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30/12/2011 | FRANCE | N°11DA00604

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des reconduites à la frontière, 30 décembre 2011, 11DA00604


Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la Cour d'annuler le jugement n° 1100750 du 15 mars 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. Benjamin A, a annulé l'arrêté, en date du 10 mars 2011, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de ce dernier et fixé le pays de destination de la reconduite ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME soutient que les d

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Vu la requête, enregistrée le 21 avril 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME demande au président de la Cour d'annuler le jugement n° 1100750 du 15 mars 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. Benjamin A, a annulé l'arrêté, en date du 10 mars 2011, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de ce dernier et fixé le pays de destination de la reconduite ; le PREFET DE LA SEINE-MARITIME soutient que les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont applicables en l'espèce ; que M. A, ressortissant roumain, est entré en France depuis janvier 2010 et gère, depuis mars 2010, la société qu'il a créée ; qu'il n'est titulaire d'aucun titre de séjour ; qu'il ne relève donc pas des dispositions des articles L. 121-1 et L. 121-4 mais du 3° de l'article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en conséquence, les dispositions de l'article R. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne s'appliquent pas ; que, sur le fondement du paragraphe 2-4 de la circulaire ministérielle du 22 décembre 2006 relative aux modalités d'admission au séjour et d'éloignement des ressortissants bulgares ou roumains à partir du 1er janvier 2007, un ressortissant roumain, séjournant depuis plus de trois mois sur le territoire français et exerçant une activité professionnelle sans être titulaire d'un titre de séjour, peut être reconduit à la frontière ; que cette mesure de reconduite est exécutoire sans délai de départ volontaire ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 2007-371 du 21 mars 2007 ;

Vu la décision, en date du 1er septembre 2010, prise en vertu de l'article R. 222-33 du code de justice administrative, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Douai a désigné M. Daniel Mortelecq, président de la 2ème chambre, en tant que juge d'appel des reconduites à la frontière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Daniel Mortelecq, président désigné, les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que, par un arrêté en date du 10 mars 2011, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME a décidé de reconduire à la frontière M. A, ressortissant roumain, et a fixé le pays dont il a la nationalité comme pays de destination, en se fondant sur le 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un jugement en date du 15 mars 2011, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté du 10 mars 2011 ; que le PREFET DE LA SEINE-MARITIME forme régulièrement appel de ce jugement en date du 15 mars 2011 ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : (...) II. - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ; qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l' ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ou de la Confédération suisse a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France (...) ; qu'aux termes de l'article L. 121-2 du même code : (...) Toutefois, demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d'adhésion du pays dont ils sont ressortissants, et sauf si ce traité en stipule autrement, les citoyens de l'Union européenne qui souhaitent exercer en France une activité professionnelle ; qu'aux termes de l' article R. 121-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : I - Sans préjudice des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 121-2, les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne soumis à des mesures transitoires par leur traité d'adhésion qui souhaitent exercer une activité professionnelle en France sont tenus de solliciter la délivrance d'une carte de séjour ainsi que l'autorisation de travail prévue à l'article L. 341-2 du code du travail pour l'exercice d'une activité salariée (...) ; qu'aux termes de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, qu'indépendamment de toute menace pour l'ordre public, un ressortissant communautaire peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement lorsqu'il n 'a pas droit au séjour en application des articles L. 121-1 et L. 121-3 et qu'il entre dans un des cas dans lesquels une telle mesure peut être prise en application du II. de l'article L. 511-1 ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 20 du protocole relatif aux conditions et modalités d'admission de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, les mesures énumérées aux annexes VII dudit protocole sont applicables à la Roumanie, dans les conditions définies dans lesdites annexes, et qu'aux termes du 2 du 1 Libre circulation des personnes de l'annexe VII : Par dérogation aux articles 1er à 6 du règlement CEE n° 1612/68 et jusqu'à la fin de la période de deux ans suivant la date d'adhésion, les Etats membres actuels appliqueront les mesures nationales, ou des mesures résultant d'accords bilatéraux, qui réglementent l'accès des ressortissants roumains à leur marché du travail. Les Etats membres actuels peuvent continuer à appliquer ces mesures jusqu'à la fin de la période de cinq ans suivant la date d'adhésion (...) ; qu'aux termes de l'article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Toutefois, demeurent soumis à la détention d'un titre de séjour durant le temps de validité des mesures transitoires éventuellement prévues en la matière par le traité d'adhésion du pays dont ils sont ressortissants, et sauf si ce traité en stipule autrement, les citoyens de l'Union européenne qui souhaitent exercer en France une activité professionnelle (...) ; qu'il résulte de la combinaison de ces stipulations et dispositions qu'un ressortissant roumain est un ressortissant des Etats membres de l'Union européenne soumis à des mesures transitoires par le traité d'adhésion du pays dont il est ressortissant ; qu'il doit, pendant la période transitoire visée ci-dessus et prévue au 2 du 1 de l'annexe VII au protocole relatif aux conditions et modalités d'admission de la République de Bulgarie à l'Union européenne, lorsqu'il souhaite exercer une activité professionnelle en France, solliciter la délivrance d'une carte de séjour ainsi que l'autorisation de travail prévue à l'article L. 341-2 du code du travail pour une activité salariée ; que, par ailleurs, aucune disposition législative, tirée soit de l'article L. 121-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit du 2° ou du 8° du II de l'article L. 511-1 du même code, ne permet à un préfet de prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre d'un ressortissant communautaire, non astreint à la possession d'un titre de séjour et séjournant en France depuis plus de trois mois, au motif qu'il ne bénéficierait pas d'un droit au séjour, qu'il serait dépourvu de titre de séjour ou que sa présence constituerait une menace pour l'ordre public ; que, lorsqu'un tel ressortissant ne justifie plus, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son arrivée en France, d'un droit au séjour, il appartient au préfet de prendre, le cas échéant, une décision motivée l'obligeant à quitter le territoire français dans les conditions prévues au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment le deuxième alinéa de ce I ; que l'article R. 512-1-1 du même code dispose : La notification des arrêtés de reconduite à la frontière pris à l'encontre des ressortissants mentionnés à l'article L. 121-4 comporte le délai imparti pour quitter le territoire. Sauf urgence, ce délai ne peut être inférieur à un mois ;

