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24/06/2010 | FRANCE | N°08DA00912

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 24 juin 2010, 08DA00912


Vu le recours, enregistré le 11 juin 2008 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 16 juin 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; il demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0601839 du 25 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision implicite rejetant la demande de retrait formée par M. et Mme B à l'encontre de la décision du chef de service économie rurale de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Oise en date du 21 f

évrier 2006 ; il soutient :

- que le Tribunal aurait dû rejeter...

Vu le recours, enregistré le 11 juin 2008 par télécopie et régularisé par la réception de l'original le 16 juin 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; il demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0601839 du 25 mars 2008 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision implicite rejetant la demande de retrait formée par M. et Mme B à l'encontre de la décision du chef de service économie rurale de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Oise en date du 21 février 2006 ; il soutient :

- que le Tribunal aurait dû rejeter l'ensemble des conclusions de la requête en raison de leur irrecevabilité dans la mesure où la décision implicite de rejet ne présentait pas le caractère d'une décision faisant grief ;

- que le jugement est entaché d'une contrariété des motifs ;

- que Mlle A n'a pas présenté de déclaration ; qu'elle ne remplissait probablement pas les conditions de la déclaration énoncées au II de l'article L. 331-2 du code rural ;

- qu'il ressort des pièces du dossier que la demande de Mlle A était accompagnée de pièces justificatives, dont l'avis d'imposition pour l'année 2004 ;

- que le signataire de la lettre du 21 février 2006 avait reçu une délégation de compétence par arrêté préfectoral du 10 juin 2005 ;

- que les dispositions de l'article L. 331-2 du code rural se rapportant à la soumission au contrôle des structures, lorsque la distance par rapport au siège de l'exploitation excède un maximum fixé par le schéma directeur, ne concernent que les agrandissements ou réunions d'exploitations, alors que Mlle A, est en situation d'installation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 30 juin 2008 fixant la clôture de l'instruction au 30 octobre 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré par télécopie le 14 août 2008 et confirmé par la réception de l'original le 19 août 2008, présenté pour M. et Mme Francis B, demeurant ..., par Me Guerard, avocat ; ils concluent au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, ainsi que celle de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent :

- que le ministre a exécuté spontanément le jugement contesté et n'est donc pas fondé à en interjeter appel ; que l'exécution de cette décision vaut acquiescement ;

- que la demande d'autorisation d'exploiter est sans objet dès lors que la reprise envisagée par Mlle A a été annulée par la Cour d'appel d'Amiens ; qu'il en est de même de l'appel interjeté par le ministre qui se trouve également dépourvu d'objet ;

- qu'en interjetant appel du jugement alors qu'il y a acquiescé en s'exécutant spontanément, le ministre s'est rendu coupable d'un appel abusif ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 30 octobre 2008 et régularisé par la réception de l'original le 3 novembre 2008, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; il soutient en outre :

- que l'exécution du jugement ne peut être assimilée à un acquiescement audit jugement ;

- que le litige tranché par la juridiction de l'ordre judiciaire en matière de baux ruraux est distinct du présent litige, lequel se rattache à l'application par l'administration de la réglementation du contrôle des structures ;

- que la demande indemnitaire pour procédure abusive ne peut être utilement présentée dans une instance en annulation pour excès de pouvoir ; qu'en outre, la requête n'était pas abusive ;

Vu l'ordonnance du 4 novembre 2008 portant réouverture de l'instruction ;

Vu la mise en demeure adressée à Mlle A le 6 novembre 2008, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 27 avril 2009 et régularisé par la réception de l'original le 29 avril 2009, présenté pour M. et Mme B ; ils soutiennent en outre :

- que la décision implicite de rejet constitue un acte décisoire susceptible de recours en annulation ;

- que le jugement n'est pas entaché d'une contrariété de motifs ;

- que le fait que Mlle A ait été qualifiée par les premiers juges de déclarant est sans incidence sur le litige ;

- que le dossier de demande d'autorisation d'exploiter ne contient aucun justificatif de revenu, en violation des dispositions de l'article R. 331-4 du code rural ;

- que l'avis d'imposition 2004 n'avait pas été joint à la demande d'autorisation d'exploiter ;

- que la distance entre les parcelles, objet de la demande d'autorisation et le siège de l'exploitation, est comprise entre 15 et 18 kilomètres ;

