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04/12/2012 | FRANCE | N°11DA01436

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 04 décembre 2012, 11DA01436


Vu, I, sous le n° 11DA01436, la requête enregistrée le 26 août 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean-Claude A et Mme Yamina A née C, demeurant ..., et pour M. Christophe A, demeurant ..., par Me Mouhou, avocate ; ils demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement nos 0900768-0900769 du 7 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier du Belvédère à verser, d'une part, une somme de 9 000 euros, chacun, à M. et Mme Jean-Claude A, avec intérêts au taux légal, d'autre part, une somm

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Vu, I, sous le n° 11DA01436, la requête enregistrée le 26 août 2011 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Jean-Claude A et Mme Yamina A née C, demeurant ..., et pour M. Christophe A, demeurant ..., par Me Mouhou, avocate ; ils demandent à la cour :

1°) de réformer le jugement nos 0900768-0900769 du 7 juillet 2011 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier du Belvédère à verser, d'une part, une somme de 9 000 euros, chacun, à M. et Mme Jean-Claude A, avec intérêts au taux légal, d'autre part, une somme de 4 500 euros avec intérêts au taux légal à M. Christophe A et, enfin, a rejeté le surplus de leurs conclusions ;

2°) de condamner le centre hospitalier du Belvédère à verser :

- 113 317,43 euros à Mme Yamina A,

- 124 493,18 euros à M. Jean-Claude A,

- 177 472,48 euros à M. et Mme A,

- 36 000 euros à M. Christophe A,

- 9 000 euros à M. Christophe A, agissant pour le compte de son fils mineur Clément,

- 9 000 euros à M. Christophe A, agissant pour le compte de son fils mineur Arthur,

3°) de condamner le centre hospitalier du Belvédère à verser à M. et Mme A la somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu, II, sous le n° 11DA01460, la requête enregistrée par télécopie le 1er septembre 2011 et régularisée par la production de l'original le 2 septembre 2011, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE, dont le siège social est situé 72 rue Louis Pasteur à Mont-Saint-Aignan (76130), par Me Campergue, avocate ; il demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) d'ordonner, avant-dire droit, une expertise sur l'ampleur de la chance perdue et le quantum des préjudices indemnisables ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de Me Campergue, avocate, pour le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE et de Me Jegu, avocat, pour l'UDAF, M. David D, M. Jacky D, Mme Jocelyne E née F et pour la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime ;

1. Considérant que les requêtes, enregistrées sous le n° 11DA01436 et le n° 11DA01460, sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;

2. Considérant que Mme Carla D a subi lors de son accouchement au CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE, le 3 mai 1999, une césarienne qui s'est compliquée, après la naissance, d'une hémorragie résistant aux traitements médicamenteux ; que malgré son transfert au centre hospitalier régional universitaire de Rouen pour le traitement chirurgical de cette hémorragie, elle a subi un arrêt cardiaque ayant entraîné une anoxie cérébrale, dont elle a conservé de très lourdes séquelles sous forme d'un coma végétatif ; que la cour de céans, par un arrêt du 4 juillet 2006, a annulé le jugement du 7 décembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Rouen avait condamné le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE à indemniser Mme D et ses ayants droit des conséquences de cet accident ; que, toutefois, par une décision du 14 janvier 2009, le Conseil d'Etat a cassé cet arrêt, au motif que la cour avait inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que le centre hospitalier n'était à l'origine d'aucun retard fautif dans les soins apportés à Mme D de nature à engager sa responsabilité, et, faisant application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative pour régler l'affaire au fond, a complété la mission qui avait été confiée à l'expert par le tribunal administratif de Rouen afin qu'il détermine l'ampleur de la chance perdue par Mme D, du fait des fautes commises par le centre hospitalier, d'éviter le dommage qu'elle a subi ; que, par deux requêtes distinctes, le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE ainsi que certains des ayants droit de Mme D relèvent appel du jugement du 7 juillet 2011, rendu après cette seconde expertise, par le tribunal administratif de Rouen qui a fixé à 90 % le taux de perte de chance subie par Mme D et liquidé, en conséquence, les indemnités dues à ce titre par le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE à Mme D, à ses ayants droit et à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime ;

Sur la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE :

3. Considérant que, par sa décision du 14 janvier 2009, le Conseil d'Etat a définitivement jugé que le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE était responsable des préjudices subis par Mme D du fait de l'anoxie cérébrale entraînée par son arrêt cardiaque, imputable à une faute commise dans la prise en charge de son hémorragie post-partum ; que, dès lors, le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement et la désignation d'un expert aux fins de déterminer les causes des préjudices subis par Mme D ;

