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09/07/2013 | FRANCE | N°12DA00556

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 09 juillet 2013, 12DA00556


Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2012 au greffe de la cour, présentée pour Mlle A... B..., demeurant..., par Me Sophie Perier-Chapeau ; Mlle B...demande à la cour :

1°) de rectifier l'erreur matérielle entachant les motifs et le dispositif du jugement n° 0901283 du 2 février 2012 du tribunal administratif d'Amiens en condamnant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 1 016 156,60 euros ;

2°) de réformer le jugement n° 0901283 du 2 février 2012 par lequel le t

ribunal administratif d'Amiens, après avoir condamné l'Office national d'in...

Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2012 au greffe de la cour, présentée pour Mlle A... B..., demeurant..., par Me Sophie Perier-Chapeau ; Mlle B...demande à la cour :

1°) de rectifier l'erreur matérielle entachant les motifs et le dispositif du jugement n° 0901283 du 2 février 2012 du tribunal administratif d'Amiens en condamnant l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 1 016 156,60 euros ;

2°) de réformer le jugement n° 0901283 du 2 février 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 1 004 083,30 euros et à rembourser des débours futurs, a rejeté le surplus de ses conclusions ;

3°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 3 128 035,73 euros ;

4°) subsidiairement, d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer les frais d'aménagement de son domicile et, dans l'attente du dépôt du rapport, de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une provision de 45 000 euros ;

5°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à supporter les dépens ;

6°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- et les observations de Me Sophie Perier-Chapeau, avocate de MlleB... ;

1. Considérant, qu'à la suite du traitement, par radiothérapie, d'un cancer du poumon au centre hospitalier de Creil entre janvier et mars 2004, MlleB..., alors âgée de 43 ans, a présenté des troubles neurologiques pour lesquels le diagnostic de myélite post-radique a été posé en 2005 ; qu'elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d'Amiens a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au titre de la solidarité nationale en l'absence de toute faute commise, à lui verser une somme de 1 004 083,30 euros, à lui rembourser certains débours au fur et à mesure de leur survenance, et a rejeté le surplus de ses conclusions ; que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, qui ne conteste pas son obligation à la réparation des préjudices de MlleB..., conclut au rejet de la requête d'appel ;

Sur les préjudices patrimoniaux :

En ce qui concerne les dépenses de santé :

2. Considérant que la prise en charge des troubles sphinctériens causés par la myélite post-radique, dont Mlle B...est atteinte, engendre des dépenses de santé non prises en charge par l'assurance maladie sous la forme de protections, de gants et matériel de toilette jetables ; que les premiers juges ont fait une exacte appréciation de ces frais en les fixant à la somme, non contestée, de 3 914,06 euros par an, soit un montant de 12 068,29 euros jusqu'à la date de consolidation de l'état de santé de Mlle B...en juillet 2007, puis à un capital de 99 173,95 euros pour les frais futurs, par application du barème de capitalisation reposant sur la table de mortalité 2008 pour les femmes, publiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques, et sur un taux d'intérêt de 2,35 % correspondant aux données économiques à la date de l'évaluation du préjudice ;

En ce qui concerne les frais liés au handicap :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par les premiers juges, que l'état de santé de MlleB..., atteinte d'un déficit fonctionnel permanent dû à sa myélite post-radique de 75 %, nécessite, depuis le mois de juillet 2004, l'aide d'une tierce personne pour l'accomplissement des actes de la vie quotidienne tels que les déplacements, la toilette, les repas et les tâches ménagères ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation des besoins d'aide d'une tierce personne de MlleB..., qui n'est pas dénuée de toute autonomie et peut effectuer seule de très courts déplacements, en les fixant à 5 heures par jour, 7 jours par semaine ;

