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22/09/2011 | FRANCE | N°10DA00636

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3 (ter), 22 septembre 2011, 10DA00636


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 mai 2010 et régularisée par la production de l'original le 1er juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Guy A, demeurant ..., par Me Boukheloua, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701657 du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer, en réparation des préjudices qu'il a subis, la somme de 70 000 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser en réparation la somme

de 70 000 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 3 juillet 2007, eux-...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 mai 2010 et régularisée par la production de l'original le 1er juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Guy A, demeurant ..., par Me Boukheloua, avocat ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701657 du 11 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer, en réparation des préjudices qu'il a subis, la somme de 70 000 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser en réparation la somme de 70 000 euros, majorée des intérêts légaux à compter du 3 juillet 2007, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-11 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale ;

Vu le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Antoine Durup de Baleine, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public et les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Boukheloua, pour M. A ;

Ainsi que pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 9 septembre 2011, présentée pour M. A ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : Les jugements sont motivés ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 du même code : La décision (...) / contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives et réglementaires dont elle fait application / (...) ;

Considérant qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué qu'elle vise l'ensemble des mémoires présentés par M. A en première instance ; que, tant par ses visas que par ses motifs, ce jugement analyse les conclusions et moyens présentés par ces mémoires ; qu'en outre et alors qu'il n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments exposés par M. A, il est suffisamment motivé ; qu'il en résulte que les moyens tirés de méconnaissances des dispositions précitées doivent être écartés ;

Considérant, en second lieu, que la circonstance que le jugement attaqué ne vise aucune décision ou mandat donnant compétence à l'agent du rectorat de l'académie de Reims dont les observations orales à l'audience du 25 février 2010 sont visées par le jugement, pour ainsi représenter à cette occasion le recteur d'académie, est sans influence sur la régularité de ce jugement, un tel visa n'étant prescrit par aucune règle de droit ;

