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02/10/2012 | FRANCE | N°11DA01057

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 02 octobre 2012, 11DA01057


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 5 juillet 2011 et régularisée par la production de l'original le 7 juillet 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société PEINTURE NORMANDIE, dont le siège social est situé 1 rue Léon Maletra à Rouen (76100), par Me Barrabé, avocat ; elle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903247 du 5 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen, après avoir partiellement admis sa demande à concurrence des sommes de 3 759,99 euros (TTC), augmentée de l'intérêt au taux légal

à compter du 8 décembre 2008, et de 1 174,80 euros (TTC), augmentée des intér...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 5 juillet 2011 et régularisée par la production de l'original le 7 juillet 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société PEINTURE NORMANDIE, dont le siège social est situé 1 rue Léon Maletra à Rouen (76100), par Me Barrabé, avocat ; elle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903247 du 5 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen, après avoir partiellement admis sa demande à concurrence des sommes de 3 759,99 euros (TTC), augmentée de l'intérêt au taux légal à compter du 8 décembre 2008, et de 1 174,80 euros (TTC), augmentée des intérêts moratoires complémentaires, a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 31 558,30 euros, majorée des intérêts moratoires à compter du 9 octobre 2008, capitalisés conformément aux principes dont s'inspire l'article 1154 du code civil ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le décret n° 2001-738 du 23 août 2001 ;

Vu le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Gaspon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public ;

Considérant que, par un acte d'engagement accepté le 5 mai 2006, l'Etat, représenté par le recteur de l'académie de Rouen, a confié à la société PEINTURE NORMANDIE les travaux du lot n° 8 de la construction d'un restaurant universitaire à Evreux pour un montant à prix ferme, global et forfaitaire, hors options, de 70 730,42 euros (HT) (84 593,58 euros TTC) ; que, par l'ordre de service n° 1 du 8 juin 2006, la durée globale des travaux de ce lot a été fixée à 10 mois à compter du 12 juin 2006 ; que, par les ordres de service n° 2 et n° 3, en dates des 13 décembre 2006 et 24 avril 2007, les travaux ont été ajournés jusqu'au 11 mai 2007, en raison du dépôt de bilan de l'entreprise titulaire du lot n° 2 ; que la société PEINTURE NORMANDIE a émis des réserves sur les conséquences financières de cet ajournement, par un courrier du 15 décembre 2006 adressé au maître d'oeuvre ; que, par l'ordre de service n° 6 du 14 juin 2007, le maître d'oeuvre a invité la société PEINTURE NORMANDIE à démarrer les travaux prévus à son marché et relatifs au lot n° 8 en fixant la date de démarrage des travaux au 18 juin 2007 ; que la réception des travaux du lot n° 8 a été prononcée le 17 avril 2008, avec effet au 12 mars précédent ; que la société PEINTURE NORMANDIE a adressé au maître d'oeuvre son projet de décompte final le 10 juin 2008 en l'assortissant d'une réclamation ; que le décompte général, notifié à la société le 4 octobre 2008, ne prenant pas en compte sa demande indemnitaire, la société PEINTURE NORMANDIE a saisi le maître d'ouvrage d'une réclamation qui a été implicitement rejetée ; qu'elle relève appel du jugement du 5 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen, après avoir partiellement admis sa demande, a rejeté le surplus de ses conclusions ;

