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13/08/2012 | FRANCE | N°11DA01384

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 13 août 2012, 11DA01384


Vu la requête, enregistrée le 16 août 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie et régularisée par la production de l'original le 19 août 2011, présentée pour la SOCIETE EASY EOLIENNE, dont le siège est 10 rue des Monts panneaux à Carpiquet (14650), et pour la SELARL BRUNO CAMBON, mandataires judiciaires, dont le siège est 30-32 rue Gambetta à Coutances (50200), par la Selarl Huglo Lepage et associés conseil, avocat ; la SOCIETE EASY EOLIENNE et la SELARL BRUNO CAMBON demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900020 du 16 juin 20

11 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande...

Vu la requête, enregistrée le 16 août 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai par télécopie et régularisée par la production de l'original le 19 août 2011, présentée pour la SOCIETE EASY EOLIENNE, dont le siège est 10 rue des Monts panneaux à Carpiquet (14650), et pour la SELARL BRUNO CAMBON, mandataires judiciaires, dont le siège est 30-32 rue Gambetta à Coutances (50200), par la Selarl Huglo Lepage et associés conseil, avocat ; la SOCIETE EASY EOLIENNE et la SELARL BRUNO CAMBON demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900020 du 16 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. Thierry A, le permis de construire tacite dont elle était titulaire depuis le 6 octobre 2007 pour la réalisation de deux éoliennes d'une hauteur de 49,90 mètres et d'une puissance de 1,25 MW chacune sur le territoire de la commune de Toutainville et la décision du 5 novembre 2008 du préfet de l'Eure rejetant le recours gracieux dirigé contre ce permis ;

2°) de rejeter la demande de M. A ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour l'application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme, et notamment son article 26 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hubert Delesalle, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Xavier Larue, rapporteur public ;

Considérant que, le 6 juillet 2007, la SOCIETE EASY EOLIENNE a déposé un dossier de demande de permis de construire en vue de la construction de deux éoliennes comportant un mât de 49,90 mètres de hauteur sur le territoire de la commune de Toutainville ; que, le 31 octobre 2008, M. A a formé un recours gracieux dirigé contre l'autorisation tacite qui délivrée à la société pétitionnaire, rejeté par le préfet de l'Eure le 5 novembre 2008 ; qu'il a alors saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ; que la SOCIETE EASY EOLIENNE et la SELARL BRUNO CAMBON, mandataires judiciaires désignés dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de cette société, relèvent appel du jugement du 16 juin 2011 par lequel ce tribunal a fait droit aux demandes de M. A ;

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

Considérant, d'une part, qu'eu égard à la nature du projet, d'une hauteur de plus de 80 mètres, pales comprises, et au lieu de son implantation, sur un terrain plat et dépourvu d'élément faisant obstacle à sa vue depuis la propriété de M. A située à environ 800 mètres, ce dernier justifiait d'un intérêt à agir contre le permis de construire tacite délivré le 6 octobre 2007 ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre (...) d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 " ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis de construire en litige ait fait l'objet d'un affichage régulier avant le 12 septembre 2008 ; que ni le courrier adressé au préfet le 1er août 2008 par M. A qui n'y formulait aucun recours gracieux, ni le procès-verbal de constat d'huissier établi au demeurant à la demande de la seule commune de Toutainville le 27 août 2008 afin de faire constater l'irrégularité de l'affichage du permis de construire n'ont été de nature à faire courir les délais de recours contentieux à l'encontre de l'intéressé ; que son recours gracieux adressé au préfet le 31 octobre 2008 a prorogé le délai de recours contentieux, qui n'avait commencé à courir au plus tôt qu'à compter du 12 septembre 2008 ; que, par ailleurs, n'a pas fait obstacle à cette prorogation du délai de recours en faveur de M. A, la circonstance que le délai de trois mois ouvert au préfet de l'Eure pour procéder au retrait de l'autorisation en vertu de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme était alors expiré ; que, dans ces conditions, M. A disposait d'un délai de deux mois à compter de la notification de la décision du 5 novembre 2008 du préfet de l'Eure rejetant son recours et l'informant des voies et délais de recours pour saisir la juridiction administrative ; que sa demande d'annulation, enregistrée le 6 janvier 2009 au greffe du tribunal administratif de Rouen, n'était donc pas tardive ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de cette demande doit être écartée ;

