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27/03/2012 | FRANCE | N°10DA00683

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 27 mars 2012, 10DA00683


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 8 juin 2010 et régularisée par la production de l'original le 11 juin 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE (CREA), dont le siège est situé 14 bis avenue Pasteur à Rouen (76000), par Me Cabanes, avocat ; la CREA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702623 du 2 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à la société MDO France Mobilier une somme de 215 136,65 euros, avec intérêts au t

aux légal à compter du 4 octobre 2007 ;

2°) de rejeter la demande de la s...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 8 juin 2010 et régularisée par la production de l'original le 11 juin 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE (CREA), dont le siège est situé 14 bis avenue Pasteur à Rouen (76000), par Me Cabanes, avocat ; la CREA demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702623 du 2 avril 2010 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à verser à la société MDO France Mobilier une somme de 215 136,65 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 2007 ;

2°) de rejeter la demande de la société MDO France Mobilier ;

3°) de condamner la société MDO France Mobilier à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de Me Michelin, avocat, pour la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE ;

Considérant que, par marché à prix unitaires du 28 juillet 2000, la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE (CREA) a confié à la société MDO France Mobilier, groupée conjointement avec la société JC Decaux, la réalisation des abris et stations du réseau de transports en commun en site propre de l'agglomération rouennaise " TEOR " ; que le lot n° 1, relatif à la construction et la pose des abris et stations, a été, au sein du groupement, confié à la société MDO France Mobilier ; que, par deux avenants des 31 juillet 2000 et 28 février 2002, les délais d'exécution de ce lot n° 1 ont été portés de 8,5 mois à 14 mois, puis à 40,5 mois ; que l'avenant n° 1 a, en outre, procédé à une réduction de la masse des travaux à la suite de modifications du projet ; que la société CREA relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamnée à indemniser la société MDO France Mobilier des préjudices résultant pour elle de cette diminution de la masse des travaux ; que, par la voie de l'appel incident, la société MDO France Mobilier demande la réformation de ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires ;

Sur la recevabilité de l'appel incident de la société MDO France Mobilier :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, dont les dispositions sont applicables aux instances d'appel : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) " ; qu'il ressort de l'examen du mémoire d'appel incident présenté par la société MDO France Mobilier que celui-ci comporte une critique des motifs retenus par le premier juge pour écarter ses demandes, ainsi que l'énoncé des faits de l'espèce et de moyens présentés au soutien de conclusions incidentes ; que, par suite, lesdites conclusions sont suffisamment motivées au regard des exigences posées par les dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la CREA doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le mémoire produit par la société MDO France Mobilier et enregistré le 2 mars 2010 a été communiqué aux parties après que l'instruction de l'affaire a été rouverte par ordonnance du 2 mars 2010 ; que la CREA n'est donc pas fondée à soutenir que ce mémoire a été communiqué en méconnaissance des dispositions de l'article R. 613-3 du code de justice administrative ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le mémoire et la note en délibéré produits par la CREA et enregistrés respectivement les 5 et 11 mars 2010 ont été visés par le jugement attaqué, ainsi que les moyens nouveaux qu'ils comportaient ;

Considérant, enfin, que la circonstance que la communication à la CREA du mémoire produit le 2 mars 2010 par la société MDO France Mobilier n'ait pas donné lieu à un report de la clôture de l'instruction, fixée trois jours francs avant l'audience du 11 mars 2010, n'a pas eu pour effet d'entacher le jugement d'irrégularité dès lors, d'une part, que ce mémoire qui répondait à une fin de non-recevoir soulevée par la CREA ne contenait pas de conclusions nouvelles et, d'autre part, que la CREA a pu y répliquer par un mémoire enregistré le 5 mars 2010 ;

Sur les droits à indemnisation de la société MDO France Mobilier :

En ce qui concerne l'allongement des délais d'exécution :

Considérant que si la signature, par la société MDO France Mobilier, des deux avenants de prolongation des délais d'exécution du marché n'a pas eu, à elle seule, pour effet de lui interdire de demander l'indemnisation des préjudices qu'ont pu lui causer ces allongements de délais, toutefois, en l'espèce, la société MDO France Mobilier n'établit pas, par la seule production des justificatifs des salaires d'un responsable de travaux et d'un directeur de production, que l'allongement des délais d'exécution a engendré, pour elle, des coûts non inclus dans ses prix unitaires ; qu'elle n'est donc pas fondée à se plaindre du rejet de ses demandes sur ce point par le jugement attaqué ;

En ce qui concerne la diminution de la masse des travaux :

