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15/12/2009 | FRANCE | N°09DA01076

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 15 décembre 2009, 09DA01076


Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0902465-0902471 du 1er juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Mostefa A et de Mme Fatiha B épouse A, d'une part, a annulé ses décisions du 21 janvier 2009 refusant la délivrance d'un certificat de résidence à M. et à Mme A, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de dél

ivrer à M. et Mme A un certificat de résidence dans un délai de deux mois...

Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DU NORD ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0902465-0902471 du 1er juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Mostefa A et de Mme Fatiha B épouse A, d'une part, a annulé ses décisions du 21 janvier 2009 refusant la délivrance d'un certificat de résidence à M. et à Mme A, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de délivrer à M. et Mme A un certificat de résidence dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, enfin, a condamné l'Etat à verser au conseil de M. et Mme A une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes à fin d'annulation des décisions susvisées présentées par M. et Mme A devant le tribunal administratif ;

Le préfet soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, M. et Mme A ne remplissent pas les conditions du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans la situation de M. et Mme A ; qu'ils ne sont pas isolés en cas de retour en Algérie où peut se reconstituer leur cellule familiale ; que sa décision n'a pas porté atteinte au 1° de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2009 par télécopie et confirmé par la production de l'original le 15 septembre 2009, présenté pour M. Mostefa A et Mme Fatiha B épouse A, demeurant ..., par Me Berthe ; M. et Mme A concluent au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au PREFET DU NORD de leur délivrer un certificat de résidence dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, à défaut, de les admettre provisoirement au séjour après réexamen de leur situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 155 euros par jour de retard et, enfin, à ce que l'Etat soit condamné à leur verser ou à Me Berthe, sous réserve qu'ils renoncent au versement de l'aide juridictionnelle si elle était accordée, une somme globale de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

M. et Mme A soutiennent, à titre principal, concernant le refus de séjour, que, comme l'a considéré le juge de première instance, la décision du PREFET DU NORD prise à leur encontre méconnaît l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée et familiale ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de leur situation ; que leur vie familiale se trouve en France où vivent de manière régulière et habituelle leurs enfants ; qu'ils n'ont plus d'attaches familiales effectives en Algérie ; que l'ancienneté et l'intensité des liens qu'ils ont avec la France n'ont pas été prises en compte par le préfet ; que ce dernier ne peut leur opposer que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 6-5° de l'accord franco-algérien n'ont pas pour objet de permettre à une famille dont les membres sont arrivés en même temps sur le territoire de choisir leur lieu de résidence, dans la mesure où ils ne sont pas arrivés en France en même temps que les autres membres de leur famille ; qu'ils sont francophones et parfaitement intégrés en France ; que l'arrêté du préfet contrevient aux dispositions de l'article 3-1° de la convention internationale des droits de l'enfant ; que leur fille cadette est scolarisée en France depuis leur arrivée, qu'elle parle le français et obtient de bons résultats ; qu'elle a noué des liens en France avec ses camarades de classe et le reste de sa famille ; qu'elle vivrait son retour en Algérie comme un traumatisme ; à titre subsidiaire, concernant l'obligation de quitter le territoire, que le secrétaire général adjoint de la préfecture du Nord n'a pas compétence pour signer ce type de décision ; que cette dernière contrevient aux dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision du 12 octobre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu la décision du 12 octobre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai rejetant la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Berthe, pour M. et Mme A ;

Considérant que, par jugement du 1er juillet 2009, le Tribunal administratif de Lille a annulé les arrêtés en date du 21 janvier 2009 par lesquels le PREFET DU NORD a refusé de délivrer à M. Mostefa A et à Mme Fatiha B épouse A, ressortissants algériens, un certificat de résidence, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, aux motifs que M. et Mme A ont de fortes attaches personnelles et familiales en France où ils ont déjà vécu pendant longtemps et où résident leurs enfants, qu'ils sont isolés en Algérie, que leur fille cadette, scolarisée depuis leur arrivée, entretient des liens avec le reste de la famille et que ces circonstances faisaient obstacle au prononcé par le préfet d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ; que le PREFET DU NORD forme appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5° Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que, si le PREFET DU NORD fait valoir que M. et Mme A ont quitté la France respectivement depuis 1996 et 1998, qu'ils ne sont pas isolés en Algérie, que leur famille composée de leur fille âgée de 11 ans, arrivée en même temps et dans les mêmes conditions qu'eux, le 25 mars 2008, sous couvert d'un visa de court séjour, peut s'y recomposer, il ressort des pièces du dossier que les époux A disposent de liens personnels et familiaux particulièrement intenses en France où vivent 5 de leurs 6 enfants, dont 3 ont la nationalité française ; qu'il ressort également des pièces du dossier que la majorité de leur famille, notamment les parents, les frères et les soeurs de Mme A, qui ont pour la plupart la nationalité française, résident également en France ; que les intéressés sont isolés en Algérie depuis le décès en 1987 et 2000 des parents de M. A ; que, par ailleurs, les époux A ont vécu longtemps en France où ils se sont mariés le 10 mars 1979 ; qu'ainsi, M. A établit avoir travaillé à Lille en qualité d'ouvrier de 1978 à 1985 et avoir séjourné ensuite en France en 1989 ; que Mme A établit avoir effectué sa scolarité en France de 1968 à 1979 et y avoir résidé de 1988 à 1998, en partie sous couvert d'un titre de séjour valable du 3 février 1993 au 20 février 2003 ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que les décisions de refus de délivrance d'un certificat de résidence du PREFET DU NORD méconnaissaient les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en a prononcé l'annulation ; que cette situation faisait obstacle à ce que M. et Mme A puissent légalement faire l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU NORD n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a annulé ses décisions en date du 21 janvier 2009 de refus de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi prises à l'encontre de M. et de Mme A ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. et Mme A :

Considérant que le présent arrêt, qui se borne à rejeter la requête du PREFET DU NORD dirigée contre le jugement du Tribunal administratif de Lille qui a annulé ses décisions de refus de séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi prises à l'égard de M. et de Mme A n'implique aucune mesure d'exécution autre que celle prononcée par le premier juge ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

Considérant qu'il y a lieu, en application desdites dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens, à verser à Me Berthe sous réserve qu'il renonce au versement de l'aide juridictionnelle en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DU NORD est rejetée.

Article 2 : Les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. et Mme A sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. et Mme A une somme de 1 500 euros sous réserve qu'il renonce au versement de l'aide juridictionnelle sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, à M. Mostefa A et à Mme Fatiha B épouse A.

Copie sera adressée au PREFET DU NORD.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA01076
Date de la décision : 15/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Michel (AC) Durand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-12-15;09da01076 ?
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