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25/10/2012 | FRANCE | N°12DA00056

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (quater), 25 octobre 2012, 12DA00056


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 12 janvier 2012, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE-CALAIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106856 du 30 novembre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 27 novembre 2011 ordonnant la remise de M. Islam A aux autorités italiennes et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A devant le tribunal adm

inistratif de Lille ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le 12 janvier 2012, présentée par le PREFET DU PAS-DE-CALAIS ; le PREFET DU PAS-DE-CALAIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1106856 du 30 novembre 2011 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 27 novembre 2011 ordonnant la remise de M. Islam A aux autorités italiennes et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. A devant le tribunal administratif de Lille ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- et les conclusions de M. David Moreau, rapporteur public ;

Sur le motif d'annulation retenu en première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " (...) Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci " ;

Considérant que, par un arrêté du 27 novembre 2011, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS a décidé que M. A, ressortissant albanais, devra être remis aux autorités italiennes sous réserve d'un accord de leur part, et a ordonné son placement en rétention dans un centre ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours ; que, pour prononcer l'annulation de cet arrêté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu que ces mentions ne font pas apparaître de manière lisible le nom de son signataire et ne permettent pas, dès lors, d'en identifier l'auteur et de vérifier sa compétence ; que, toutefois, il ressort des termes de l'arrêté contesté que celui-ci a été signé, " pour le préfet ", par le sous-préfet " Daniel B " ; que la seule circonstance que sa signature, d'ailleurs non contestée, n'ait pas été lisible, ne suffit pas, compte tenu des autres mentions, à créer une ambiguïté sur l'auteur véritable de la décision attaquée ; que, par suite, le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu ce moyen ;

Considérant qu'il appartient, toutefois, au juge d'appel, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision de placement en rétention pendant une durée de cinq jours :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier produites en cause d'appel que M. Daniel B était titulaire d'une délégation de signature du PREFET DU PAS-DE-CALAIS en date du 10 mars 2011, modifiée le 26 juillet 2011, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs du département, afin de signer, d'une part, les décisions relatives aux mesures d'éloignement prévues aux articles L. 531-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " et " les décisions de placement en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de cinq jours " ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative (...). Elle est écrite et motivée (...) " ; que l'arrêté du préfet qui vise notamment la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et relève que M. A, en situation irrégulière en France, est légalement admissible en Italie sur le fondement du 1° de cet article, comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'il s'ensuit que l'arrêté est suffisamment motivé tant au regard des exigences de l'article L. 551-2 précité que de celles de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 :

Considérant que si M. A ne conteste pas avoir pu présenter ses observations préalablement à l'intervention de l'arrêté de remise aux autorités italiennes, il soutient qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations sur la mesure de rétention prise par le même arrêté ainsi que cela ressort du procès-verbal dressé le 27 novembre 2011 à 13 h 00 figurant au dossier ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. / L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. / Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 (...) " ;

Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification. (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l'article L. 222-2-1 du code de justice administrative statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine. (...) / L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin le concours d'un interprète et la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. / L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. Il peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin qu'il lui en soit désigné un d'office (...) " ;

Considérant que ni les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni aucune autre disposition de ce code, n'imposent que l'étranger puisse être mis à même de présenter des observations avant que le préfet décide de le placer en rétention administrative en vue de l'exécution d'une mesure de remise aux autorités d'un Etat membre prévue à l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : / (...) / 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière (...) " ;

Considérant qu'il ressort des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment du III de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative place l'étranger en rétention administrative ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision de placement en rétention administrative ; que, par suite, M. A ne peut utilement se prévaloir de la violation des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la violation de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 :

Considérant que M. A soutient que, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile retient une conception extensive du placement en rétention administrative au détriment de mesures moins coercitives, telles que l'assignation à résidence, ce qui conduit à recourir de manière quasiment systématique à ce type de mesures et que, par suite, les dispositions pertinentes de ce code seraient contraires à la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Considérant que la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 définit des normes et procédures applicables dans les Etats membres de l'Union européenne au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier ; que l'article 3 de cette directive définit le retour comme le fait pour un ressortissant d'un pays tiers de rentrer, volontairement ou en y étant forcé, dans son pays d'origine, dans un pays tiers ou dans un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux ; que les pays de transit ainsi mentionnés sont des pays tiers à l'Union européenne avec lesquels des accords ou arrangements de réadmission ont été conclus par l'Union ou par l'un des Etats membres de celle-ci ; qu'il résulte ainsi clairement de la directive du 16 décembre 2008 que ses dispositions ne s'appliquent qu'au retour d'un ressortissant d'un pays tiers vers un pays n'appartenant pas à l'Union européenne et ne concernent donc pas les procédures de réadmission d'un ressortissant d'un pays appartenant à l'Union vers un autre Etat de celle-ci ; qu'il s'ensuit que M. A ne peut utilement se prévaloir de cette directive à l'encontre d'une mesure qui n'est que l'accessoire de celle qui vise à l'éloigner vers un pays membre de l'Union européenne ;

Considérant que si, par ailleurs, M. A entend contester la " nécessité de la rétention " le concernant, il n'assortit pas, en tout état de cause, son moyen des éléments qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU PAS-DE-CALAIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé son arrêté en date du 27 novembre 2011 ; que, par suite, la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Lille doit être rejetée ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 27 novembre 2011 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. Islam A.

Copie sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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N°12DA00056


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 12DA00056
Date de la décision : 25/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Procédure. Pouvoirs et devoirs du juge. Questions générales. Conclusions. Conclusions irrecevables. Actes indivisibles.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Moreau

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-10-25;12da00056 ?
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