Sur le règlement du marché :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 17 du code des marchés publics, applicable en l'espèce : " (...) Un marché est conclu à prix ferme dans le cas où cette forme de prix n'est pas de nature à exposer à des aléas majeurs le titulaire ou la personne publique contractante du fait de l'évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d'exécution des prestations. Le prix ferme est actualisable dans des conditions fixées par décret. " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 23 août 2001, pris en application de l'article 17 du code des marchés publics : " Lorsqu'un marché est conclu à prix ferme pour des fournitures ou services autres que courants ou pour des travaux, il doit prévoir : - que ce prix sera actualisé si un délai supérieur à trois mois s'écoule entre la date d'établissement du prix figurant dans le marché et la date d'effet de l'acte portant commencement d'exécution des prestations ; - que l'actualisation se fera aux conditions économiques correspondant à une date antérieure de trois mois à la date d'effet de l'acte portant commencement d'exécution des prestations (...) " ; qu'aux termes de l'article 10.42 du cahier des clauses administratives générales applicables au marché dont s'agit : " Les prix fermes sont actualisés dans les conditions prévues par la réglementation en vigueur le premier jour du mois d'établissement des prix, sauf si le marché exclut cette actualisation ou s'il ne contient pas les éléments nécessaires à celle-ci " ; que les dispositions et stipulations précitées ne prévoient pas, en cas de marché conclu à prix ferme, d'autre actualisation du prix que celle susceptible d'intervenir si un délai supérieur à trois mois s'écoule entre la date d'établissement du prix figurant dans le marché et la date d'effet de l'acte portant commencement d'exécution des prestations, soit la notification du marché, si celle-ci est la date retenue pour le commencement de l'exécution des prestations, ou tout autre date convenue par les parties pour ce commencement ; qu'ainsi, la date de début d'exécution matérielle des prestations est sans incidence sur les modalités d'actualisation du prix ;

Considérant qu'en l'espèce, contrairement à ce qu'elle prétend, la société PEINTURE NORMANDIE, en demandant une " indemnité compensatrice de l'inflation ", n'a pu fonder cette demande que sur le dispositif précité d'actualisation du prix du marché conclu à prix ferme ; que le prix du marché a été établi en décembre 2005 ; que, par l'effet de l'ajournement du démarrage des travaux du lot n° 8 résultant successivement des ordres de service n° 2 et n° 3, l'acte portant commencement d'exécution des prestations de ce lot est l'ordre de service n° 6 dont la date d'effet a été fixée par le maître d'oeuvre au 18 juin 2007 ; que, par suite, la société PEINTURE NORMANDIE n'est pas fondée à soutenir que le tribunal a commis une erreur de droit en arrêtant l'actualisation du marché, par les motifs qu'il a retenus et qu'il convient d'adopter, à la somme de 3 537,73 euros ;

Considérant que, si l'Etat soutient, par la voie de l'appel incident, que l'ordre de service n° 1 porte commencement d'exécution des travaux avec une date d'effet au 12 juin 2006, il ne résulte pas de l'instruction que cet ordre de service a produit des effets juridiques dès lors que les travaux du lot n° 8 n'ont pas été interrompus, mais leur démarrage ajourné et leur exécution différée par les ordres de service n° 2 et n° 3 ; que c'est donc sans erreur de droit sur ce point que le tribunal administratif a procédé à l'actualisation du marché aux conditions économiques correspondant à l'indice BT de mars 2007, date antérieure de trois mois à la date d'effet du 18 juin 2007 fixée par l'ordre de service n° 6 portant commencement d'exécution des prestations du lot n° 8 en cause ; qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions incidentes de l'Etat doivent être rejetées ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par l'ordre de service n° 1 du 8 juin 2006, la durée globale des travaux du lot n° 8 a été fixée à 10 mois à compter du 12 juin 2006 ; qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir ajourné les travaux, par ordres de service successifs des 13 décembre 2006 et 24 avril 2007, le maître d'oeuvre a finalement invité la société PEINTURE NORMANDIE à démarrer les travaux contractuels du lot n° 8 en fixant la date d'effet de cet ordre au 18 juin 2007 ; qu'il résulte également des termes de la décision de réception des travaux que ceux-ci ont été achevés le 12 mars 2008 ; que, si le décalage du délai d'exécution contractuel n'est pas imputable à la société PEINTURE NORMANDIE, cette dernière, qui n'établit pas avoir été dans l'impossibilité d'allouer ses moyens de production à d'autres chantiers durant la période en cause, ne justifie pas de la perte d'industrie alléguée ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à se plaindre du rejet, par le tribunal administratif, de ses conclusions en indemnisation de la perte d'industrie subie en 2006 du fait du décalage d'exécution des travaux contractuels ;

