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04/02/2014 | FRANCE | N°12DA01211

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 04 février 2014, 12DA01211


Vu, I, sous le n° 12DA01211, la requête sommaire enregistrée le 6 août 2012 et le mémoire ampliatif, enregistré le 8 octobre 2012, présentés pour le centre hospitalier Laënnec de Creil, dont le siège est boulevard Laënnec à Creil (60109), par Me Didier Le Prado ; le centre hospitalier Laënnec de Creil demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000658 du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a déclaré responsable des préjudices subis par M. D...A...et a, avant de statuer sur les droits de la compagnie MMA Iard, subrogée dans les droits de

M. A..., invité celle-ci à produire tous éléments justifiant des préjudic...

Vu, I, sous le n° 12DA01211, la requête sommaire enregistrée le 6 août 2012 et le mémoire ampliatif, enregistré le 8 octobre 2012, présentés pour le centre hospitalier Laënnec de Creil, dont le siège est boulevard Laënnec à Creil (60109), par Me Didier Le Prado ; le centre hospitalier Laënnec de Creil demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000658 du 31 mai 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a déclaré responsable des préjudices subis par M. D...A...et a, avant de statuer sur les droits de la compagnie MMA Iard, subrogée dans les droits de M. A..., invité celle-ci à produire tous éléments justifiant des préjudices imputables au centre hospitalier ;

2°) de rejeter la demande de la compagnie MMA Iard ;

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Vu, II, sous le n° 13DA00148, la requête enregistrée le 5 février 2013, présentée pour la compagnie MMA Iard, dont le siège est 14 boulevard Marie et Alexandre Oyon au Mans (72030), par Me Dominique Cresseaux ; la compagnie MMA Iard demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1000658 du 27 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir condamné le centre hospitalier Laënnec de Creil à lui verser une somme de 601 728,62 euros, a rejeté le surplus de ses conclusions ;

2°) de condamner le centre hospitalier Laënnec de Creil à lui verser une somme totale de 1 184 725,09 euros ;

3°) de rejeter les conclusions du centre hospitalier Laënnec de Creil ;

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Vu, III, sous le n° 13DA00353, la requête sommaire enregistrée le 11 mars 2013, et le mémoire ampliatif, enregistré le 27 septembre 2013, présentés pour le centre hospitalier Laënnec de Creil, dont le siège est boulevard Laënnec à Creil (60109), par Me Didier Le Prado ; le centre hospitalier Laënnec de Creil demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000658 du 27 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à verser à la compagnie MMA Iard une somme de 601 728,62 euros ;

2°) de rejeter la demande de la compagnie MMA Iard ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code civil ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'arrêté du 27 décembre 2011 relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Perrine Hamon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- les observations de Me B...C..., substituant Me Didier Le Prado, avocat du centre hospitalier Laennec de Creil, de Me Dominique Cresseaux, avocat de la compagnie MMA Iard et de Me Claire Aubourg, avocat du centre hospitalier universitaire d'Amiens ;

1. Considérant que les requêtes susvisées de la compagnie MMA Iard et du centre hospitalier Laënnec de Creil sont dirigées contre les mêmes jugements et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;

2. Considérant que M. D...A..., agent technique d'Electricité de France, a été victime le 19 novembre 2001, pendant son service, d'un accident de la route qui a justifié son admission au centre hospitalier universitaire d'Amiens pour traumatisme crânien sans perte de connaissance ; qu'après son retour à domicile au terme d'une surveillance de cinq jours, des maux de tête ont motivé une nouvelle hospitalisation aux urgences du centre hospitalier Laënnec de Creil le 1er janvier 2002, où une ponction lombaire a été réalisée le jour même ; que l'état neurologique de M. A...s'étant brusquement aggravé dans les heures suivantes, avec apparition d'un coma, il a été transféré au service de réanimation du centre hospitalier universitaire d'Amiens où il est resté hospitalisé plus d'un mois avant de suivre une rééducation au centre Hélio-Marin de Berck jusqu'à la fin de l'année 2002 ; que le juge judiciaire, saisi par M. A...qui reste atteint de séquelles neurologiques, a condamné la compagnie MMA Iard, assureur du tiers responsable de l'accident, à indemniser des préjudices résultant de cet accident M.A..., ainsi que les divers organismes lui ayant servi des prestations liées à son arrêt de travail, puis à son incapacité ;