4. Considérant, toutefois, que Mlle B...est fondée à soutenir que le coût, pour l'employeur, du recours à l'aide d'une tierce personne ne saurait être limité au Smic horaire brut, lequel ne comprend pas les charges patronales grevant ce salaire ; que, compte tenu de la prise en compte de ces charges, il y a lieu de fixer le coût horaire d'une heure d'aide d'une tierce personne pour MlleB..., en tant qu'employeur, à 14 euros, en ce compris la majoration pour congés payés ; que, dès lors, Mlle B...est fondée à demander l'allocation, à ce titre, d'un capital de 677 115 euros par application du barème de capitalisation susmentionné ;

5. Considérant, en outre, que si Mlle B...demande l'indemnisation du surcoût lié à l'achat et l'entretien d'un véhicule adapté à son handicap, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que son état de santé lui permettrait de conduire un tel véhicule, alors même qu'elle n'a pas saisi la commission médicale visée par l'arrêté du 21 décembre 2005 fixant la liste des affections médicales incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire ; que, compte tenu du caractère hypothétique de cette dépense, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions sur ce point de MlleB... ;

6. Considérant que Mlle B...soutient également que son état de santé nécessite des dépenses pour l'acquisition et l'entretien de matériels destinés à compenser son handicap tels qu'un lit médicalisé avec barre de redressement et table de lit, d'un matelas et de coussins anti-escarres, d'un siège élévateur de bain, d'une chaise percée, de 4 plots rehausseurs pour canapé, d'une pince à long manche, d'un interphone, d'un fauteuil de salon releveur, d'une table informatique à hauteur réglable électriquement, d'un siège de bureau ergonomique et réglable, d'un ordinateur avec pavé tactile, d'une imprimante spécifique, de " grossisseurs " de crayons, d'une table de cuisine à hauteur réglable électriquement, de matériels de cuisine adaptés, d'une télé-alarme et de matériel de rééducation ; que, toutefois, le rapport d'expertise et l'étude menée à la demande de la requérante par une ergothérapeute n'établissent pas que l'état de santé de MlleB..., qui ne justifie pas ne pouvoir accomplir seule aucun geste de la vie quotidienne, nécessiterait de tels équipements ; que c'est, dès lors, à bon droit que les premiers juges ont écarté ces conclusions ;

7. Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que MlleB..., qui ne peut se déplacer avec des cannes anglaises que sur de courtes distances et souffre d'un déficit moteur des membres supérieurs, doit disposer, notamment pour les déplacements extérieurs, d'un fauteuil roulant électrique ; qu'elle est donc fondée à demander, sur ce point, la réformation du jugement qui n'avait reconnu que la nécessité d'un fauteuil non électrifié, et la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser un capital de 35 245 euros, compte tenu du coût de 9 736,99 euros restant à sa charge et de la nécessité de remplacer cet équipement tous les sept ans ; que, de même, elle est fondée à demander la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser un capital de 247 euros correspondant au coût, restant à sa charge, de deux paires de cannes anglaises devant être remplacées tous les 5 ans ;

8. Considérant que le droit à indemnisation d'un préjudice direct et certain n'étant pas subordonné à l'effectivité des dépenses engagées par la victime pour le réparer, Mlle B...est fondée à demander que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales soit condamné à lui verser, sous forme de capital et non sur présentation des justificatifs de la dépense, la somme de 12 625 euros correspondant au coût d'installation à son domicile d'un monte-escalier, dont il n'est pas établi qu'il doive être remplacé tous les dix ans ;

9. Considérant, enfin, que si Mlle B...soutient que son handicap l'obligera à des travaux d'aménagement du domicile de son fils chez qui elle s'est installée, elle ne peut être regardée comme apportant suffisamment de précision sur la consistance de ces travaux en se bornant à évoquer l'installation d'un second sanitaire à l'étage, et n'établit pas que cette installation serait rendue indispensable par son état de santé ; que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont considéré que ce préjudice présentait un caractère éventuel et rejeté les conclusions de MlleB... sur ce point ;

