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24/03/2011 | FRANCE | N°10DA00057

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 5, 24 mars 2011, 10DA00057


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie et régularisée par la production de l'original le 15 janvier 2010, présentée pour M. Jean-Marc B, demeurant ... et Mme Geneviève A, demeurant ..., par la SELARL Bléry, Enguéléguélé ; M. B et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702027 du 10 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Domart-sur-la-Luce à leur verser, à chacun la somme de 150 000 euros en

réparation du préjudice résultant du classement d'une partie de la proprié...

Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie et régularisée par la production de l'original le 15 janvier 2010, présentée pour M. Jean-Marc B, demeurant ... et Mme Geneviève A, demeurant ..., par la SELARL Bléry, Enguéléguélé ; M. B et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702027 du 10 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Domart-sur-la-Luce à leur verser, à chacun la somme de 150 000 euros en réparation du préjudice résultant du classement d'une partie de la propriété de M. B en zone ND inconstructible par le plan local d'urbanisme approuvé le 31 janvier 2002 ;

2°) de condamner la commune de Domart-sur-la-Luce à leur verser cette somme, augmentée des intérêts au taux légal à compter de leur réclamation préalable du 17 juillet 2006 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Domart-sur-la-Luce la somme de 2 000 euros à verser à chacun d'entre eux en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Quennehen, pour la commune de Domart-sur-la-Luce ;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la suite de la révision du plan local d'urbanisme de la commune de Domart-sur-la-Luce (Somme), approuvée par une délibération du 31 janvier 2002 du conseil municipal, certaines parcelles appartenant à M. B et Mme A jusqu'alors classées en zone NC, ont été reclassées en zone ND non constructible ; que par un jugement du 13 avril 2006 devenu définitif, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté la demande d'annulation du refus d'abroger cette délibération présentée par M. B et Mme A ; que ces derniers ont alors sollicité l'indemnisation du préjudice résultant de la servitude instituée et, suite à un refus du maire, ont saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Domart-sur-la-Luce à leur verser chacun la somme de 150 000 euros à ce titre ; qu'ils relèvent appel du jugement du 10 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu ;

Considérant, en premier lieu, que M. B et Mme A n'établissent ni même n'allèguent avoir obtenu une autorisation d'urbanisme susceptible de leur conférer des droits acquis auxquels porteraient atteinte les servitudes instituées par le plan local d'urbanisme ; que la circonstance que les parcelles en cause aient été antérieurement classées en zone NC constructible au plan d'occupation des sols, ce qui permettait le développement de l'exploitation de M. B, n'est pas constitutive d'un droit acquis dès lors, en particulier, qu'ils n'avaient nul droit au maintien de ce classement ;

Considérant, en deuxième lieu, que les requérants ne soutiennent pas que, par elle-même, l'institution de la servitude aurait eu pour conséquence une modification de l'état antérieur des lieux ;

Considérant, en dernier lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 160-5 ne font pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude, prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; que, dans ces conditions, l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme n'est pas incompatible avec les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, laquelle ne saurait ouvrir de droit à indemnisation distinct sur le fondement de la responsabilité sans faute à raison de l'institution d'une servitude ;

Considérant que les requérants soutiennent que le classement en zone ND d'une partie de leur propriété, qu'ils s'abstiennent au demeurant d'identifier précisément, est de nature à la dévaloriser et à entraver le développement de l'exploitation qu'elle accueille, comportant une activité de ferme pédagogique, une ferme à découverte par le cadre d'un élevage de chevaux ainsi qu'une activité de ferme maraîchère et, qu'étant les seuls habitants de la commune supportant cette charge alors que les terres situées à proximité immédiate font l'objet d'un même classement, ils subissent une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec cet objectif d'intérêt général poursuivi, leur ouvrant droit à indemnité ;

Considérant, néanmoins, qu'en opérant le classement litigieux en zone ND où toutes nouvelles constructions et utilisations du sol sont interdites à l'exception de l'aménagement des bâtiments existants, la commune de Domart-sur-la-Luce a poursuivi un but d'intérêt général tenant à la préservation de l'intérêt esthétique et écologique des espaces ainsi que cela résulte du rapport de présentation du plan local d'urbanisme, lequel précise, en particulier, que la zone naturelle comprise entre l'agglomération et le hameau de Hourges doit être protégée pour ses qualités paysagères ; que M. B et Mme A n'établissent pas que, par son contenu ou par les conditions dans lesquelles elle est intervenue, la servitude ainsi instituée leur ait fait supporter une charge exorbitante, hors de proportion avec cet objectif d'intérêt général poursuivi, compte tenu qu'il résulte de l'instruction que les parcelles où se situent une partie de l'activité actuelle demeure classée en zone NC autorisant les bâtiments à usage agricole et les bâtiments intégrés au siège de l'exploitation ; que dans ces conditions, à supposer même qu'ils supportent une charge spéciale, leur demande doit être rejetée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme de 2 000 euros demandée par M. B et Mme A chacun soit mise à la charge de la commune de Domart-sur-la-Luce, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge solidaire de M. B et de Mme A une somme globale de 1 500 euros qui sera versée à la commune de Domart-sur-la-Luce au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête M. B et de Mme A est rejetée.

Article 2 : M. B et Mme A verseront ensemble à la commune de Domart-sur-la-Luce une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Marc B, à Mme Geneviève A et à la commune de Domart-sur-la-Luce.

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N°10DA00057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 10DA00057
Date de la décision : 24/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

26-04-01-02 Droits civils et individuels. Droit de propriété. Servitudes. Droit à indemnisation.


Composition du Tribunal
Président : M. Foucher
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : SELARL ENGUÉLÉGUÉLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-03-24;10da00057 ?
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