3. Considérant que la compagnie MMA Iard, imputant les séquelles de M. A...à sa prise en charge par le centre hospitalier Laënnec de Creil, a saisi le tribunal administratif d'Amiens d'une demande tendant à la condamnation de cet établissement à lui rembourser les montants qu'elle a versés tant à M. A...qu'à son employeur, à la caisse d'assurance maladie, ainsi qu'à la caisse nationale des industries électriques et gazières ; qu'après avoir, par jugement avant dire droit du 31 mai 2012, déclaré le centre hospitalier Laënnec de Creil responsable des préjudices résultant de la faute commise lors de la prise en charge de M.A..., et invité la compagnie MMA Iard à justifier des préjudices présentant un lien direct avec cette faute, ce même tribunal a condamné le centre hospitalier Laënnec de Creil, par jugement au fond du 27 décembre 2012, à verser une somme totale de 601 728,62 euros et rejeté le surplus des conclusions de la requête ; que la compagnie MMA Iard et le centre hospitalier Laënnec de Creil relèvent chacun appel de ce jugement, ainsi que, pour le centre hospitalier Laënnec de Creil, du jugement avant dire droit du 31 mai 2012 ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier Laënnec de Creil :

4. Considérant qu'il résulte de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif d'Amiens, et n'est pas sérieusement contesté, que M. A... a subi, lors de son hospitalisation au centre hospitalier Laënnec de Creil le 1er janvier 2002, une ponction lombaire qui était, compte tenu de l'aggravation de l'oedème cérébral initial dont il était affecté, révélée par un scanner, totalement contre indiquée ; que cet acte a entraîné, dans ses suites immédiates, de graves troubles neurologiques ; que le centre hospitalier Laënnec de Creil ne peut utilement se prévaloir, pour demander un partage de responsabilité, de ce qu'un neurologue du centre hospitalier universitaire d'Amiens, consulté par téléphone, aurait préconisé la réalisation de cette ponction, la responsabilité des conséquences d'un acte médical devant être supportée par le seul établissement ayant accepté de prendre en charge un patient ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la ponction lombaire fautive réalisée sur M. A...est la cause directe et certaine de l'engagement temporal dont celui-ci a conservé d'importantes séquelles neurologiques, sous forme de déficience visuelle et de troubles moteurs ; que, dans ces conditions, M. A...n'ayant pas été victime d'une perte de chance, le centre hospitalier Laënnec de Creil est responsable de l'intégralité des préjudices présentant un lien de causalité direct et certain avec cette ponction lombaire, et non avec l'accident initial ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner sur ce point une expertise, que le centre hospitalier Laënnec de Creil n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement avant dire droit du 31 mai 2012, qui est suffisamment motivé, par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a déclaré responsable de l'intégralité des préjudices résultant pour M.A..., pour sa caisse primaire d'assurance maladie, pour son employeur et pour la caisse nationale des industries électriques et gazières de la faute commise le 1er janvier 2002 ;

Sur les préjudices :

7. Considérant, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif d'Amiens, que la nature et l'étendue de la responsabilité du centre hospitalier Laënnec de Creil ne dépend pas de l'évaluation faite par l'autorité judiciaire, dans un litige dans lequel le centre hospitalier n'était pas partie et n'aurait pu l'être, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

