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08/12/2011 | FRANCE | N°11DA00592

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 08 décembre 2011, 11DA00592


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 19 avril 2011 et régularisée par la production de l'original le 21 avril 2011, présentée pour Mme Rosange B et Mme Pierrette A, demeurant ..., par la SELARL Etienne Noël-Sandra Gosselin Avocats Associés ; Mmes B et A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902660 du 24 février 2011 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser respectivement les sommes de 20 000 euros et de 15 000 euros en

réparation du préjudice causé par le suicide de leur fils et frère, M....

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai par télécopie le 19 avril 2011 et régularisée par la production de l'original le 21 avril 2011, présentée pour Mme Rosange B et Mme Pierrette A, demeurant ..., par la SELARL Etienne Noël-Sandra Gosselin Avocats Associés ; Mmes B et A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902660 du 24 février 2011 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à leur verser respectivement les sommes de 20 000 euros et de 15 000 euros en réparation du préjudice causé par le suicide de leur fils et frère, M. Olivier C, survenu lors de son incarcération au centre pénitentiaire de Liancourt ;

2) de mettre à la charge de l'État les sommes susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller, les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public, et les observations de Me Noël, avocat, pour Mmes B et A ;

Considérant qu'incarcéré au centre pénitentiaire de Liancourt depuis le 12 septembre 2005 où il purgeait une peine d'emprisonnement de douze mois, M. Olivier C a été retrouvé, le 24 mars 2006 à 14 H 05, pendu dans la cellule disciplinaire dans laquelle il avait été placé la veille ; que Mmes B et A, respectivement mère et soeur de la victime, ont demandé à l'Etat la réparation du préjudice moral qu'elles ont subi ; que par jugement en date du 24 février 2011, dont elles relèvent appel, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article D. 251-4 du code de procédure pénale, alors en vigueur au moment des faits de la présente espèce : La liste des personnes présentes au quartier disciplinaire est communiquée quotidiennement à l'équipe médicale. Le médecin examine sur place chaque détenu au moins deux fois par semaine, et aussi souvent qu'il l'estime nécessaire. La sanction est suspendue si le médecin constate que son exécution est de nature à compromettre la santé du détenu. ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une altercation avec un personnel de surveillance le 23 mars 2006 en fin de matinée, M. C, qui avait été blessé au bras, a reçu les premiers soins par le médecin de l'unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) avant d'être transféré au centre hospitalier de Creil pour une prise en charge plus complète, puis d'être admis de nouveau vers 16 H 00 au centre pénitentiaire où il a été placé en quartier disciplinaire ; que s'il résulte du témoignage du médecin de l'UCSA, que M. C ne présentait alors aucun signe de détresse psychologique, ni de tendances suicidaires, il est constant que le soir même de son placement en quartier disciplinaire, l'intéressé a entamé une grève de la faim en se plaignant notamment de l'injustice de la justice ; que le lendemain matin, tout en maintenant son refus de s'alimenter, M. C a refusé d'aller en promenade et a demandé, à six reprises, aux agents de surveillance, à rencontrer un médecin ; que si ceux-ci ont informé l'intéressé qu'il recevrait la visite du médecin dans la journée, il résulte des procès-verbaux d'audition établis par la gendarmerie immédiatement après la constatation de son décès, qu'aucun des médecins de l'équipe médicale de l'UCSA n'a été prévenu de la grève de la faim entreprise par M. C et des multiples demandes d'assistance médicale faites par celui-ci ; qu'aucun médecin n'a dès lors eu la possibilité de visiter l'intéressé avant la visite normale prévue en début d'après-midi à l'occasion de laquelle a été constatée son suicide ; qu'en outre, s'il ressort des différentes déclarations des personnels de surveillance qu'il existait au centre pénitentiaire de Liancourt une procédure d'alerte rapide des services médicaux prévue pour tout détenu entamant une grève de la faim, il résulte de l'instruction que cette procédure, non écrite, faisait l'objet d'interprétations différentes et était ainsi appliquée diversement selon les agents de surveillance en service ; que par ailleurs, ces divergences d'interprétation n'ont pas permis aux médecins de rencontrer M. C avant le début d'après-midi ; que ces dysfonctionnements, qui n'ont pas permis d'éviter le suicide de M. C, révèlent des insuffisances dans l'organisation et le fonctionnement du centre pénitentiaire de Liancourt lesquelles sont constitutives d'une faute de l'administration pénitentiaire de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme B, mère de la victime, et Mme A, la soeur de celui-ci, en leur allouant respectivement une somme de 15 000 euros et de 10 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mmes B et A sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ; qu'en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mmes B et A d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 24 février 2011 du Tribunal administratif d'Amiens est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à Mme B et à Mme A les sommes respectivement de 15 000 euros et de 10 000 euros.

Article 3 : L'Etat versera à Mmes B et A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mmes B et A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Rosange B, à Mme Pierrette A et au garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

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N°11DA00592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA00592
Date de la décision : 08/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-091 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. Nowak
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : SELARL ETIENNE NOEL - SANDRA GOSSELIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-12-08;11da00592 ?
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