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27/03/2012 | FRANCE | N°11DA01732

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 27 mars 2012, 11DA01732


Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée par LE PREFET DU NORD ; le préfet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103535 du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille, a annulé son arrêté du 28 janvier 2011 refusant à M. Mohamed Reda A, un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement, et l'a c

ondamné à verser à Me Danset-Vergoten, avocat de M. A, sous réserve qu'il...

Vu la requête, enregistrée le 16 novembre 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée par LE PREFET DU NORD ; le préfet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1103535 du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille, a annulé son arrêté du 28 janvier 2011 refusant à M. Mohamed Reda A, un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans le délai d'un mois suivant la notification du jugement, et l'a condamné à verser à Me Danset-Vergoten, avocat de M. A, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Lille ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifiés ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

Considérant que le PREFET DU NORD relève appel du jugement en date du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté du 28 janvier 2011 refusant à M. Mohamed Reda A, ressortissant algérien né le 14 février 1981, la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il est constant que le 9 juin 2011, antérieurement à l'enregistrement le 17 juin 2011 de la demande de M. A par le greffe du tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de l'arrêté du PREFET DU NORD en date du 28 janvier 2011 rejetant sa demande de titre de séjour " conjoint de français ", le préfet a délivré à ce dernier un titre de séjour temporaire portant la mention " visiteur " valable du 19 avril 2011 au 10 avril 2012 ; que la délivrance de ce titre de séjour ayant eu pour effet d'abroger l'arrêté du 28 janvier 2011 du PREFET DU NORD en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et qu'il fixe le pays de destination, la demande de M. A tendant à l'annulation dudit arrêté n'était pas recevable ; que, par suite, le jugement attaqué, en tant qu'il a statué sur ce chef de conclusions, est irrégulier et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer partiellement et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Lille tendant à l'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire et de celle fixant le pays de destination ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, que la demande de M. A tendant à l'annulation desdites décisions n'est pas recevable ;

Sur le refus de séjour :

Considérant que la demande de titre de séjour présentée le 22 décembre 2010 par M. A au PREFET DU NORD a été présentée en qualité de conjoint de français marié depuis moins d'un an ou de trois ans ; que dans les renseignements relatifs aux attaches familiales du demandeur, M. A n'a à aucun moment fait état de la pathologie dont souffre son épouse et n'a porté cette information à la connaissance du préfet qu'à l'occasion du recours gracieux formé le 24 février 2011 contre l'arrêté du 28 janvier 2011 ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date de l'arrêté attaqué, le PREFET DU NORD était en mesure de prendre en compte un élément de la situation personnelle de M. A dont celui-ci n'avait pas fait état et qui ne ressortait pas des pièces du dossier ; que, par ailleurs, compte tenu de la situation de M. A, qui avait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement à laquelle il n'avait pas déféré, des conditions incertaines entourant son séjour en France et du caractère récent de son mariage et nonobstant la promesse d'embauche, les liens sociaux et la connaissance de la langue française évoqués, le PREFET DU NORD est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Lille, pour annuler son arrêté du 28 janvier 2011 portant refus de titre de séjour, s'est fondé à tort sur le motif tiré de ce que le refus de titre de séjour était entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il appartient, toutefois, au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A à l'encontre de la décision lui refusant le séjour, tant devant le président du tribunal administratif de Lille que devant la cour ;

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 24 février 2010 publié le même jour au recueil n° 9 des actes administratifs de la préfecture, le PREFET DU NORD a donné à M. Yves B, directeur de l'immigration et de l'intégration, délégation pour signer les décisions relevant de ses attributions et, notamment, les décisions portant refus de séjour ; que, par cette délégation, M. Yves B était compétent pour prendre la décision attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, modifiée, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " (...) Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision de refus de séjour, qui vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'accord franco-algérien et les articles L. 511-1, I, L. 511-4 et L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui relate les conditions d'entrée en France de M. A et le fait qu'il a, selon ses déclarations, quitté la France en 2001 pour l'Angleterre avant de revenir en 2007, qui précise qu'il a épousé une ressortissante française, qui explique en quoi il ne peut obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint de français et en quoi il n'est pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, et est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a déclaré le 3 juin 2008 aux services de la gendarmerie nationale, être entré en Belgique en mai 2000 au moyen d'un visa touristique avant d'entrer en France puis, dès juin ou juillet 2001, être entré clandestinement en Angleterre, avant de revenir en France en juillet 2007 ; que, si M. A fait valoir qu'il a fait de fausses déclarations et qu'il était présent de façon continue en France depuis 2000, il doit être regardé, compte tenu du caractère détaillé, précis et circonstancié de ses déclarations, et en l'absence d'autre élément de nature à démontrer qu'il résiderait en France depuis plus de dix ans, comme étant entré en France clandestinement pour la dernière fois en 2007 ; qu'il suit de là qu'il n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 6 -1) de l'accord franco-algérien précité ;

Considérant, ainsi qu'il vient d'être dit, que M. A n'établit pas être entré régulièrement en France ; que, par suite, il n'est pas fondé à se prévaloir des stipulations de l'article 6-2) de l'accord franco-algérien précité ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a épousé le 9 octobre 2010, une ressortissante française ; que, contrairement à ses allégations, l'intéressé ne démontre pas une communauté de vie antérieure au mariage, lequel est récent à la date de la décision attaquée ; que M. A n'établit pas davantage être dépourvu d'attaches familiales dans son pays où il a au moins vécu jusqu'à l'âge de 19 ans et où résident encore ses parents ainsi que ses frères et soeurs ; que, par ailleurs, il n'a en tout état de cause pas fait état dans sa demande de titre de séjour de la présence de la fille de son épouse dont il s'occuperait ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que la décision de refus de séjour du PREFET DU NORD porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en quatrième lieu, que, si M. A se prévaut de la naissance d'un enfant, de nationalité française, celle-ci, postérieure à la décision de refus de séjour, est sans incidence sur sa légalité ;

Considérant, enfin, que la circonstance que M. A a obtenu un titre de séjour " visiteur " ne lui permettant pas de travailler est sans incidence sur la légalité de l'arrêté lui refusant un titre de séjour " conjoint de français " ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du PREFET DU NORD du 28 janvier 2011 en tant qu'il lui refuse le séjour ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. A aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1103535 du 4 octobre 2011 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande de M. A est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration et à M. Mohamed Reda A.

Copie sera transmise au PREFET DU NORD.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 11DA01732
Date de la décision : 27/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Durand
Rapporteur ?: M. Michel (AC) Durand
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : TRINITY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-03-27;11da01732 ?
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