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04/11/2010 | FRANCE | N°09DA00888

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 novembre 2010, 09DA00888


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 18 juin 2009, présentée pour Mme Caroline A, demeurant ..., par Me Laugier, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607202 du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Touquet à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa radiation des cadres, ainsi qu'une somme au titre du préavis et des congés payés sur ce préavis ;

2°) d'annuler la déci

sion du maire du Touquet en date du 13 octobre 2003 ayant prononcé sa radiati...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 18 juin 2009, présentée pour Mme Caroline A, demeurant ..., par Me Laugier, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0607202 du 24 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune du Touquet à lui verser une somme de 25 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de sa radiation des cadres, ainsi qu'une somme au titre du préavis et des congés payés sur ce préavis ;

2°) d'annuler la décision du maire du Touquet en date du 13 octobre 2003 ayant prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste ;

3°) de condamner la commune du Touquet à lui verser la somme de 28 400 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision municipale susvisée, ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'en estimant qu'elle n'apportait aucune précision et ne mettait pas la juridiction en mesure d'apprécier le bien-fondé de sa demande, le Tribunal a dénaturé les pièces du dossier et entaché d'irrégularité son jugement ; qu'elle indiquait dans ses écritures de première instance agir contre l'arrêté municipal du 13 octobre 2003 et précisait qu'elle était recevable à le faire en raison de l'absence de mention des délais et voies de recours ; que l'arrêté municipal litigieux prononçant sa radiation des cadres pour abandon de poste est illégal car il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédé d'une mise en demeure explicite ; que la lettre du 3 octobre 2003 se bornait à la convoquer pour un entretien le 6 octobre suivant et la seconde lettre recommandée du 7 octobre 2003 la convoquait pour le lundi 9 octobre, or ces lettres ont été reçues par elle après les dates fixées pour ces rendez-vous alors même que l'arrêté municipal fixe au 1er octobre la date d'abandon de poste ; que cet arrêté est de plus insuffisamment motivé ; qu'il est entaché d'erreur de droit et d'erreur de fait dans la mesure où elle n'a pas abandonné son poste ; qu'il est entaché de détournement de procédure et procède de la volonté de la commune de l'évincer après qu'une procédure disciplinaire engagée à son encontre a fait l'objet d'un avis défavorable à sanction du conseil de discipline ; qu'elle a droit à la réparation des préjudices résultant de cette décision illégale et qu'elle l'estime à 8 400 euros du chef du préjudice matériel, et à 1 000 euros au titre des démarches qu'elle a dû entreprendre, et enfin à 10 000 euros au titre du préjudice moral, soit un total de 28 400 euros ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2010 par télécopie et régularisé par la production de l'original le 14 mai 2010, présenté pour la commune du Touquet-Paris-Plage, représentée par son maire en exercice, par Me Spriet, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la requérante à lui verser la somme de 1 050 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la commune fait valoir que la requête est irrecevable car les conclusions de Mme A, tendant à l'annulation de la décision du maire de la commune du Touquet-Paris-Plage prise à son encontre le 13 octobre 2003, constituent des conclusions nouvelles présentées pour la première fois en appel et par suite irrecevables ; que subsidiairement sur le fond, les conclusions indemnitaires de la requérante devront être rejetées dès lors qu'elle n'a pas demandé l'annulation de la décision de radiation dans sa demande faite au Tribunal et que cette demande est irrecevable en appel ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 23 juin 2010, présenté pour Mme A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Sylvie Appèche-Otani, président-assesseur, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ;

Considérant que Mme Caroline A a été recrutée le 28 septembre 2001 par la commune du Touquet en qualité d'agent du patrimoine de 2ème classe contractuel et a vu son contrat renouvelé pour une période de 3 mois ; qu'elle a, par arrêté du 9 avril 2002, été nommée en qualité d'agent territorial du patrimoine de 2ème classe stagiaire à temps complet à compter du 1er avril 2002 ; que, par arrêté du maire en date du 8 août 2003, son stage d'une durée normalement fixée à un an a été prolongé d'un an à compter du 1er avril 2003 ; que, toutefois, par un arrêté en date du 13 octobre 2003, le maire de la commune du Touquet a radié des cadres Mme A, agent territorial du patrimoine stagiaire, pour abandon de poste avec effet au 1er octobre 2003 ; que l'intéressée, qui a en vain demandé au Tribunal administratif de Lille de l'indemniser du préjudice résultant pour elle de cette éviction qu'elle considère comme illégale, relève appel de ce jugement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A :