Considérant, en troisième lieu, que s'agissant de l'indemnisation du déplacement inutile d'une équipe d'intervention, il résulte de l'instruction, notamment de la note détaillée établie le 21 juillet 2008 par l'architecte conducteur d'opération de la direction départementale de l'équipement de l'Eure, que l'intervention de la société PEINTURE NORMANDIE, initialement prévue à une date antérieure, à laquelle l'approvisionnement en eau du chantier était assuré, a été reportée du fait d'indisponibilité de l'entreprise et que la coupure d'eau évoquée a été réparée dans la matinée d'intervention ; que la société requérante ne conteste pas utilement cette analyse en se bornant à faire valoir en termes généraux, au soutien de sa demande, que l'approvisionnement en eau du chantier est une obligation légale et que son équipe est repartie sans pouvoir travailler : que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa demande par les motifs précités qu'il convient d'adopter ;

Considérant, en quatrième lieu, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à la demande d'indemnisation des frais supplémentaires de caution bancaire pour un montant de 14,08 euros et a inclus cette indemnisation dans le montant total mis à la charge de l'Etat dans le dispositif ; que si, dans l'appel qu'elle forme contre ce jugement, la société PEINTURE NORMANDIE demande à la cour de lui verser la somme de 14,08 euros au titre des frais de caution bancaire, ces conclusions, qui ne sont pas dirigées contre le dispositif du jugement, ne sont pas recevables ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du 7 de l'article 11 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux : " Intérêts moratoires : / L'entrepreneur a droit à des intérêts moratoires, dans les conditions réglementaires : / - en cas de retard dans les mandatements tels qu'ils sont prévus aux 231 et 431 de l'article 13, sauf si ce retard résulte de l'application des dispositions du 12 de l'article 4 ou du 34 de l'article 10 (...) " ; qu'aux termes de l'article 96 du code des marchés publics applicable au marché litigieux (NB : CMP 2004) : " Le délai global de paiement d'un marché public ne peut excéder 45 jours. (...) / Le dépassement du délai de paiement ouvre de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, le bénéfice d'intérêts moratoires, à compter du jour suivant l'expiration du délai. / Un décret précise les modalités d'application du présent article " ; qu'aux termes de l'article 5 du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 susvisé : " I. (...) Les intérêts moratoires courent à partir du jour suivant l'expiration du délai global jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. (...) II. - Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. Ce taux est celui de l'intérêt légal en vigueur à la date à laquelle les intérêts moratoires ont commencé à courir, augmenté de deux points. / A défaut de la mention de ce taux dans le marché, le taux applicable est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points. / (...). III. - Le défaut d'ordonnancement ou de mandatement de tout ou partie des intérêts moratoires dans un délai de 30 jours à compter du jour suivant la date de mise en paiement du principal entraîne le versement d'intérêts moratoires complémentaires. / Le taux applicable à ces intérêts moratoires complémentaires est le taux des intérêts moratoires d'origine, majoré de deux points. Ces intérêts moratoires sont calculés sur le montant des intérêts moratoires d'origine et ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée. / Ces intérêts moratoires complémentaires s'appliquent à compter du jour suivant la date de paiement du principal jusqu'à la date d'ordonnancement ou de mandatement de l'ensemble des intérêts moratoires " ;

Considérant que le marché en cause a été passé selon une procédure formalisée ; qu'aucune de ses stipulations ne mentionne le taux applicable pour la détermination des intérêts moratoires ; qu'il résulte de l'instruction, singulièrement du tableau de calcul arrêté par la société PEINTURE NORMANDIE au 6 juillet 2009, que l'application du taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points, porte le montant des intérêts moratoires à la somme de 1 082,42 euros ; que le taux de ces intérêts moratoires majoré de deux points, appliqué au montant des intérêts moratoires d'origine précité, porte le montant des intérêts moratoires complémentaires à la somme de 138,01 euros ; que c'est par suite sans erreur de droit que les premiers juges ont arrêté le montant des intérêts moratoires dus par l'Etat à raison du paiement tardif des 5 situations mensuelles puis de la situation finale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société PEINTURE NORMANDIE n'est pas fondée à demander la réformation du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société PEINTURE NORMANDIE doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société PEINTURE NORMANDIE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions incidentes de l'Etat (ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche) sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société PEINTURE NORMANDIE et au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Copie sera adressée au recteur de l'académie de Rouen.

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N°11DA01057


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 11DA01057
Date de la décision : 02/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-01-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Rémunération du co-contractant. Indemnités.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: M. Olivier Gaspon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : SEP LANFRY ET BARRABE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-10-02;11da01057 ?
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