Sur la légalité des décisions :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation ; que, dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance ; que dans le cas où il estime, en revanche, qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens ; qu'il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 122-9 du code de l'environnement : " Pour les travaux et projets d'aménagements définis au présent article, la dispense, prévue aux articles R. 122-5 à R. 122-8, de la procédure d'étude d'impact est subordonnée à l'élaboration d'une notice indiquant les incidences éventuelles de ceux-ci sur l'environnement et les conditions dans lesquelles l'opération projetée satisfait aux préoccupations d'environnement : / (...) / 13° Travaux d'installation des ouvrages de production d'énergie éolienne dont la hauteur du mât est inférieure ou égale à 50 mètres " ;

Considérant que, s'agissant des nuisances sonores engendrées par le projet, la notice d'impact jointe au permis de construire se bornait à donner des indications en des termes généraux sans caractériser les bruits engendrés précisément par le projet ; que ces éléments ne pouvaient être regardés, en l'espèce, comme permettant d'informer le service instructeur des incidences du projet sur l'environnement ; que la direction des affaires sanitaires et sociales, dans son avis du 19 septembre 2007, a ainsi relevé que la société pétitionnaire n'apportait pas " d'éléments concrets " sur cette question ; que ce n'est d'ailleurs qu'à la faveur d'une étude d'impact acoustique complémentaire, réalisée par la société pétitionnaire le 21 décembre 2007, que le même service a émis un avis favorable au projet ; que, toutefois, ce complément d'étude n'a pas d'incidence sur la légalité du permis tacite, dès lors que celle-ci doit s'apprécier à la date de son édiction ; que, par suite, la notice d'impact produite ne satisfaisait pas, ainsi, aux exigences de l'article R. 122-9 du code de l'urbanisme ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme en vigueur à la date du dépôt de la demande de permis de construire : " Le service chargé de l'instruction de la demande procède, au nom de l'autorité compétente pour statuer, à cette instruction et recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur. / (...) Sous réserve des dispositions particulières à la consultation des autorités appelées à émettre un avis ou à donner un accord en application des articles R. 421-38-2 et suivants, tous services, autorités ou commissions qui n'ont pas fait connaître leur réponse motivée dans le délai d'un mois à dater de la réception de la demande d'avis, sont réputés avoir émis un avis favorable (...) " ;

Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; qu'une consultation, même facultative, n'est régulière que si l'organisme consulté a été destinataire de l'ensemble des éléments lui permettant d'émettre un avis en toute connaissance de cause ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la direction régionale de l'environnement de la région Haute-Normandie a été saisie, par un courrier du 8 août 2008 du service instructeur, du dossier de demande de permis de construire présenté par la SOCIETE EASY EOLIENNE ; qu'il est constant que plus d'un mois s'est écoulé à compter de sa saisine au terme duquel son avis devait être réputé favorable conformément aux dispositions de l'article R. 421-15 du code de l'urbanisme ; qu'il ressort de l'avis explicite émis le 11 février 2008 par ce service que le dossier de demande de permis de construire de la SOCIETE EASY EOLIENNE, qui lui avait été transmis par la direction départementale de l'équipement de l'Eure, ne comportait pas la notice d'impact ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce service aurait été effectivement destinataire de ce document lors de sa saisine et l'aurait égaré, ainsi que le soutiennent les sociétés appelantes ; que son avis favorable est ainsi intervenu au terme d'une procédure irrégulière ; que, toutefois, eu égard à la double circonstance que cet avis n'a été acquis qu'à la faveur de l'écoulement d'un délai d'un mois et que l'avis explicite défavorable est lui-même intervenu sans que la direction régionale de l'environnement ne soit davantage en possession de la notice d'impact, ce vice de procédure ne peut être regardé, en l'espèce, comme ayant été de nature à influencer le sens de la décision ; qu'il n'a pas davantage privé les intéressés d'une garantie ; que, par suite, le moyen tiré d'un vice de procédure n'est pas fondé et doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE EASY EOLIENNE et la SELARL BRUNO CAMBON ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. A les décisions des 6 octobre 2007 et 5 novembre 2008 du préfet de l'Eure ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées aux titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE EASY EOLIENNE et de la SELARL BRUNO CAMBON le versement à M. A d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE EASY EOLIENNE et de la SELARL BRUNO CAMBON est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE EASY EOLIENNE et la SELARL BRUNO CAMBON verseront à M. A une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE EASY EOLIENNE, à la SELARL BRUNO CAMBON, mandataires judiciaires, à M. Thierry A et au ministre de l'égalité des territoires et du logement.

Copie sera adressée pour information au préfet de l'Eure.

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N°11DA01384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11DA01384
Date de la décision : 13/08/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Procédure d'attribution. Instruction de la demande.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Hubert Delesalle
Rapporteur public ?: M. Larue
Avocat(s) : SELARL HUGLO LEPAGE et ASSOCIÉS CONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-08-13;11da01384 ?
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