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16/02/2010 | FRANCE | N°09DA01462

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 16 février 2010, 09DA01462


Vu la requête, enregistrée le 5 octobre 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 7 octobre 2009, présentée pour Mme Sofia A, demeurant ..., par Me Berthe ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902965 du 16 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2009 du préfet du Nord qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de d

estination, à enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour dan...

Vu la requête, enregistrée le 5 octobre 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et confirmée par la production de l'original le 7 octobre 2009, présentée pour Mme Sofia A, demeurant ..., par Me Berthe ; elle demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902965 du 16 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2009 du préfet du Nord qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, à enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement ou, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, sous astreinte de 155 euros par jour de retard, à la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans le cas d'un rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans les 2 mois suivant la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 155 euros par jour de retard ou, à défaut, de l'admettre provisoirement au séjour dans les 15 jours suivant l'arrêt à venir et de procéder au réexamen de sa demande, sous la même astreinte ;

4) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Mme A soutient que le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ; que la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée en ce sens qu'elle a été prise au seul vu du formulaire de demande d'asile et qu'elle ne mentionne pas les éléments propres à sa situation personnelle, notamment la présence de ses enfants en France ; que ladite décision méconnaît les dispositions des articles L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'à la date de la décision du préfet, elle justifie d'une présence en France avec ses enfants de 18 mois et d'une parfaite intégration ; qu'elle est devenue francophone de même que ses enfants qui sont scolarisés ; qu'elle a noué des liens en France protégés au titre de la vie privée et y a fixé le centre de ses intérêts ; qu'elle a été victime d'une tentative de viol en Angola et qu'elle souffre psychologiquement de la disparition de son fils et de son concubin ; que la décision du préfet méconnaît l'article 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en portant atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants qui ont retrouvé un équilibre en France après la disparition de leur père et de leur frère ; que l'obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence du refus de séjour ; que le préfet a commis une erreur de droit en se bornant à énoncer dans ladite décision qu'elle ne rentrait pas dans les catégories d'étrangers protégés mentionnées à l'article L. 511-1-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans en examiner les conséquences sur sa vie privée et familiale ; que la décision d'éloignement, qui méconnaît les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu la décision en date du 1er septembre 2009 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 novembre 2009, présenté par le préfet du Nord, qui conclut au rejet de la requête au motif que l'arrêté attaqué a été signé par une personne compétente pour le faire ; que le moyen tiré de l'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant à l'encontre d'une décision de refus de séjour faisant suite à une demande d'admission au titre de l'asile ; que ladite décision est suffisamment motivée et qu'il n'avait pas à entendre préalablement les observations de la requérante ; qu'il a fait une juste appréciation de la situation personnelle de l'intéressée et ne méconnaît pas les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que celle-ci est entrée récemment en France et ne justifie pas être isolée dans son pays d'origine ; que sa vie privée et familiale peut s'y reconstituer avec ses enfants ; qu'elle ne justifie pas être personnellement et directement exposée en Angola à des risques pour sa vie ; que sa décision ne méconnaît pas l'article 3-1° de la convention relative aux droits de l'enfant ; que la décision portant obligation de quitter le territoire, qui découle du refus de séjour, est légale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, modifiée, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Berthe, pour Mme A ;

Considérant que Mme A, ressortissante angolaise, née le 9 janvier 1968, est entrée en France le 20 novembre 2007 selon ses déclarations ; que, le 27 novembre 2007, elle a été admise à y séjourner provisoirement pour lui permettre de déposer une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 février 2008 et par la Cour nationale du droit d'asile le 14 octobre 2008 ; que, par un arrêté du 10 mars 2009 du préfet du Nord, Mme A a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire et fixant comme pays de destination le pays dont elle a la nationalité ou tout autre pays dans lequel elle établit être légalement admissible ; que l'intéressée relève appel du jugement du 16 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : (...) Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; que l'arrêté du 10 mars 2009 pris par le préfet du Nord, qui expose la situation de Mme A, fait référence aux articles L. 511-1-I, L. 511-4, L. 741-1, L. 742-1, R. 741-1 et R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme A soutient que le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation, qu'il n'a pas examiné les conséquences de sa décision portant obligation de quitter le territoire sur sa vie privée et familiale en se bornant à énoncer dans ladite décision qu'elle ne rentrait pas dans les catégories d'étrangers protégés mentionnées au 4° de l'article L. 511-1-4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a agi comme s'il était en situation de compétence liée ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même que sa décision ne mentionne pas la présence des enfants de la requérante, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen sérieux de sa situation familiale ; qu'il résulte de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation de quitter le territoire, que le préfet a la possibilité d'assortir à sa décision de refus de délivrance d'un titre de séjour à un étranger, n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il n'est pas démontré que le préfet n'aurait pas procédé à un examen de la situation de la requérante ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en se bornant à mentionner le 4° de l'article L. 511-1du code susmentionné n'est pas fondé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ; que Mme A soutient qu'elle maîtrise le français, que ses enfants sont bien intégrés à l'école et qu'elle souffre de troubles psychologiques en l'absence de nouvelles de son fils aîné et de son concubin restés en Angola ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante, âgée de 41 ans, est entrée en France à l'âge de 39 ans, qu'elle dispose d'attaches familiales fortes dans son pays d'origine, à savoir son fils aîné et son concubin et qu'elle peut y reconstituer sa cellule familiale composée, en outre, de ses deux enfants mineurs ; que, dans ces conditions et compte tenu de son entrée récente en France, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision du préfet du Nord portant refus de séjour ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante et ne méconnaissait ainsi ni les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire, ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1° de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, en outre de la présence d'un fils et du père en Angola et de la scolarisation récente de ses deux autres enfants, que Mme A n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour et en l'obligeant à quitter le territoire, le préfet du Nord a méconnu les stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient Mme A, la décision du préfet du Nord refusant de l'admettre au séjour n'est pas entachée d'illégalité ; que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise en application des dispositions de l'article L. 511-1 susmentionné, n'est pas dépourvue de base légale ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 mars 2009 du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le rejet des conclusions à fin d'annulation entraîne, par voie de conséquence, celui des conclusions à fin d'injonction ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que Mme A demande au titre de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sofia A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera adressée au préfet du Nord.

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N°09DA01462 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA01462
Date de la décision : 16/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Michel (AC) Durand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-02-16;09da01462 ?
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