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11/05/2010 | FRANCE | N°09DA01507

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 11 mai 2010, 09DA01507


Vu la requête, enregistrée le 20 octobre 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée les 26 octobre et 2 novembre 2009 par la production de l'original, présentée pour M. Abderrahim A, demeurant ..., par Me Sarraf ; M. A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902526 en date du 21 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2009 du préfet du Loiret prononçant à son égard une m

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Vu la requête, enregistrée le 20 octobre 2009 par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée les 26 octobre et 2 novembre 2009 par la production de l'original, présentée pour M. Abderrahim A, demeurant ..., par Me Sarraf ; M. A demande au président de la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902526 en date du 21 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 septembre 2009 du préfet du Loiret prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et désignant le pays de destination de cette mesure ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) d'enjoindre à l'administration de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient :

- qu'alors que l'arrêté en litige a été pris la veille d'un week-end et que l'audience devant le tribunal administratif est intervenue le premier jour ouvrable suivant, à une date à laquelle son conseil était à l'étranger, il n'a pas été en mesure de produire, en première instance, les pièces propres à justifier de sa situation ; que le préfet du Loiret avait cependant la possibilité de se rapprocher des préfectures de la Seine-et-Marne et du Val-de-Marne afin de vérifier la réalité des éléments portés à sa connaissance ; que l'exposant est à présent en mesure de verser toutes les pièces utiles ;

- que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en effet, l'exposant est père de quatre enfants, qui sont de nationalité française et sont scolarisés sur le territoire national ; qu'il exerce, conjointement avec la mère, de nationalité française, de ses enfants l'autorité parentale sur ceux-ci ; qu'il n'a pas été en mesure, compte tenu de sa situation administrative, de contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants autrement que par l'intermédiaire de l'aide de membres de sa famille ; qu'il exerce cependant librement un droit de visite et d'hébergement sur ses enfants depuis sa séparation d'avec leur mère ; qu'il remplissait ainsi, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, les conditions posées par ladite disposition pour prétendre de plein droit à une admission au séjour à ce titre ;

- que ledit arrêté a méconnu, en outre, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de même que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, l'exposant n'a jamais représenté une menace pour l'ordre public ; qu'il justifie de liens personnels et familiaux particulièrement forts sur le territoire français, à savoir ses quatre enfants de nationalité française, ainsi que ses parents et ses frères et soeurs ; qu'il ne dispose plus, en revanche, d'aucune attache dans son pays d'origine ; que, dans ces circonstances, l'arrêté de reconduite à la frontière en litige a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il était ainsi en situation, à la date à laquelle ledit acte a été pris, de prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de la disposition susmentionnée du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 10 novembre 2009 par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai fixe la clôture de l'instruction au 28 décembre 2009 ;

Vu les pièces du dossier desquelles il ressort que le préfet du Loiret a reçu communication de la requête susvisée et n'a pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision en date du 16 mars 2010, prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai désigne M. Guillaume Mulsant, président de la 1ère chambre, en tant que juge d'appel des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Guillaume Mulsant, président désigné, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Sarraf, pour M. A ;

Considérant que, par un arrêté en date du 18 septembre 2009, le préfet du Loiret a prononcé la reconduite à la frontière de M. A, ressortissant marocain, né le 2 octobre 1965, en se fondant à la fois sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur celles du 2° du même article, et a désigné le Royaume du Maroc comme pays de destination de cette mesure ; que M. A forme appel du jugement en date du 21 septembre 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant qu'il ressort des pièces produites pour la première fois en appel par M. A que celui-ci est entré en France en compagnie de sa mère au cours de l'année 1966, soit à l'âge d'un an, pour y rejoindre son père, qui s'y était régulièrement installé depuis 1963 ; que, bien que célibataire, il dispose de l'essentiel de ses attaches familiales sur le territoire français, à savoir ses parents, tous deux titulaires d'une carte de résident, ainsi que son frère et sa soeur, nés en France et de nationalité française, et ses quatre enfants, également de nationalité française ; que s'il est constant que M. A ne vit pas avec ces derniers depuis sa séparation d'avec leur mère, il soutient, sans être contesté, qu'il entretient des liens réguliers avec ceux-ci et justifie, par la production d'attestations de proches dont la valeur probante n'est pas discutée, contribuer dans la mesure de ses possibilités et avec l'aide de ses parents et de ses frère et soeur à leur entretien ; que si le préfet du Loiret, qui n'a pas produit en appel, a fait valoir devant le premier juge que M. A avait fait l'objet de recherches de la part des services de police dans le cadre d'enquêtes relatives à plusieurs faits délictueux et a produit pour en justifier un document extrait du fichier informatique des personnes recherchées, ce seul document s'avère, en l'absence de tout élément complémentaire et malgré le nombre et la gravité des faits dont il y est fait état, insuffisant à permettre d'établir que, comme l'a soutenu le préfet devant le premier juge, la présence de l'intéressé aurait représenté, à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été pris, une menace réelle pour l'ordre public ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, eu égard, en outre, à l'ancienneté du séjour de M. A, qui n'est pas sérieusement contestée, et à supposer même que l'intéressé ne serait pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, ledit arrêté a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet acte a été pris et a, dès lors, méconnu les stipulations susénoncées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé, compte tenu des éléments qu'il apporte en appel, à demander l'annulation du jugement attaqué, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loiret en date du 18 septembre 2009 prononçant à son égard une mesure de reconduite à la frontière et désignant le Royaume du Maroc comme pays de destination de cette mesure ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction assortie d'astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas et qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ;

Considérant que la présente décision, qui annule l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet du Loiret à l'égard de M. A, implique, en application des dispositions précitées et dès lors qu'il n'est pas allégué et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement de circonstances de droit ou de fait y fasse obstacle, qu'une autorisation provisoire de séjour couvrant la durée nécessaire à l'examen de sa situation lui soit délivrée par le préfet du Val-de-Marne, territorialement compétent, dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de la présente décision et qu'il soit procédé à cet examen dans un délai d'un mois à compter de cette date ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir d'une astreinte la mesure d'injonction ainsi définie ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application desdites dispositions et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0902526 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen en date du 21 septembre 2009 ainsi que l'arrêté du préfet du Loiret en date du 18 septembre 2009 décidant de reconduire M. A à la frontière et désignant le pays de destination de cette mesure sont annulés.

Article 2 : Il est prescrit au préfet du Val-de-Marne de délivrer à M. A, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de la présente décision, une autorisation provisoire de séjour couvrant le délai nécessaire à l'examen de la situation de l'intéressé et de procéder, dans le délai d'un mois à compter de cette date, à cet examen.

Article 3 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Abderrahim A, au préfet du Val-de-Marne et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Copie sera transmise au préfet du Loiret.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 09DA01507
Date de la décision : 11/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Mulsant
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : SARRAF

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-05-11;09da01507 ?
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