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14/02/2012 | FRANCE | N°11DA00225

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 14 février 2012, 11DA00225


Vu la requête, enregistrée le 11 février 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société à responsabilité limitée ALLIANCE NORD, dont le siège social est situé Voie des Clouets, Parc d'affaires des Portes à Val-de-Reuil (27100), par Me Farcy, avocat ; la SARL ALLIANCE NORD demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0900434-0902363 du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été ass

ujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005 et du rappel de droits de ...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société à responsabilité limitée ALLIANCE NORD, dont le siège social est situé Voie des Clouets, Parc d'affaires des Portes à Val-de-Reuil (27100), par Me Farcy, avocat ; la SARL ALLIANCE NORD demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0900434-0902363 du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2004 et 2005 et du rappel de droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période d'avril 2004 à septembre 2006, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Patrick Minne, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de Me Farcy, avocat, pour la SARL ALLIANCE NORD ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision du 8 juin 2011, le directeur des services fiscaux chargé de la direction de contrôle fiscal Nord a prononcé le dégrèvement, à concurrence de 24 833 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles la SARL ALLIANCE NORD a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005, ainsi que des pénalités y afférentes ; que le litige est, dans cette mesure, dépourvu d'objet ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

Considérant que la SARL ALLIANCE NORD a fait l'acquisition auprès de la Société Intérim Européen (SIE), par des actes enregistrés le 21 décembre 2004 comportant une clause d'entrée en vigueur rétroactive le 1er avril 2004, des fonds de commerce d'entreprise de travail temporaire exploités dans ses agences de Béthune, Lens (Pas-de-Calais) et Valenciennes (Nord) ; que la SARL ALLIANCE NORD, cessionnaire de ces fonds, soutient qu'elle n'a pas été en mesure de les exploiter directement avant le 1er décembre 2004, date de prise d'effet de la garantie financière annuelle imposée aux entrepreneurs de travail temporaire par l'article L. 124-8 du code du travail désormais repris à l'article L. 1251-49 de ce code ; que la société SIE, qui a poursuivi l'exploitation des fonds de commerce du 1er avril au 31 décembre 2004, a, d'une part, rétrocédé à la SARL ALLIANCE NORD le montant des produits encaissés au cours de cette période et, d'autre part, lui a refacturé, toutes taxes comprises, les charges afférentes à l'exploitation des fonds de commerce au titre de la même période ; que l'administration fiscale a remis en cause la déduction, par la société appelante, de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les charges de personnels ainsi refacturées au motif que la société SIE n'avait réalisé aucune opération imposable ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) V. L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de biens ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés. ; qu'aux termes de l'article 271 du même code : I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon les cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...) ;

Considérant que si la SARL ALLIANCE NORD soutient que la société SIE a effectué des prestations de services pour son compte, en qualité de sous-traitant, dans l'attente de l'obtention de la garantie financière lui permettant d'exploiter en son nom propre les fonds de commerce en cause, aucun contrat de sous-traitance, ni aucune autre convention n'a été conclue afin d'organiser les modalités d'exploitation des fonds à compter de la date d'effet de leur acquisition ; qu'aucune prestation de services n'a été, en fait, effectuée au nom de la SARL ALLIANCE NORD ; que la société SIE continuait en réalité à agir en son nom propre à l'égard des tiers, clients et fournisseurs, pour la réalisation de ses propres opérations imposables et ouvrant droit à déduction de la taxe, qu'elle facturait d'ailleurs à ses clients utilisateurs de travail temporaire ; que la seule circonstance que les fonds de commerce constitués par les agences de Béthune, Lens et Valenciennes avaient fait l'objet d'une cession à la SARL ALLIANCE NORD ne caractérise pas l'existence d'une prestation de services effectuée au profit de cette dernière par la société SIE ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration, pour refuser à la société requérante la déduction de la taxe grevant les charges salariales et sociales refacturées par la société SIE, a estimé que ces charges ne correspondaient à aucune prestation de services effectuée à titre onéreux au sens des dispositions précitées de l'article 256 du code général des impôts ;

