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25/11/2014 | FRANCE | N°14DA00705

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 25 novembre 2014, 14DA00705


Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2014, présentée par le préfet de la Seine-Maritime qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401067 du 4 avril 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. A...E...B..., d'une part, l'arrêté du 1er avril 2014 ordonnant la remise aux autorités italiennes de l'intéressé et, d'autre part, l'arrêté du même jour ordonnant le placement en rétention administrative de M. B... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribuna

l administratif de Rouen ;

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Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2014, présentée par le préfet de la Seine-Maritime qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401067 du 4 avril 2014 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé, à la demande de M. A...E...B..., d'une part, l'arrêté du 1er avril 2014 ordonnant la remise aux autorités italiennes de l'intéressé et, d'autre part, l'arrêté du même jour ordonnant le placement en rétention administrative de M. B... ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Schengen, signée le 14 juin 1985, et complétée le 19 juin 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Sous réserve des conventions internationales, du justificatif d'hébergement prévu à l'article L. 211-3, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 211-3 du même code : " Lorsque l'entrée en France est motivée par un transit, l'étranger justifie qu'il satisfait aux conditions d'entrée dans le pays de destination " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 531-1 du même code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne " ;

2. Considérant que M.B..., ressortissant pakistanais, en provenance d'Italie, a été interpellé par les services de police alors qu'il était caché à bord d'un camion le 1er avril 2014 et a déclaré vouloir se rendre au Royaume-Uni ; que, pour ordonner la remise aux autorités italiennes de l'intéressé, le préfet de la Seine-Maritime a retenu qu'il ne disposait pas d'un visa d'entrée sur le territoire britannique, contrairement aux dispositions de l'article R. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, toutefois, en s'abstenant d'examiner si l'étranger pouvait être regardé comme étant en séjour régulier en France compte tenu notamment des conditions d'entrée sur le territoire prévues à l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Maritime a commis une erreur de droit ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, pour ce motif, prononcé l'annulation de son arrêté ;

3. Considérant, toutefois, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existante à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

4. Considérant que le préfet de la Seine-Maritime se prévaut d'un nouveau motif dont il entend demander qu'il soit substitué à celui contenu dans sa décision et qui est tiré de ce que M. B... ne disposait pas, à la date de la décision attaquée, des documents relatifs à ses moyens d'existence et à sa couverture sociale prévus par les dispositions du 2° de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...né le 29 juin 1989, déclare être entré en France cinq jours avant son interpellation, en provenance d'Italie et à destination du Royaume-Uni ; qu'il est titulaire d'un passeport pakistanais, valable jusqu'au 19 août 2018 et d'un titre de séjour italien, valable jusqu'au 14 août 2018, lui permettant d'entrer sur le territoire français sans visa ; qu'il ne soutient, ni n'allègue, disposer de ressources propres, d'un moyen de retour ou des assurances mentionnées ; que, par suite, M. B...ne justifiait pas ainsi de sa capacité à séjourner en France et ne présente pas de garanties de rapatriement au sens de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté, le tribunal administratif de Rouen a retenu que M. B... était en séjour régulier en France et ne pouvait pas faire l'objet d'une procédure de remise aux autorités italiennes ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet de la Seine-Maritime aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif qui repose sur la situation existante à la date de la décision ; que M. B...a été mis à même de présenter ses observations sur la demande de substitution et n'a donc été privé d'aucune garantie essentielle ; que, par suite, il y a lieu de substituer ce motif à celui fondé sur la circonstance que l'intéressé était démuni de visa d'entrée au Royaume-Uni ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la remise aux autorités italiennes :

7. Considérant que M. C...D..., directeur de la réglementation et des libertés publiques de la préfecture de la Seine-Maritime, qui a signé la décision attaquée, avait reçu une délégation à cet effet par l'article 1er de l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 11 mars 2014, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de cette préfecture ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être écarté ;

8. Considérant que l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'acte doit être écarté ;

9. Considérant qu'il ressort des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger sa remise aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ; que, dès lors, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision de remise aux autorités d'un Etat membre de l'Union européenne ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant le placement en rétention administrative :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 9 que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

11. Considérant que l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'acte doit être écarté ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. B...est en possession d'un passeport en cours de validité, le caractère récent de son arrivée en France et ses déclarations indiquant qu'il n'a pas de domicile fixe ne permettent pas de considérer qu'il dispose dans ce pays d'une résidence certaine et stable ; que, par suite, M. B...ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir tout risque de fuite au sens de l'article L. 561-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime pouvait, sans commettre d'erreur dans l'appréciation de la situation personnelle de M.B..., ordonner son placement en rétention administrative ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé ses deux arrêtés du 1er avril 2014 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401067 du 4 avril 2014 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...E...B....

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°14DA00705


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00705
Date de la décision : 25/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Marjanovic

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-11-25;14da00705 ?
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