- que le ministre soutient que Mlle A n'avait pas à répondre à la condition de distance de 10 kilomètres ; qu'ainsi, il reconnait que la décision du 21 février 2006 est entachée d'une violation de l'article L. 331-2 du code rural puisque le chef de service a retenu à tort l'application de l'article L. 331-2 relatif aux distances ;

- qu'il convient de rappeler que l'intéressée ne peut exploiter les terres litigieuses ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Corinne Baes Honoré, premier conseiller, les conclusions de M. Alain de Pontonx, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que Mlle Delphine A a saisi le service économie agricole du département de l'Oise d'une demande d'autorisation tendant à exploiter 37 hectares de terres situées à Fretoy le Château, Behericourt, Baboeuf et Campagne, dans le cadre d'une première exploitation et à titre secondaire ; que par courrier du 21 février 2006, le chef du service économie agricole a indiqué à Mlle A que l'opération en cause n'était pas soumise à autorisation ; que le 19 avril 2006, M. et Mme Francis B, preneurs en place, ont exercé un recours gracieux contre l'acte du 21 février 2006 ; que par jugement contesté, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande d'annulation de l'acte du 21 février 2006, au motif qu'il ne faisait pas grief et a annulé la décision implicite de rejet du recours gracieux ; que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE interjette appel contre ce jugement ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu :

Considérant que si M. et Mme B font valoir que la Cour d'appel d'Amiens a, par un arrêt devenu définitif, annulé les congés délivrés par Mlle A, cette circonstance n'a pas pour effet, eu égard à l'indépendance de la législation des baux ruraux et celle relative au contrôle des structures, de priver d'objet la décision contestée ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la requête d'appel du ministre serait également privée d'objet doit être écarté ;

Sur la fin de non-recevoir opposée en appel :

Considérant que M. et Mme B font valoir que l'Etat a, en exécution du jugement contesté, procédé au versement de la somme qu'il a été condamné à verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que l'exécution du jugement par l'Etat, partie perdante, qui ne peut être assimilée à un acquiescement aux faits, est sans incidence sur la recevabilité de sa requête d'appel ; que la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme B doit donc être écartée ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que, par son jugement du 25 mars 2008, le Tribunal administratif d'Amiens a estimé que la lettre du 21 février 2006 ne comportait aucun caractère décisoire ; qu'il a cependant relevé ultérieurement qu'une décision implicite de rejet avait été opposée à la demande de retrait de la décision du 21 février 2006 ; qu'ainsi, le ministre est fondé à soutenir que le jugement est entaché de contrariété de motifs et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme B devant le Tribunal administratif d'Amiens ;

Sur la recevabilité des conclusions de Mlle A :

Considérant que si M. et Mme B font valoir que depuis l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens susévoqué, Mlle A est privée de tout droit sur la reprise des biens en litige, cette circonstance est sans incidence sur la recevabilité des conclusions de Mlle A qui a intérêt au maintien des décisions contestées ; que la fin de non-recevoir ainsi opposée par M. et Mme B doit être écartée ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Oise et le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE :

Considérant que, suite à une demande d'autorisation d'exploiter déposée par Mlle A, le chef du service économie agricole lui a répondu, par courrier du 21 février 2006, que l'opération n'était pas soumise à autorisation ; que contrairement à ce que soutiennent le préfet et le ministre, la lettre susmentionnée présente le caractère d'une décision faisant grief, susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que présente ce même caractère, la décision implicite de rejet du recours gracieux ; qu'il s'ensuit que la fin de non-recevoir tirée de ce que l'acte du 21 février 2006 et le rejet implicite du recours gracieux, ne feraient pas grief, doit être écartée ;

Sur la légalité des décisions contestées :