Considérant qu'aux termes de l'article 16 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : " 1. Si la diminution de la masse des travaux est supérieure à la diminution limite définie à l'alinéa suivant, l'entrepreneur a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu'il a éventuellement subi du fait de cette diminution au-delà de la diminution limite. La diminution limite est fixée : (...) pour un marché sur prix unitaires, au cinquième de la masse initiale (...). " ; qu'il résulte clairement de ces stipulations que la diminution limite de la masse des travaux doit être appréciée dans le cadre d'un seul marché ;

Considérant qu'il est constant que, suite aux modifications apportées à l'opération, la masse des travaux objets du marché, initialement fixée à la somme de 3 864 629,54 euros, a été réduite à hauteur de 1 615 390,40 euros, soit 2 249 239,14 euros de travaux non réalisés représentant 41,8 % du montant initial ; que, pour soutenir que la société MDO France Mobilier n'aurait aucun droit à indemnisation de ce chef, la CREA ne peut donc utilement se prévaloir de ce que, par un second marché attribué en 2005, la société MDO France Mobilier s'est vu confier l'achèvement, à concurrence de 90 %, des travaux initialement prévus par le marché en litige ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CREA n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges l'ont condamnée à indemniser la société MDO France Mobilier à hauteur d'une somme de 179 939,13 euros, correspondant à l'application, sur la fraction des travaux non réalisés dépassant la diminution limite, d'un taux de marge de 10 %, que la société MDO France Mobilier ne conteste pas en appel ;

Considérant que si la société MDO France Mobilier soutient, en outre, que la diminution de la masse des travaux l'aurait mise dans l'impossibilité d'amortir les prototypes développés pour le marché initial, il résulte de l'instruction que le marché conclu en 2005 pour l'achèvement de l'opération " TEOR " lui a permis de réaliser la construction et la pose de 90 % du total des abris et stations prévus initialement au marché en litige ; que, dans ces conditions, le solde d'amortissement dont elle fait état, au demeurant sans produire de justificatifs de son montant, n'est pas établi ; que la CREA est donc fondée à demander la réformation du jugement attaqué sur ce point et le rejet des demandes de la société MDO France Mobilier ;

Considérant, enfin, que si la société MDO France Mobilier soutient que la diminution de la masse des travaux a engendré des pertes, sous forme d'achat de matières premières non utilisées et non réutilisables, elle n'établit pas l'existence de ce préjudice alors, qu'ainsi qu'il a été dit, elle s'est vu confier, par le marché conclu en 2005, la réalisation d'abris et stations identiques à celles objet du marché en litige, à hauteur de 90 % de ceux prévus dans le marché initial ; que c'est donc à bon droit que ses conclusions ont été sur ce point rejetées ;

En ce qui concerne l'atteinte à l'image :

Considérant que, pas plus en appel qu'en première instance, la société MDO France Mobilier n'établit que les conditions de l'exécution du marché en litige lui auraient causé un préjudice en termes d'image commerciale ;

En ce qui concerne les frais de caution de garantie :

Considérant que la société MDO France Mobilier n'établit pas, par les pièces qu'elle produit et qui ne font aucune référence au marché en litige, que l'allongement des délais d'exécution du marché aurait engendré des frais de caution de garantie ; qu'au surplus, la CREA soutient, sans être contestée, avoir restitué la caution afférente à ce marché ;

En ce qui concerne le solde du marché :

Considérant que la société MDO France Mobilier n'établit, pas plus en appel qu'en première instance, que la CREA resterait redevable du paiement d'une somme de 37 293,25 euros au titre du solde du marché en litige, par la seule production d'une situation de fin de travaux contredite par le décompte final, établi postérieurement par le maître d'oeuvre et arrêté, après diverses réfactions pour non exécution, à la somme de 5 844,59 euros dont il est constant qu'elle a été payée à la société MDO France Mobilier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE a été condamnée à verser à la société MDO France Mobilier doit être ramenée à la somme de 179 939,13 euros ; que le surplus des conclusions de la requête ainsi que l'appel incident de la société MDO France Mobilier doivent être rejetés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société MDO France Mobilier doivent, dès lors, être rejetées ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société MDO France Mobilier une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE a été condamnée à verser à la société MDO France Mobilier est ramenée de la somme de 215 136,65 euros à la somme de 179 939,13 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE est rejeté.

Article 3 : Le jugement n° 0702623 du tribunal administratif de Rouen en date du 2 avril 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La société MDO France Mobilier versera à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société MDO France Mobilier est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION ROUEN ELBEUF AUSTREBERTHE et à la société MDO France Mobilier.

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N°10DA00683


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10DA00683
Date de la décision : 27/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Indemnités.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : CABINET CABANES ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-03-27;10da00683 ?
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