Considérant, en l'espèce, qu'il ressort des pièces du dossier, et des propres déclarations de M. A, que celui-ci est entré en France le 3 janvier 2010 ; qu'il est dépourvu de tout titre de séjour et qu'il dirige une société qu'il a créée en mars 2010 ; qu'en application des principes rappelés précédemment, en prenant, le 10 mars 2011, un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de M. A, ressortissant roumain, aux motifs que celui-ci ne bénéficiait pas d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il n'était pas titulaire d'un titre de séjour, et qu'il exerçait une activité professionnelle, le PREFET DE LA SEINE-MARITIME n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, cependant, que les dispositions précitées de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issues du décret n° 2007-371 du 21 mars 2007, ont pour objet d'assurer la transposition du paragraphe 3 de l'article 30 de la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil de l'Union européenne relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ; que, conformément aux objectifs fixés par cette directive, l'indication, dans la notification d'une décision d'éloignement concernant un ressortissant de l'Union européenne, du délai imparti à l'intéressé pour quitter le territoire de l'Etat d'accueil, ne constitue pas une simple mesure d'exécution de la décision d'éloignement, mais un élément constitutif de celle-ci, au même titre que la fixation d'un délai qui ne saurait être inférieur à un mois à compter de la date de notification, à moins qu'une situation d'urgence justifie une réduction de ce délai ; que, dès lors, la méconnaissance des dispositions de l'article R. 512-1-1 est de nature à affecter la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière dont un ressortissant fait l'objet ;

Considérant que, si le PREFET DE LA SEINE-MARITIME affirme que l'intéressé, ressortissant d'un des Etats membres de l'Union Européenne soumis à des mesures transitoires par le traité d'adhésion du pays dont il est le ressortissant, était tenu, en vertu des dispositions de l'article L. 121-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de solliciter, pour exercer une activité professionnelle, un titre de séjour et qu'il ne relève pas, de ce fait, de l'article L. 121-1, et donc pas de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est constant que ce dernier doit être regardé comme ne pouvant justifier, au sens de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, les dispositions de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient que la notification des arrêtés de reconduite à la frontière pris à l'encontre des ressortissants mentionnés à l'article L. 121-4 doit comporter un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à un mois, lui sont applicables ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la notification faite le 10 mars 2011 à M. A, ressortissant roumain, de l'arrêté de reconduite à la frontière pris le même jour par le PREFET DE LA SEINE-MARITIME à son encontre, en application des dispositions des articles L. 121-4 et L. 511-1 II 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'impartit aucun délai à l'intéressé pour quitter le territoire français, ni ne mentionne une quelconque circonstance de nature à justifier l'absence de tout délai ; que, dès lors, en jugeant que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et doit, pour ce motif, être annulé, le juge désigné par le président du Tribunal administratif de Rouen n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête du PREFET DE LA SEINE-MARITIME doit être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DE LA-SEINE MARITIME est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Benjamin A.

Copie sera adressée au PREFET DE LA SEINE-MARITIME.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 11DA00604
Date de la décision : 30/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-02 Étrangers. Reconduite à la frontière. Légalité interne.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Daniel Mortelecq
Rapporteur public ?: M. Marjanovic

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-12-30;11da00604 ?
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