Considérant, en premier lieu, que, par arrêté du 10 juin 2005, le préfet de l'Oise a donné à M. C, directeur départemental de l'agriculture et de la forêt, délégation à l'effet de signer toutes décisions relevant notamment du contrôle des structures agricoles ; qu'en cas d'absence ou d'empêchement du directeur départemental de l'agriculture et de la forêt ou de son adjoint, délégation de signature a été donnée à M. D, chef du service d'économie agricole, dans le cadre de ses attributions ; que, par suite, M. et Mme B ne sont pas fondés à soutenir que la décision du 21 février 2006 aurait été signée par une autorité incompétente ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 331-2 du code rural : I. - Sont soumises à autorisation préalable les opérations suivantes : ... 3° Quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole : a) Dont l'un des membres ayant la qualité d'exploitant ne remplit pas les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle ou a atteint l'âge requis pour bénéficier d'un avantage de vieillesse agricole ; / b) Ne comportant pas de membre ayant la qualité d'exploitant. / Il en est de même pour les exploitants pluriactifs remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle dont les revenus extra-agricoles du foyer fiscal excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance ; ... 5° Les agrandissements ou réunions d'exploitations pour les biens dont la distance par rapport au siège de l'exploitation du demandeur est supérieure à un maximum fixé par le schéma directeur départemental des structures, sans que ce maximum puisse être inférieur à cinq kilomètres ... . II. - Par dérogation au I, est soumise à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies : 1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnée au 3° du I ; 2° Les biens sont libres de location au jour de la déclaration ; / 3° Les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis neuf ans au moins. / Pour l'application des présentes dispositions, sont assimilées aux biens qu'elles représentent les parts d'une société constituée entre les membres d'une même famille. / Les opérations réalisées par la société d'aménagement foncier et d'établissement rural autres que celles prévues au 7° du I sont également soumises à déclaration préalable ... ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 331-4 du code rural : La demande de l'autorisation mentionnée à l'article L. 331-2 est établie selon le modèle défini par le ministre de l'agriculture et accompagnée des éléments justificatifs dont la liste est annexée à ce modèle. Après avoir vérifié que le dossier comporte les pièces requises en application du premier alinéa, le service chargé de l'instruction l'enregistre et délivre au demandeur un récépissé. Il ... ;

Considérant que, si M. et Mme B reprochent au service d'avoir méconnu les dispositions précitées de l'article R. 331-4 du code rural, au motif que la demande d'autorisation d'exploiter déposée par Mlle A ne contenait aucun justificatif des revenus perçus, il ressort de la demande d'autorisation versée au dossier, que l'intéressée y avait annexé son avis d'imposition ; qu'en tout état de cause, les dispositions précitées ne peuvent être utilement invoquées dès lors qu'il n'est pas établi que l'opération en cause était soumise à autorisation préalable ;

Considérant, en troisième lieu, que pour prendre la décision contestée, le service a relevé que Mlle A, exploitant pluriactif, remplissait les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle, et que ses revenus extra-agricoles du foyer fiscal n'excédaient pas 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance ; que M. et Mme B contestent ces faits et font valoir que les revenus extra agricoles perçus par l'intéressée au titre de l'année 2005, excèdent 3 120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, soit la somme de 23 743,20 euros ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier, qu'au jour de la décision contestée, Mlle A, qui ne disposait que de l'avis d'impôt sur le revenu de 2004, n'avait déclaré que la somme de 18 385 euros ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'à supposer même que la distance entre les parcelles en litige et le siège de l'exploitation serait de 18 kilomètres, cette circonstance ne permet pas d'établir que la demande de Mlle A, présentée dans le cadre d'une installation, était soumise à autorisation préalable, dès lors qu'il ressort des dispositions de l'article L. 331-2 du code rural que ce critère n'est pris en compte que dans les cas d'agrandissements ou réunions d'exploitation ; qu'en outre, si M. et Mme B reprochent au chef de service d'avoir retenu le motif, entaché selon eux d'une erreur de fait, et tiré de ce que les biens repris ne sont pas distants de plus de 10 kilomètres du siège de l'exploitation de Mlle A, il ressort en tout état de cause, des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur les autres motifs ;

Sur les conclusions reconventionnelles de M. et Mme B tendant à l'attribution d'une indemnité de 1 500 euros pour appel abusif :

Considérant qu'en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le demandeur soit condamné à verser à une personne mise en cause des dommages et intérêts pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une instance en annulation pour excès de pouvoir ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme B la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B la somme de 500 euros au titre des frais exposés par Mlle A devant le tribunal administratif et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif d'Amiens en date du 25 mars 2008 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par M. et Mme B devant le Tribunal administratif d'Amiens, ainsi que leurs conclusions présentées devant la Cour administrative d'appel de Douai, sont rejetées.

Article 3 : M. et Mme B verseront à Mlle A la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ALIMENTATION, DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, à M. et Mme Francis B et à Mlle Delphine A.

Copie sera adressée au préfet de l'Oise.

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N°08DA00912


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA00912
Date de la décision : 24/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Gayet
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. de Pontonx
Avocat(s) : SCP HAMEAU - GUERARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-06-24;08da00912 ?
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