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12/06/2014 | FRANCE | N°13DA01330

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 12 juin 2014, 13DA01330


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013, présentée pour M. C...E...et Mme A...E..., domiciliés au foyer AFEJI, Porte du Hainaut, 70 rue de Valenciennes à Saint-Amand-les-Eaux (59230), par Me D...B...;

M. et Mme E...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1300395-1300396 du 13 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des deux arrêtés du 19 mars 2012 par lesquels le préfet du Nord a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente j

ours et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;

2°) d'annuler pour ex...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2013, présentée pour M. C...E...et Mme A...E..., domiciliés au foyer AFEJI, Porte du Hainaut, 70 rue de Valenciennes à Saint-Amand-les-Eaux (59230), par Me D...B...;

M. et Mme E...demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 1300395-1300396 du 13 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des deux arrêtés du 19 mars 2012 par lesquels le préfet du Nord a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas de renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 19 mars 2012 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de leur délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de procéder au réexamen de leur situation, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 784 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au bénéfice de leur avocat ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Baillard, premier conseiller ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a explicitement et suffisamment répondu au moyen soulevé devant lui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé ;

Sur les décisions portant refus de séjour au titre de l'asile et obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant que, selon les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger relevant d'une catégorie visée par ce texte lorsque notamment la délivrance ou le renouvellement du titre de séjour sollicité lui a été refusé ou que ce titre lui a été retiré ; que l'article R. 313-13 du même code prévoit également que : " En cas de refus de délivrance de tout titre de séjour, l'étranger est tenu de quitter le territoire français " ; qu'il s'ensuit que l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour ne peut, du fait même de l'accomplissement de cette démarche tendant à son maintien en France, ignorer qu'en cas de refus, il ne peut légalement se maintenir sur le territoire français, qu'il doit en principe prendre l'initiative de quitter le territoire et qu'il est également susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il est ainsi mis à même, pendant la procédure d'instruction de sa demande de titre de séjour, s'il l'estime utile, de présenter tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu des décisions administratives concernant non seulement son droit au séjour en France, mais aussi son possible éloignement du territoire français ; qu'il n'a pas alors à attendre que l'autorité administrative prenne l'initiative de l'informer expressément qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité ; que, dans ces conditions, en s'abstenant de procéder à une telle information préalable, le préfet qui assortit son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, ne méconnaît pas de ce seul fait le droit de l'étranger, qui est au nombre des principes fondamentaux du droit de l'Union et qui a été rappelé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union, d'être entendu préalablement à cette mesure ; qu'en outre, et dans l'hypothèse où il aurait été porté atteinte dans une situation donnée au droit d'être entendu ainsi reconnu aux étrangers par le droit de l'Union, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (10 septembre 2013, aff. n° C-383/13) qu'il appartient au juge national chargé de l'appréciation de la légalité de la décision affectée de ce vice d'apprécier dans chaque cas d'espèce si cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent ;

3. Considérant que M. et Mme E...ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il ont donc été mis à même de faire valoir, avant l'intervention des arrêtés qui ont refusé la délivrance d'un tel titre et les ont également obligés à quitter le territoire français, tous éléments d'information ou arguments de nature à influer sur le contenu de ces mesures ; qu'ils n'invoquent aucun autre élément de nature à établir que leur droit à être entendus aurait été méconnu ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que cette garantie, telle qu'elle est consacrée par le droit de l'Union, a été méconnue ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 733-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 213-3. (...) " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 213-3 du même code : " L'étranger est informé du caractère positif ou négatif de cette décision dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 de ce code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Le I de l'article L. 511-1 est alors applicable " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 dudit code : " I - L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; qu'en l'absence d'une telle notification, et alors même qu'il incombe aux services de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile d'y pourvoir, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour, ni lui opposer un refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité de réfugié, ni mettre en oeuvre les dispositions précitées du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E...ont suivi des cours d'apprentissage de la langue française et sont capables de s'exprimer dans cette langue ; que, dès lors, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'auraient pas été informés dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'ils la comprennent du caractère négatif des décisions du 4 janvier 2011 rendues par la Cour nationale du droit d'asile à leur encontre ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à demander l'annulation des décisions attaquées ;

Sur les décisions portant refus de séjour " vie privée et familiale " :

7. Considérant que M. et MmeE..., ressortissants kosovars alors âgés respectivement de trente-neuf et trente-sept ans, sont entrés irrégulièrement en France en 2008 avec leurs deux enfants mineurs ; que si ces derniers, devenus majeurs, sont scolarisés en France, ils étaient également en situation irrégulière à la date des décisions attaquées ; que les époux E...ne font état d'aucun élément probant faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France ; que la circonstance, à la supposer établie, que les troubles psychiques dont souffre Mme E... auraient leur origine dans des agressions subies au Kosovo, est sans incidence sur la légalité des décisions portant refus de séjour, lesquelles ne constituent pas des mesures d'éloignement ; que, dans les circonstances de l'espèce, notamment eu égard à l'âge auquel les requérants sont entrés en France, les décisions portant refus de séjour n'ont pas porté aux droits des époux E...au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, par suite, le préfet du Nord n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle du couple, notamment au regard de la promesse d'embauche dont se prévaut M.E... ;

8. Considérant que M. et Mme E...n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Nord n'était pas tenu de soumettre leurs cas à la commission du titre de séjour en application de l'article L. 312-2 du même code avant de rejeter leurs demandes ;

Sur les autres moyens dirigés contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'il résulte des points précédents que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient illégales du fait de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance du titre de séjour sollicité au titre de la " vie privée et familiale " ;

10. Considérant que les époux E...ne peuvent utilement se prévaloir des risques encourus dans leur pays d'origine dès lors que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne fixe pas par elle-même le pays de destination en cas d'exécution de cette mesure ; qu'en outre, les requérants ne font état d'aucun élément faisant obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, ainsi qu'il a été dit au point 7 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

11. Considérant que M. et Mme E...ne peuvent utilement soutenir que les décisions les obligeant à quitter le territoire français seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elles impliqueraient l'interruption de la scolarité de leurs enfants qui sont désormais majeurs ; qu'en outre, ces décisions n'impliquent pas, par elles-mêmes, que ces derniers quittent le territoire français ;

Sur les décisions fixant le délai de départ volontaire :

12. Considérant qu'il résulte des points 9 à 11 que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le délai de départ volontaire seraient illégales du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

13. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 2 et 3, le moyen tiré de la méconnaissance du droit des requérants à être entendus doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur les décisions fixant le pays de destination :

14. Considérant qu'il résulte des points 9 à 11 que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination seraient illégales du fait de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

15. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux évoqués aux points 2 et 3, le moyen tiré de la méconnaissance du droit des requérants à être entendus doit, en tout état de cause, être écarté ;

16. Considérant que les époux E...n'apportent aucun élément probant permettant de tenir pour établi qu'ils encourraient des persécutions en cas de retour au Kosovo ; qu'au demeurant, et ainsi qu'il a été dit au point 5, leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des deux arrêtés du 19 mars 2012 du préfet du Nord ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E..., à Mme A...E..., au ministre de l'intérieur et à Me D...B....

Copie sera transmise pour information au préfet du Nord.

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N°13DA01330 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13DA01330
Date de la décision : 12/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Bertrand Baillard
Rapporteur public ?: M. Delesalle
Avocat(s) : LEQUIEN - LACHAL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-06-12;13da01330 ?
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