Sur la perte de chance subie par Mme D :

4. Considérant que si, dans son rapport, l'expert désigné par le tribunal administratif de Rouen a estimé que la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE avait fait perdre à Mme D une chance d'éviter les séquelles dont elle reste atteinte, à hauteur de 50 %, il résulte de l'instruction que l'expert n'a apporté aucune justification ou explication au choix de ce taux, sérieusement contesté par les ayants droit de Mme D et par la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime, qui ont produit, notamment, de la littérature médicale de laquelle il ressort que 90 % des décès maternels par hémorragie post-partum survenus en France en milieu hospitalier peuvent être évités par une meilleure prise en charge de cette hémorragie ; que, dans ces conditions, le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement sur ce point et la désignation d'un expert aux fins de déterminer ce taux de perte de chance ; qu'il n'est pas plus fondé, à titre subsidiaire, à demander que le jugement soit réformé et le taux de perte de chance fixé à 10 % ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de M. Jean-Claude A et Mme Yamina A, parents de Mme D :

5. Considérant que ni M. A, ni Mme A n'établissent un lien de causalité direct et certain entre la perte de leurs emplois respectifs et l'état de santé de leur fille, prise en charge à temps complet dans un établissement de soins de suite, et alors même que M. A, qui avait perdu son précédent emploi avant l'accident de sa fille, déclare avoir retrouvé un emploi de gardien de propriété après cet accident ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de M. et Mme A relatives à leurs pertes de gains professionnels passés et futurs ;

6. Considérant que si M. et Mme A font valoir, ainsi que l'a relevé l'expert, qu'ils apportent à leur fille hospitalisée une aide équivalente à quatre heures hebdomadaires d'aide d'une tierce personne salariée, et si le caractère bénévole d'une telle aide ne s'oppose pas à son indemnisation, cette indemnisation ne peut toutefois intervenir qu'au profit de la victime bénéficiaire de ces soins, lesquels ne peuvent représenter, pour les proches, que des troubles dans les conditions d'existence ; que M. et Mme A ne sont, dès lors, pas fondés à se plaindre du rejet de leurs conclusions à ce titre ;

7. Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice que représentent pour M. et Mme A l'aide matérielle apportée à leur fille hospitalisée et les frais de déplacement engendrés pour lui rendre visite, lesquels ne sont justifiés qu'à compter de 2008 et jusqu'en février 2010, en allouant à M. et Mme A, compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 9 000 euros ;

8. Considérant, enfin, que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral subi par M. et Mme A du fait de l'état de santé de leur fille en condamnant le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE à leur verser, à ce titre et compte tenu de la perte de chance, une somme de 9 000 euros, chacun ;

En ce qui concerne les préjudices des autres ayants droit :

9. Considérant que les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral subi par M. Christophe A du fait de l'accident survenu à sa soeur, Mme D, en condamnant le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE à lui verser à ce titre, compte tenu de la perte de chance, la somme de 4 500 euros ; qu'enfin, c'est à bon droit que les premiers juges, compte tenu du très jeune âge des enfants à la date de l'accident de Mme D, ont rejeté les conclusions présentées au titre du préjudice moral subi par les neveux de Mme D du fait de cet accident ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes n° 11DA01436 des consorts A et n° 11DA01460 du CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE doivent être rejetées en tous leurs chefs ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

12. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE, par M. Jean-Claude A, par Mme Yamina A et par M. Christophe A doivent, dès lors, être rejetées ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE, à payer à l'UDAF, à M. David D, à M. Jacky D, à Mme Jocelyne E née F et à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime une somme totale de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A et autres et la requête du CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE sont rejetées.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE versera à l'UDAF, à M. David D, à M. Jacky D, à Mme Jocelyne E née F et à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime une somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'UDAF, de M. David D, de M. Jacky D, de Mme Jocelyne E née F et de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude A, à Mme Yamina A, à M. Christophe A, à M. et Mme Christophe A, agissant en qualité de représentants légaux de leurs fils mineurs, au CENTRE HOSPITALIER DU BELVEDERE, à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime, à M. David D, à M. Jacky D, à Mme Jocelyne E née F, à M. David D, agissant en qualité de représentant légal de son fils mineur et à l'union départementale des associations familiales (UDAF), agissant en qualité de mandataire spécial de Mme Carla D.

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Nos11DA01436,11DA01460


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 11DA01436
Date de la décision : 04/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04 Responsabilité de la puissance publique. Réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : MOUHOU ; MOUHOU ; SCP EMO HEBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2012-12-04;11da01436 ?
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