Considérant, en deuxième lieu, que la SARL ALLIANCE NORD a racheté à la société SIE les agences de Béthune, Lens et Valenciennes et d'autres agences de travail temporaire situées en France ; que, toutefois, dans l'attente de l'obtention par la SARL ALLIANCE NORD de la garantie financière prévue par l'article L. 124-8 du code du travail et sans que cela n'affecte la date d'effet de l'acquisition des fonds de commerce, la société SIE a, à titre transitoire, continué d'exploiter les agences de Béthune, Lens et Valenciennes ; que, dès lors, et alors même que la société SIE était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les charges sociales et salariales en litige, la SARL ALLIANCE NORD avait connaissance de ce que les factures en cause se bornaient à procéder à la rétrocession, par la société SIE, des produits et des charges qu'elle a enregistrés pendant la période transitoire ci-dessus évoquée ; que, par suite, la SARL ALLIANCE NORD n'est pas fondée à soutenir, au regard de l'auteur de la facture et de la prestation facturée, qu'elle ignorait la qualité de non assujetti de l'auteur des factures ;

Considérant, en troisième lieu, que l'exercice des droits à déduction a été légalement remis en cause par le service ; que, par suite, la SARL ALLIANCE NORD ne peut utilement se prévaloir de ce que cette remise en cause porterait atteinte au principe de la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée garanti par les droits national et communautaire ;

Considérant, en dernier lieu, qu'en rappelant que l'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée constitue l'un des mécanismes qui permettent d'atteindre l'objectif de neutralité fiscale et économique qui s'attache à cet impôt, ni l'instruction du 18 février 1981 publiée sous le n° 3 D-81, ni le paragraphe n° 1 de la documentation administrative à jour au 2 novembre 1996 publiée sous le n° 3 D-111 n'ajoute à la loi ; que, par suite, la société appelante n'est pas fondée à se prévaloir de ces doctrines sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Sur les majorations :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, alors applicable : Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a) 40 % en cas de manquement délibéré ; b) 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ;

Considérant qu'en faisant valoir que la SARL ALLIANCE NORD a présenté au cours de la vérification de comptabilité un premier jeu de factures émis par la société SIE ne mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée que sur certaines prestations de services et que ce jeu de factures a été remplacé par un autre, composé de factures rectifiées mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée sur la totalité des prestations de services refacturées par la société SIE à la société requérante, l'administration n'établit pas que cette dernière s'est livrée à des opérations de nature à égarer ou restreindre le pouvoir de contrôle du vérificateur, dès lors que c'est à la demande de ce dernier qu'un second jeu de factures a été produit ; qu'en revanche, les faits relevés par le service sont de nature à conclure que la SARL ALLIANCE NORD ne pouvait, ni ignorer n'avoir bénéficié d'aucune prestation de service de la part de la société SIE, ni ignorer la qualité de non-assujettie de cette dernière en raison des liens de capital et de la communauté d'organes de direction qui les unissent ; que, ce faisant, le ministre intimé établit l'intention de la société requérante de bénéficier de droits à déduction abusifs ; que la position prise par l'administration à l'égard d'un autre contribuable s'étant trouvé dans la même situation est sans incidence sur le bien-fondé des majorations qui ont été appliquées à la société requérante ; qu'il y a lieu, par suite, de substituer aux majorations pour manoeuvres frauduleuses les pénalités pour mauvaise foi prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL ALLIANCE NORD est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a refusé de la décharger des majorations pour manoeuvres frauduleuses qui lui ont été appliquées en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL ALLIANCE NORD et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : A concurrence de la somme de 24 833 euros, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SARL ALLIANCE NORD tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005, ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 2 : Le taux de 80 % des majorations afférentes au rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui a été réclamé à la SARL ALLIANCE NORD au titre de la période d'avril 2004 à septembre 2006 est ramené à 40 %.

Article 3 : La SARL ALLIANCE NORD est déchargée des majorations qui lui ont été infligées dans les conditions prévues à l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le jugement nos 0900434-0902363 du 2 décembre 2010 du Tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à la SARL ALLIANCE NORD en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL ALLIANCE NORD est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL ALLIANCE NORD et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Nord.

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N°11DA00225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 11DA00225
Date de la décision : 14/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-08-03-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Déductions. Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : M. Durand
Rapporteur ?: M. Patrick Minne
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SELARL GUY FARCY-OLIVIER HORRIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-02-14;11da00225 ?
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