8. Considérant que la compagnie MMA Iard, qui ne produit aucun justificatif, n'établit pas plus en appel qu'en première instance que les débours supportés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, à la suite de l'accident de M.A..., seraient imputables à la faute commise par le centre hospitalier Laënnec de Creil, et non à l'accident initial, au-delà de la somme de 135 217,46 euros retenue par les premiers juges ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les séquelles neurologiques dont M. A... reste atteint du seul fait de la faute commise par le centre hospitalier Laënnec de Creil rendent nécessaires l'aide d'une tierce personne à raison de quatre heures d'assistance par jour, ainsi que trois heures de ménage par semaine ; que, si la compagnie MMA Iard a produit pour l'évaluation de ce préjudice un devis présentant un coût horaire de 17 euros pour l'ensemble de ces prestations, il y a lieu de retenir comme coût horaire de celles-ci, compte tenu de l'absence de qualifications spécifiques requises pour cette assistance, le salaire minimum horaire augmenté des cotisations sociales pesant sur l'employeur, soit une somme de 14 euros, comprenant la majoration pour congés payés ; qu'il y a lieu de convertir le montant annuel de 22 568 euros en résultant en un capital de 519 064 euros, par application du barème de capitalisation reposant sur la table de mortalité 2008 pour les hommes, publiée par l'Institut national de la statistique et des études économiques, et sur un taux d'intérêt de 2,35 % correspondant aux données économiques à la date de l'évaluation du préjudice, dès lors que M. A...était âgé de 45 ans à la date de la consolidation ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.A..., qui a été maintenu à plein traitement par son employeur jusqu'au mois de février 2004, n'a subi aucune perte de salaire pendant la période d'incapacité temporaire totale ; qu'il résulte également de l'instruction que, sans la faute commise par le centre hospitalier Laënnec de Creil, M. A...aurait pu reprendre son activité professionnelle à l'issue de cette période d'incapacité ; que, compte tenu du salaire perçu par l'intéressé au moment de l'accident et de son évolution prévisible, il y a lieu de retenir, comme l'ont fait les premiers juges, un salaire annuel moyen de 40 000 euros dont M. A...aurait pu bénéficier jusqu'à son départ à la retraite, aucune perte sur la pension de retraite n'étant établie ni même invoquée ; que, compte tenu de l'âge de départ à la retraite applicable à M. A..., agent d'Electricité de France né en 1958, fixé au plus tard à 60 ans et huit mois, le capital représentatif des pertes de salaires subies par M. A...du fait de la faute commise par le centre hospitalier Laënnec de Creil peut être fixé, par application du barème susmentionné, à la somme de 540 000 euros ; qu'il convient, toutefois, de retrancher de ce montant le capital représentatif de la rente accident du travail, soit 428 818,11 euros, et celui représentatif de la rente d'invalidité, soit 44 890,73 euros, tous deux servis par la caisse nationale des industries électriques et gazières ; que le total des pertes de salaires subies par M. A...et imputables au centre hospitalier Laënnec de Creil doit, dès lors, être ramené à la somme de 66 290 euros ;

11. Considérant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des préjudices résultant pour M.A..., âgé de 45 ans à la date de la consolidation de son état de santé, de l'incapacité permanente partielle de 66 % dont il reste atteint en raison de la faute du centre hospitalier Laënnec de Creil, par l'allocation d'une somme de 170 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

12. Considérant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice esthétique, fixé à 2,5 sur une échelle de 7, et des douleurs, évaluées à 4,5 sur une échelle de 7, subis par M. A...du seul fait de la faute commise par le centre hospitalier Laënnec de Creil, par l'allocation des sommes respectives de 2 000 et 6 500 euros ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice global résultant de la faute commise par le centre hospitalier Laënnec de Creil doit être fixé à la somme de 1 372 780 euros ;

Sur les droits de la compagnie MMA Iard :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur (...) " ;

15. Considérant que la compagnie MMA Iard établit être subrogée dans les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise, qu'elle a indemnisée, à hauteur de la somme de 135 217,46 euros ; qu'elle établit être subrogée dans les droits de M. A...à hauteur de la somme de 763 854 euros ; qu'enfin, par la production en appel d'un relevé de compte et d'une correspondance, elle établit être subrogée dans les droits de la caisse nationale des industries électriques et gazières à hauteur de la somme de 473 708,84 euros ;

16. Considérant qu'il résulte de ce tout ce qui précède que la compagnie MMA Iard est seulement fondée à demander que l'indemnité que le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier Laënnec de Creil à lui verser soit portée de la somme de 601 728,62 euros à la somme de 1 372 780 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

18. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre hospitalier universitaire d'Amiens présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier Laënnec de Creil a été condamné à verser à la compagnie MMA Iard est portée de la somme de 601 728,62 euros à la somme de 1 372 780 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 31 mai 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la compagnie MMA Iard est rejeté.

Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier Laënnec de Creil sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire d'Amiens sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Laënnec de Creil, à la compagnie MMA Iard et au centre hospitalier universitaire d'Amiens.

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Nos12DA01211,13DA00148,13DA00353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA01211
Date de la décision : 04/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-03-02 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Subrogation. Subrogation de l'assureur.


Composition du Tribunal
Président : M. Mortelecq
Rapporteur ?: Mme Perrine Hamon
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : LE PRADO ; LE PRADO ; CABINET D'AVOCATS LECLERE et ASSOCIES ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-02-04;12da01211 ?
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