En ce qui concerne les pertes de revenus :

10. Considérant que Mlle B...a subi, du fait de sa myélite post-radique, une période d'incapacité temporaire totale de 37 mois, entre les mois de juin 2004 et juillet 2007 ; qu'elle établit avoir perçu au cours de l'année précédant sa maladie des revenus professionnels à hauteur de 11 941 euros, sans qu'il y ait lieu de prendre en compte les revenus, inférieurs, de l'année précédente en l'absence d'éléments de l'instruction en faveur d'une évolution négative de ses revenus professionnels ; qu'il est constant que, pendant cette même période d'incapacité temporaire totale, elle a perçu des indemnités journalières à hauteur de 34 938,49 euros ; qu'elle est dès lors fondée à demander, sur ce point, la réformation du jugement et la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme de 1 886,50 euros ;

11. Considérant que MlleB..., étant placée depuis le mois de juillet 2007 en situation d'invalidité à raison des conséquences de sa myélite post-radiale, et compte tenu de ce qui précède sur l'année de référence à retenir pour la détermination de la perte des revenus professionnels, est fondée à demander la réformation du jugement et la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser, en réparation de la perte future de ces revenus, un capital qui doit être fixé, par application du barème de capitalisation susmentionné, à la somme de 46 924 euros, compte tenu de l'âge légal de départ à la retraite fixé, pour la requérante née en 1960, à 62 ans en l'absence de tout élément sur les droits à la retraite acquis à la date de son accident, et après déduction de la rente invalidité annuelle de 5 348,03 euros et du capital invalidité de 40 545,37 euros servis par sa caisse d'assurance maladie ;

En ce qui concerne les frais divers :

12. Considérant que l'expert désigné par les premiers juges ayant conclu, dans son rapport, à la nécessité de l'intervention d'un ergothérapeute, qu'il n'a pas consulté, pour déterminer les adaptations du cadre de vie de MlleB..., celle-ci est fondée à faire valoir que le coût de l'étude qu'elle a commandée en ce sens à une ergothérapeute, même si celle-ci n'a pas été directement utile à la solution du présent litige, doit être mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, pour la somme non contestée de 4 950,06 euros ; que le montant total des frais d'assistance à expertise doit, dès lors, être porté à la somme de 7 739,43 euros ;

Sur les préjudices personnels :

13. Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation des préjudices à caractère personnel résultant de la myélite post-radique subis par MlleB..., antérieurement atteinte d'une affection grave dont le traitement est invalidant, en fixant la réparation du déficit fonctionnel permanent de 75 % dont elle reste atteinte à 200 000 euros, y compris les préjudices sexuel et d'établissement, les douleurs subies, évaluées à 5 sur une échelle de 7, à la somme de 9 500 euros, le préjudice esthétique, évalué à 4 sur une même échelle, à 7 000 euros, les troubles de toute nature pendant la période d'incapacité temporaire totale à 14 800 euros et, enfin, le préjudice d'agrément à 5 000 euros ;

Sur les dépens :

14. Considérant, enfin, que le jugement attaqué a mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif d'Amiens ; que les conclusions de Mlle B...tendant à nouveau, en appel, à ce que les dépens soient mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales doivent être rejetées ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, qu'il y a lieu de porter de 1 004 083,30 euros à 1 129 324,17 euros le montant de l'indemnité due par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à Mlle B...et de réformer en ce sens le jugement attaqué du tribunal administratif d'Amiens ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

17. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle B...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser à Mlle B...par le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 2 février 2012 est portée de la somme de 1 004 083,30 euros à la somme de 1 129 324,17 euros .

Article 2 : Le jugement n° 0901283 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle B...est rejeté.

Article 4 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à Mlle B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle A...B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise et au centre hospitalier de Creil.

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N°12DA00556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00556
Date de la décision : 09/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : PÉRIER-CHAPEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-07-09;12da00556 ?
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