui ont été arrêtées par le législateur, des sanctions et devraient, de ce fait, être motivés ;

Considérant, en troisième lieu, que le principe de non discrimination édicté par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne concerne que la jouissance des droits et libertés reconnus par la convention et ses protocoles additionnels ; que, dès lors, il appartient au requérant qui se prévaut de la violation de ce principe d'invoquer devant le juge administratif le droit ou la liberté dont la jouissance est affectée par la discrimination alléguée ; qu'à défaut d'une telle précision, la SARL « SPM » ne saurait utilement se prévaloir, en l'espèce, des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL « SPM » n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge des intérêts de retard dont ont été assortis les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL « SPM » est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL « SPM » ainsi qu'au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

2

N°07DA00658


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 07DA00658
Date de la décision : 22/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: M. Xavier Larue
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : SELARL CHERFILS-MAUREL-PELTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-12-22;07da00658 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award