La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/01/2015 | FRANCE | N°13DA01246

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 20 janvier 2015, 13DA01246


Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour les sociétés Hitachi Zosen Inova Ag, société de droit étranger, venant aux droits de la société Von Roll umwelttechnik AG, dont le siège est situé Hardturmstrasse 127 à Zurich (Suisse), et Inova SAS, dont le siège est situé 1 rue Eugène et Armand Peugeot à Rueil-Malmaison (92508), par Me B...A... ; les sociétés Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003570 du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen les a condamnées à verser solidaireme

nt à la Société normande de valorisation énergétique (SNVE) la somme de 3 639 ...

Vu la requête, enregistrée le 25 juillet 2013, présentée pour les sociétés Hitachi Zosen Inova Ag, société de droit étranger, venant aux droits de la société Von Roll umwelttechnik AG, dont le siège est situé Hardturmstrasse 127 à Zurich (Suisse), et Inova SAS, dont le siège est situé 1 rue Eugène et Armand Peugeot à Rueil-Malmaison (92508), par Me B...A... ; les sociétés Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003570 du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen les a condamnées à verser solidairement à la Société normande de valorisation énergétique (SNVE) la somme de 3 639 595,44 euros TTC en réparation des désordres affectant l'unité de valorisation énergétique que cette société exploite ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Rouen par la SNVE ;

3°) de mettre à la charge de la SNVE la somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,

- les observations de Me Christèle Delcamp, avocate des sociétés Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS et de Me Jean Berrut, avocat de la SNVE ;

1. Considérant que le syndicat intercommunal pour la collecte et la destruction des déchets ménagers de l'agglomération rouennaise, devenu syndicat mixte d'élimination des déchets de l'arrondissement de Rouen (SMEDAR), a confié au groupement d'entreprises constitué par la société Von Roll umwelttechnik AG et la société Inova France, aux droits desquelles viennent respectivement la société Hitachi Zosen Inova AG et la société Inova SAS, la fourniture et l'installation des trois chaudières de l'unité de valorisation énergétique (UVE), dénommée " Vesta ", dont l'exploitation a été confiée à la Société normande de valorisation énergétique (SNVE) ; que les sociétés Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS relèvent appel du jugement du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Rouen les a condamnées à verser solidairement à la SNVE, subrogée dans les droits du SMEDAR, la somme de 3 639 595,44 euros TTC en réparation des désordres affectant les économiseurs de l'UVE ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, contrairement aux allégations des sociétés requérantes, et alors que le tribunal administratif n'avait pas à répondre aux simples arguments invoqués, les premiers juges ont écarté le moyen soulevé relatif au caractère dissociable de l'ouvrage des équipements faisant l'objet des désordres ; que, par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché, sur ce point, d'une omission à statuer ;

Sur la responsabilité des constructeurs :

3. Considérant qu'en vertu des principes dont s'inspirent l'article 1792 du code civil, lorsque des désordres de nature à compromettre la solidité d'un ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination sont survenus dans un délai de dix ans à compter de la réception de celui-ci, les constructeurs en sont responsables de plein droit envers le maître d'ouvrage, sauf à s'exonérer de leur responsabilité en établissant que les désordres résultent d'une cause étrangère à leur intervention ;

4. Considérant, en premier lieu, que par marché conclu le 15 juillet 1996, le SMEDAR a confié aux sociétés Von Roll umwelttechnik AG et Inova France une partie des études et la totalité des travaux du lot n° 1 portant sur la fourniture et l'installation des chaudières de l'usine de valorisation énergétique des ordures ménagères " Vesta " ; que les économiseurs sont des modules d'échange calorique destinés à récupérer la chaleur des fumées générées par les chaudières pour préchauffer l'eau qui sera ensuite transformée en vapeur par les mêmes chaudières ; que le dispositif d'incinération des ordures, de transformation d'eau en vapeur par récupération de calories, de dérivation et de condensation de la vapeur forme un ensemble indissociable disposant d'un ancrage permanent et d'une emprise au sol ; que, dès lors, cet ensemble immobilier constitue un ouvrage qui a sa destination propre, au sens des principes dont s'inspire l'article 1792 du code civil ; qu'il suit de là que les désordres affectant la production ou le traitement de vapeur sont susceptibles d'entrer dans le champ de la garantie décennale due par les constructeurs de l'ouvrage ; que, par suite, les sociétés Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS ne sont pas fondées à soutenir que les économiseurs seraient des équipements dissociables de l'ouvrage ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des expertises menées en 2001 et en 2006, que les tubulures constituant les économiseurs ont subi de nombreuses fuites et un vieillissement prématuré à la faveur de contraintes d'origine vibratoire ; que la dégradation généralisée des conduites compromet la solidité de l'ouvrage dont l'étanchéité des circuits renfermant un fluide à haute pression et à haute température n'est plus assurée ; qu'en outre les déperditions constatées sur les économiseurs affectent la performance des chaudières et, par suite, rendent l'ouvrage impropre à sa destination ;