Sur les conclusions indemnitaires :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ; qu'indépendamment même de ces dispositions, qui sont issues de l'article 178 de la loi susvisée du 17 janvier 2002 et ne sont entrées en vigueur que le 19 janvier 2002, un agent public est en droit de demander réparation d'agissements répétés de sa hiérarchie excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 7 du décret susvisée du 14 mars 1986 : Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie et de la réintégration à l'issue de ces congés. / (...) / Ils peuvent recourir, s'il y a lieu, au concours d'experts pris en dehors d'eux. (...) / Le secrétariat du comité médical informe le fonctionnaire : / - de la date à laquelle le comité médical examinera son dossier ; / - de ses droits concernant la communication de son dossier et la possibilité de faire entendre le médecin de son choix ; / - des voies de recours possibles devant le comité médical supérieur / (...) ; qu'aux termes de l'article 24 de ce décret : Sous réserve des dispositions de l'article 27 ci-dessous, en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie ; qu'aux termes de son article 25 : Pour obtenir un congé de maladie, ainsi que le renouvellement du congé initialement accordé, le fonctionnaire doit accorder à l'administration dont il relève, par l'intermédiaire de son chef de service, une demande appuyée d'un certificat d'un médecin, d'un chirurgien dentiste ou d'une sage femme. / L'administration peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption du versement de sa rémunération, à cette contre-visite. / Le comité médical compétent peut être saisi, soit par l'administration, soit par l'intéressé, des conclusions du médecin agréé ; qu'aux termes de l'article 34 du même décret : Lorsqu'un chef de service estime, au vu d'une attestation médicale ou sur le rapport de supérieurs hiérarchiques, que l'état de santé d'un fonctionnaire pourrait justifier qu'il lui soit fait application des dispositions de l'article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, il peut provoquer l'examen médical de l'intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l'article 35 ci-dessus. Un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné doit figurer au dossier soumis au comité médical ; que, selon les troisième et quatrième alinéas de l'article 35 : (...) le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l'affection en cause. / Le dossier est ensuite soumis au comité médical compétent (...) ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, fonctionnaire titulaire, professeur certifié de sciences physiques, a fait l'objet, entre le début de l'année scolaire 2000/2001 et le 26 avril 2007, date de la demande indemnitaire préalable adressée au recteur de l'académie d'Amiens, de soixante-douze certificats d'arrêt de travail, pour des durées d'arrêt comprises entre 1 jour et 34 jours et totalisant 1 396 jours ; que les congés de maladie ordinaires dont a ainsi bénéficié M. A ont eu pour effet de le tenir éloigné de son service pendant la quasi-totalité des années scolaires ; que, si M. A soutient que les très nombreux courriers qui lui ont été adressés à compter du mois de novembre 2000, notamment par le rectorat de l'académie d'Amiens, l'inspecteur d'académie, le médecin de prévention ou le secrétariat du comité médical départemental, constituent des agissements répétés de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies précité de la loi du 13 juillet 1983, il résulte toutefois de l'instruction que, par ces courriers, l'administration s'est bornée à user de la possibilité, qu'elle tenait des dispositions règlementaires précitées, de vérifier l'aptitude de M. A à l'exercice de ses fonctions de professeur, en vue en particulier de rechercher s'il y avait lieu de placer cet agent dans les situations de congé de longue maladie ou de congé de longue durée faisant l'objet des 3° et 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, comme de s'assurer, eu égard à leur nombre et à leur caractère systématique, du bien-fondé des certificats d'arrêts de travail produits par l'intéressé ; qu'à cet effet et comme elle le pouvait sur la même base, elle a, à de très nombreuses reprises, demandé à l'intéressé de se rendre auprès d'un médecin en vue d'une contre-visite et d'une expertise médico-psychologique, les certificats d'arrêts de travail émanant d'un médecin psychiatre ; que, toutefois, M. A a systématiquement éludé ces demandes et refusé de se rendre auprès du médecin agréé en vue d'une contre-visite comme de se soumettre à cette expertise, alors même qu'il continuait à présenter des certificats d'arrêts de travail émanant d'un médecin psychiatre ; qu'en conséquence, le comité médical départemental, saisi à plusieurs reprises, n'a pu rendre d'avis sur la situation du requérant ; qu'en présence de tels refus systématiques, l'administration était en droit de réitérer la procédure tendant à la vérification de l'aptitude physique de l'intéressé comme à la vérification du bien-fondé des certificats d'arrêts de travail qui continuaient à être remis par ce dernier ; que ce faisant, elle n'a pas commis à l'égard de M. A d'agissements répétés de harcèlement moral et ce, alors même que certaines des convocations adressées à cet enseignant auraient été, d'après lui, irrégulières ; qu'elle n'a pas non plus commis de tels agissements, ni n'a excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, en demandant à plusieurs reprises à M. A de s'expliquer sur les raisons pour lesquelles il refusait de se plier à ces procédures de contrôle médical, demandes auxquelles n'a pas donné suite le requérant, qui, contrairement à ce qu'il soutient, n'était pas en droit de se soustraire à un tel contrôle ; qu'en déclenchant à l'encontre de ce dernier en 2003 une procédure disciplinaire et en lui infligeant, par décision du 9 avril 2003, la sanction du blâme avec inscription au dossier en raison de ces refus réitérés de se soumettre à ce contrôle médical, le recteur de l'académie d'Amiens s'est borné à user de son pouvoir disciplinaire, sans, ce faisant, commettre des actes relevant d'un harcèlement moral ; qu'il n'a pas, non plus, excédé les limites d'un exercice normal du pouvoir hiérarchique ; qu'il n'en est pas allé différemment lorsque, par plusieurs courriers, le recteur a averti M. A des conséquences, disciplinaires ou pécuniaires, susceptibles de résulter de son attitude ; qu'il n'a commis ni détournement de pouvoir, ni détournement de procédure ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant que la sanction disciplinaire de déplacement d'office prononcée à l'encontre de M. A le 4 octobre 2001 par le recteur de l'académie d'Amiens était motivée par les relations conflictuelles entretenues par l'intéressé avec plusieurs membres de son environnement professionnel et son manquement à plusieurs de ses obligations d'enseignant, et qu'en outre, aucune des pièces produites ne permet de tenir pour avérées les allégations du requérant selon lesquelles cette sanction serait le fruit d'un complot dirigé contre lui par plusieurs proviseurs successifs du lycée où il était affecté avant ce déplacement d'office, certains enseignants de ce lycée et les recteurs successivement en fonction dans l'académie d'Amiens, les premiers juges n'ont, contrairement à ce qui est soutenu, pas dénaturé les pièces du dossier soumis à leur appréciation ; que cette sanction n'a pas participé d'un processus de harcèlement moral dirigé contre M. A et n'a constitué de la part de son auteur qu'un exercice normal de son pouvoir hiérarchique ; que, d'ailleurs, les recours dirigés par M. A à l'encontre de cette sanction disciplinaire, à l'occasion desquels il en contestait la légalité interne, ont été rejetés par un jugement du Tribunal administratif d'Amiens n° 0104225 du 16 novembre 2004 et un arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai n° 05DA00043 du 14 février 2007 ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande M. A à ce titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Guy A et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 10DA00636
Date de la décision : 22/09/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Antoine Durup de Baleine
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : BOUKHELOUA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-09-22;10da00636 ?
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