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12/12/2014 | FRANCE | N°14DA00187

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3 (bis), 12 décembre 2014, 14DA00187


Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2014, présentée par le préfet de la Seine-Maritime ;

Le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303529 du 30 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. E...D..., a annulé son arrêté du 27 décembre 2013 ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

2°) de rejeter les conclusions dirigées contre ces arrêtés présentées par M. D...devant le tribunal administratif ;

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Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2014, présentée par le préfet de la Seine-Maritime ;

Le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1303529 du 30 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen, à la demande de M. E...D..., a annulé son arrêté du 27 décembre 2013 ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

2°) de rejeter les conclusions dirigées contre ces arrêtés présentées par M. D...devant le tribunal administratif ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 13 novembre 2014 du président de la cour désignant M. Laurent Domingo pour exercer les fonctions de rapporteur public à l'audience du 27 novembre 2014 ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur ;

1. Considérant que, lorsqu'un fonctionnaire a régulièrement reçu délégation de signature en cas d'absence ou d'empêchement de ses supérieurs hiérarchiques, l'acte administratif signé par lui et entrant dans le champ de la délégation qu'il a reçue ne peut être regardé comme entaché d'incompétence lorsqu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ses supérieurs n'auraient pas été absents ou empêchés ;

2. Considérant que, par un arrêté du 3 septembre 2013, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, le préfet de la Seine-Maritime a donné à Mme B...C..., adjointe au chef de service de l'immigration de la préfecture de la Seine-Maritime, délégation à l'effet de signer notamment et en cas d'urgence les mesures de mise en rétention administrative, en cas d'absence ou d'empêchement de MmeA..., chef de service ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière n'aurait pas été empêchée le jour où la décision en litige a été prise ; que, par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, au motif de l'incompétence de Mme C..., annulé l'arrêté du 27 décembre 2013 ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...devant le tribunal administratif de Rouen ;

4. Considérant que la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

5. Considérant que la demande d'asile d'un étranger dont le document provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été refusé ou retiré pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 du même code ou qui s'est vu refuser pour l'un de ces motifs le renouvellement de ce document, fait l'objet d'un traitement selon la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cet étranger dispose du droit de contester la décision de rejet prononcée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il dispose également de la possibilité de saisir le tribunal administratif d'un recours en référé liberté contre le refus d'admission provisoire au séjour opposé pour l'un des motifs mentionnés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 ainsi que d'un recours pour excès de pouvoir suspensif contre l'obligation de quitter le territoire et la mesure fixant le pays de renvoi, prises à la suite du rejet de sa demande d'asile ; que, dans ces conditions, le droit au recours effectif n'implique pas nécessairement que l'étranger puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile, juridiction devant laquelle, au demeurant, l'étranger dispose de la faculté de se faire représenter par un conseil ou par toute autre personne ; que, dès lors, M. D...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne seraient pas compatibles avec le droit au recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français prononcée par le préfet de la Seine-Maritime serait illégale dès lors que cette mesure a été prise avant l'intervention de la décision de la Cour nationale du droit d'asile en méconnaissance de son droit à un recours effectif, doit être écarté ;

6. Considérant que l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas pour objet de fixer le pays de destination, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant que l'absence de mention des délais et voies de recours sur la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français est sans incidence sur la légalité de la décision ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision ordonnant son placement en rétention administrative serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. " ;

11. Considérant que la décision contestée, prise en vue de l'exécution de la décision portant obligation de quitter le territoire du 19 juillet 2013, est intervenue postérieurement à la notification à M. D...le 4 juin 2013 de la décision de rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de sa demande d'asile du 30 mai 2013 ; qu'à compter de cette date et conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 précité, M. D...ne bénéficiait plus du droit de se maintenir en France ; que, par suite, la circonstance qu'il ait introduit un recours devant la Cour nationale du droit d'asile est sans incidence sur la légalité de la décision le plaçant en rétention administrative ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure (...) de placement en rétention et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision (...) de placement. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français " ; que selon l'article L. 111-8 du même code : " Lorsqu'il est prévu aux livres II et V du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire (...) " ;

13. Considérant que M. D...a déclaré dans sa demande d'asile du 15 février 2013 le mongol comme langue d'origine ; qu'il a précisé comprendre la langue mongole lors de la notification, en présence d'un interprète dans cette langue, de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 19 juillet 2013 ; qu'il ressort des deux procès-verbaux d'audition établis le 27 décembre 2013 qu'un interprète en langue mongole a été requis tout au long de la procédure préalable à la mesure attaquée ; que l'arrêté contesté a été notifié à l'intéressé le même jour par l'intermédiaire de l'interprète dans cette même langue ; que, par suite, alors même que la décision contestée n'indique pas quelle langue l'intéressé a déclaré comprendre, les dispositions des articles L. 111-7 et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'elles confèrent des garanties à l'étranger placé en rétention, n'ont pas été méconnues ;

14. Considérant que la décision décidant du placement de l'intéressé dans un local ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ne porte par elle-même aucune atteinte au droit de M. D... à mener une vie familiale normale ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par cette décision, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant que M.D..., en se bornant à affirmer qu'il n'a jamais été séparé de sa fille auparavant et que cette séparation constituerait dès lors un traumatisme pour elle, n'établit pas que la décision contestée porterait une atteinte à l'intérêt supérieur de sa fille et méconnaîtrait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois " ; qu'en vertu du deuxième alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...), l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 " ;

17. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité ; qu'il n'a plus de domicile stable depuis que la convention d'accueil hôtelier d'urgence des demandeurs d'asile a pris fin, le 4 juillet 2013, un mois après la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il ne présente donc pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir tout risque de fuite pour l'application de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le préfet de la Seine-Maritime pouvait, sans commettre d'erreur d'appréciation, ordonner le placement en rétention administrative de M. D...;

18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 27 décembre 2013 ordonnant le placement de M. D...en rétention administrative ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D...devant le tribunal administratif doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 30 décembre 2013 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E...D....

Copie en sera transmise pour information au préfet de la Seine-Maritime.

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N°14DA00187 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 14DA00187
Date de la décision : 12/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Domingo

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2014-12-12;14da00187 ?
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