Considérant que, dans le dernier état de ses écritures présentées devant le Tribunal administratif de Lille, Mme A ne demandait pas l'annulation de la décision de radiation des cadres prise le 13 octobre à son encontre par le maire de la commune du Touquet mais présentait seulement des conclusions indemnitaires ; que, par suite, la commune du Touquet est fondée à soutenir que les conclusions à fin d'annulation de cette décision, présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables et qu'elles doivent être rejetées ;

Sur les autres conclusions de Mme A :

Considérant que Mme A demande à la Cour de constater que la mesure d'éviction dont elle a fait l'objet est entachée d'illégalité, que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune et, en conséquence, de condamner la commune à l'indemniser du préjudice qu'elle a subi du fait de cette éviction illégale du service ;

- concernant la légalité de l'arrêté du maire du Touquet du 13 octobre 2003 :

Considérant qu'une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'autorité compétente de fixer ; qu'une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé et l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable ;

Considérant que le maire du Touquet a adressé à Mme A par voie postale un premier courrier recommandé daté du 3 octobre 2003 dans lequel il se bornait à demander à celle-ci de se présenter le lundi 6 octobre 2003 à son bureau de l'Hôtel de ville à 17 h 30 ; que Mme A n'a été avisée par les services postaux de la mise en instance de ce pli que le 7 octobre, soit le lendemain de la date du rendez-vous que le maire lui fixait ; que par un deuxième courrier, daté du 8 octobre 2003, le maire de la commune fixait à Mme A un nouveau rendez-vous pour le jeudi 9 octobre à 15 h 45 et lui précisait qu'en cas d'absence à ce rendez-vous, elle serait considérée comme souhaitant rompre tout lien l'unissant à la ville du Touquet, ce qui entraînerait sa radiation des effectifs pour abandon de poste ; que toutefois Mme A n'a été avisée par le préposé de la poste que le 10 octobre de la mise en instance de ce pli, soit le lendemain de la date du nouveau rendez-vous ; que, par suite, la décision du maire du Touquet du 13 octobre 2003 décidant de radier Mme A pour abandon de poste est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ; que cette irrégularité faisait obstacle à ce que la commune pût, sans commettre d'erreur de droit, considérer que l'intéressée avait manifesté l'intention de rompre le lien qui l'unissait au service et qu'elle était en situation d'abandon de poste ; que Mme A est, par suite, fondée à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'illégalité ;

- concernant la responsabilité de la commune du Touquet et le droit à indemnisation de Mme A :

Considérant que la radiation illégale pour abandon de poste de Mme A est constitutive d'une faute engageant la responsabilité de la commune à l'égard de son agent ; que la requérante peut, par suite, prétendre à être indemnisée du préjudice correspondant aux pertes de revenus qui en ont directement résulté ;

Considérant, en premier lieu, que Mme A demande à être indemnisée de la perte de revenus subie du 1er octobre 2003 jusqu'au terme normal de son stage, soit le 31 mars 2004 ; que si, en l'absence de service fait, Mme A n'a aucun droit à percevoir les traitements afférents à la période pendant laquelle elle a été évincée illégalement du service, elle peut en revanche prétendre à une indemnité tenant compte des préjudices subis, notamment en raison de pertes de traitements à l'exclusion des primes et indemnités diverses liées à l'exercice effectif des fonctions, et sous déduction des gains qu'elle aura pu réaliser hors du service ; qu'il y a lieu de lui accorder à ce titre une somme de 6 400 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la requérante demande une indemnité en raison de la perte de chance d'être définitivement recrutée et titularisée qui résulterait selon elle de la mesure d'éviction illégale du 13 octobre 2003, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait eu, à cette date, une chance sérieuse d'être titularisée ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme A demande à être indemnisée des frais et débours occasionnés par les démarches qu'elle aurait dû faire auprès des administrations et des juridictions ; qu'elle ne justifie ni de la réalité de ces frais, ni de leur lien avec la décision illégale ;

Considérant, enfin, que le préjudice moral subi par la requérante du fait de son éviction illégale du service peut, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, être évalué à 1 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a refusé de faire droit, à hauteur de 7 400 euros à sa demande tendant à la condamnation de la commune du Touquet à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité de l'arrêté de son maire, en date du 13 octobre 2003, prononçant illégalement sa radiation des cadres pour abandon de poste ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de cet article : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour administrative d'appel ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que Mme A n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées à ce titre par la commune du Touquet doivent être rejetées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune du Touquet une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Lille n° 0607202 du 24 mars 2009 est annulé.

Article 2 : La commune du Touquet versera à Mme A une somme de 7 400 euros.

Article 3 : La commune du Touquet versera à Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune du Touquet tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Caroline A et à la commune du Touquet.

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N°09DA00888


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA00888
Date de la décision : 04/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Sylvie Appeche-Otani
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : LAUGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-11-04;09da00888 ?
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