6. Considérant, en troisième lieu, que si des fuites sont survenues avant la réception des travaux sur les économiseurs de la chaudière n° 3, conduisant à leur remplacement, et si d'autres fuites sont apparues entre la réception des travaux et la levée des réserves sur les économiseurs des chaudières n° 1 et n° 2, la date de réception de l'ouvrage a été fixée au 20 décembre 2001 et les réserves, comprenant notamment la fiabilité des économiseurs, ont été levées le 10 décembre 2002 ; que les manifestations de ces désordres ne pouvaient être appréhendées dans toute leur ampleur au moment de la réception des travaux ; qu'il résulte du rapport d'expertise déposé le 23 mai 2002, que les désordres affectant les économiseurs trouvent leur origine dans un défaut de conception et de construction ; qu'en outre, si les sociétés requérantes soutiennent que les désordres résulteraient des erreurs d'entretien ou d'exploitation commises par la SNVE, notamment sur le type de déchets utilisés et leurs conséquences calorifères et corrosives, aucun élément du dossier ne démontre que l'ignorance par l'exploitant des préconisations d'utilisation des chaudières, à la supposer établie, serait à l'origine de l'apparition des désordres en litige ; que, dès lors, c'est à bon droit, que le tribunal administratif de Rouen a retenu la responsabilité solidaire de la société Hitachi Zosen Inova AC et de la société Inova SAS, sur le fondement de la garantie décennale, à raison des désordres affectant les économiseurs de l'UVE ;

Sur la réparation des désordres :

7. Considérant, d'une part, que dans le cas où des travaux sont nécessaires pour rendre un ouvrage conforme à sa destination, il n'y a lieu d'opérer un abattement sur les indemnités mises à la charge des entrepreneurs responsables des désordres auxquels lesdits travaux doivent mettre fin que si ceux-ci ont apporté à l'ouvrage une plus-value par rapport à la valeur des ouvrages et installations prévues au contrat ;

8. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le coût du remplacement des économiseurs corresponde à d'autres travaux que ceux strictement nécessaires pour mettre en conformité l'installation de récupération de chaleur avec les spécifications du marché ; que, par suite, il ne saurait être mis à la charge de la SNVE un abattement sur le coût de la mise en conformité des ouvrages pour tenir compte d'une plus-value apportée à l'UVE ;

9. Considérant, d'autre part, qu'eu égard à la nature des désordres et à la période comprise entre le 10 décembre 2002, correspondant à la levée des réserves concernant la fiabilité des économiseurs des chaudières n° 1 et n° 2 et l'année 2006, au cours de laquelle sont apparues les premières défectuosités sur ces économiseurs, il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'appliquer au montant de l'indemnité évaluée par l'expert pour le remplacement de ceux-ci un coefficient de réduction pour tenir compte de la vétusté de ces installations ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen les a condamnées à verser solidairement à la Société normande de valorisation énergétique la somme de 3 639 595,44 euros TTC ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

12. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par les sociétés Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS doivent, dès lors, être rejetées ;

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SNVE et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Hitachi Zosen Inova AG et de la société Inova SAS est rejetée.

Article 2 : Les sociétés Hitachi Zosen Inova AG et Inova SAS verseront à la SNVE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hitachi Zosen Inova AG, à la société Inova SAS et à la Société normande de valorisation énergétique.

''

''

''

''

4

N°13DA01246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 13DA01246
Date de la décision : 20/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. Hoffmann
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Guyau
Rapporteur public ?: M. Marjanovic
Avocat(s) : CABINET ENDROS - BAUM ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-01-20;13da01246 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award